Dans l'univers impitoyable de la politique comme dans celui du jeu vidéo, prendre ses distances amène souvent à libérer la parole, et à réfléchir un peu sur l'immédiateté de l'actualité qui chaque jour nous dévore un peu plus. Désormais retiré la de la vie vidéoludique, Shawn Layden, désormais barbu comme un prophète, semble avoir médité durant plusieurs mois, et nous gratifie de ses prédictions.
Celui qui aura effectué la quai-totalité de sa carrière chez Sony pour finir par prendre la tête de la branche américaine a récemment participé à l'événement en ligne Gamelab Live, auquel le site Games Industry a eu la chance de participer. Forcément interrogé sur le très récent The Last of Us Part II, démarré sous sa présidence, Layden ne tarit d'abord pas d'éloges sur la la prouesse réalisée par Naughty Dog :
Nous pouvons vous faire hurler, crier, et même vous horrifier, mais ce sont les sensations les plus faciles à déclencher. Mais si nous pouvons vous plonger dans la contemplation, ou vous attrister, alors nous profitons vraiment de la palette d'émotions que peut vous apporter une expérience de jeu réussie.
Mais pour atteindre ce niveau de perfection qui profite pour le moment des faveurs de la rédaction de Gameblog, il aura littéralement fallu suer sang et eau chez Naughty Dog, comme l'a tristement expliqué Jason Schreier dans un article de Kotaku. En bon vétéran des guerres (des consoles) passées, l'ex-cadre de Sony explique que les budgets des AAA ont doublé à chaque génération, une folie qu'il aimerait voir reculer :
Le problème de ce modèle, c'est qu'il n'est pas tenable. Sur la génération actuelle, les coûts s'élèvent entre $80 millions (environ 70 millions d'euros) et $150 millions (environ 132 millions d'euros). Je ne pense pas que la prochaine pourra encore les multiplier par deux. Je pense que l'industrie toute entière aurait besoin de se poser, et de se dire : "Ok, que veut-on construire ? Quelles sont les attentes du public ? Quelle est la meilleure manière de raconter notre histoire, et de dire ce que nous avons à dire ?
Vous l'aurez compris : Layden souhaiterait stopper ou au moins ralentir l'éternelle course en avant qui veut que l'industrie aille toujours plus loin, et continue de pusher les boundaries jusqu'à épuisement, d'autant plus que le pris des jeux ne connait pas la même croissance que les budgets :
Les jeux coûtent $60 depuis mes débuts dans cette industrie, mais leurs budgets on été multipliés par dix. Si vous n'avez pas plus d'élasticité au niveau du prix, c'est un modèle économique qui devient difficile à tenir. Je pense que ces deux impératifs vont entrer en collision durant cette nouvelle génération. Tous les coûts de développement sont des coûts salariaux, n'est-ce pas ? Ce n'est qu'une question de créativité, et d'habileté à amener les gens vers un objectif commun.
Y a-t-il une autre manière de faire ? Plutôt que de passer cinq ans à développer un jeu de 80 heures, que penserait-on d'un développement de trois ans pour un jeu de 15 heures ? Quel en serait le coût ? L'expérience serait-elle complète ? Personnellement, en tant que vieux joueur, j'aimerais voir les jeux AAA revenir à une durée de vie de 12-15 heures.
Si la sagesse vient avec l'âge, Layden dessinerait-il les contours réalistes des AAA de demain ? Au vu des enquêtes qui se multiplient, et dévoilent des conditions de travail parfois scandaleuses pour permettre l'aboutissement de titres ambitieux tels que le dernier Naughty Dog ou encore Red Dead Redemption II (puisque nous savons que l'herbe n'est clairement pas plus verte chez Rockstar), il serait sans doute temps d'effectivement lever le pied, ne serait-ce que pour la santé physique et mentale des équipes. Mais tant que certains journalistes continueront à délibérément ignorer ses problématiques, sera-t-il seulement possible de l'imaginer ?
Que pensez-vous des déclarations de Shawn Layden ? Faut-il revenir à des développements plus raisonnables ? Le jeu vidéo doit-il être restreint pour être éthique ? Faites-nous part de vos avis au riez soufflé dans les commentaires ci-dessous.