En avril dernier, après avoir accueilli plus de 5.000 visiteurs en 12 jours d'ouverture, le Musée du Jeu Vidéo avait dû tristement fermer ses portes. Il en fut de même pour le Musée de l'Informatique. Deux expositions qui se tenaient sur le Toit de la Grande Arche de la Défense.
Depuis, nous en avions appris un peu plus sur les coulisses de ce fiasco et les raisons surréalistes de la fermeture (Musée du jeu vidéo : les raisons de la fermeture). Un grand merci au Ministère du Développement Durable...
Mais les choses n'en restent pas là : Philippe Nieuwbourg, directeur du Musée de l'Informatique, poursuit le combat et a adressé depuis une lettre au Président de la République, Nicolas Sarkozy. Et figurez-vous qu'une réponse est arrivée. La voici :
Monsieur le Directeur,
Le Président de la République a bien reçu le message que vous lui avez adressé sur le site Internet de l'Elysée et par lequel vous lui faites part de vos inquiétudes concernant l'avenir de l'établissement que vous dirigez.
Monsieur Nicolas Sarkozy, sensible aux motivations qui ont guidé votre démarche, m'a confié le soin de vous répondre.
Je puis vous assurer qu'il a été pris connaissance avec attention de vos préoccupations avant de les signaler à Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement et à Monsieur Eric Besson, Ministre auprès de Madame la Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, de l'Energie et de l'Economie numérique.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Guillaume Lambert.
Une lettre datée du 2 décembre 2010. Je ne sais pas pour vous, mais la missive semble prendre plus de temps à déclamer les attributions de chacun qu'à apporter le début du commencement d'une réponse. Quoi qu'il en soit, le dossier ne semble donc pas enterré, et "NKM", désormais responsable dans le gouvernement Fillon III, pourrait reprendre la triste ardoise laissée par le cabinet de Jean-Louis Borloo (des centaines de milliers d'euros dépensés et des emplois supprimés pour transformer les Toits de l'Arche en lieu de reception... tout en virant les deux musées).
En réponse, Philippe Niewbourg a souhaité entamer le dialogue :
Madame la ministre,
Vous connaissez parfaitement le dossier du musée de l'informatique, au titre de l'économie numérique dont vous aviez la charge il y a quelques semaines encore. J'avais eu l'occasion de vous interviewer lorsque vous aviez accordé votre parrainage au congrès mondial sur l'Internet du Futur, organisé au musée de l'informatique avec Vinton Cerf, Louis Pouzin et Robert Kahn.
Depuis son ouverture en 2008, le musée de l'informatique a accueilli environ 750.000 visiteurs et des centaines de visites scolaires. Unique musée de l'informatique en France, il est devenu une référence en Europe. Et tout cela sans peser nullement sur les finances publiques puisque auto-financé par la billetterie, l'événementiel et les visites guidées.
Mais au mois d'avril, profitant d'une panne d'ascenseur de la Grande Arche, les services de votre ministère ont décidé abruptement de fermer la Grande Arche au public, entrainant la fermeture sans préavis du musée de l'informatique.
Conséquences directes dans les prochaines semaines, le licenciement d'une cinquantaine de salariés et le dépôt de bilan probable des deux sociétés sous-traitantes.
Le 5 octobre dernier, interrogée en direct par un auditeur sur RMC, vous avez déclaré que "il y a actuellement des discussions pour savoir où pourrait être transporté le musée de l'informatique". Malheureusement les bonnes informations ne vous avaient pas été transmises à l'époque, car aucune discussion n'a jamais été initiée ni pour envisager un partage intelligent des espaces, ni pour le déplacement du musée de l'informatique.
Vous pouvez encore aujourd'hui revenir sur cette décision et ses modalités, et éviter ainsi le licenciement de nombreux salariés et les autres conséquences sociales. Nous sommes bien conscients que le ministère doit trouver des locaux pour organiser ses réunions et ses conférences, mais cela doit-il se faire aux dépends de l'emploi et de la culture scientifique ? La Grande Arche peut certainement accueillir des visiteurs et en parallèle recevoir les réunions du ministère. Nous ne demandons qu'une chose, que la concertation et le travail en commun permette de dégager une solution. Vous avez le pouvoir de sauver de nombreux emplois et le musée de l'informatique.
Nous avons bien compris que les relations "particulières" entretenues par votre ministère avec la société exploitante devaient être remises à plat. Mais nous n'avons aucun lien juridique avec cette société. Le musée de l'informatique est une association sans but lucratif. Des bénévoles travaillent depuis plusieurs années pour conserver et transmettre le patrimoine français de l'économie numérique. Leur travail a été anéanti par cette décision technocratique.
Pour terminer, je me permets de vous joindre copie d'un courrier du Chef de Cabinet de Monsieur le Président de la République. N'obtenant pas de réponse à nos demandes auprès de votre prédécesseur, nous avions pris l'initiative de saisir l'Elysée afin d'informer Monsieur le Président de la République de la situation. Une initiative qui se justifie car Monsieur Nicolas Sarkozy avait apporté son soutien officiel au projet de musée de l'informatique dès 2007.
Je reste à votre entière disposition pour vous apporter les précisions que vous pourriez souhaiter dans la conduite de ce dossier. Les salariés, les bénévoles et l'ensemble des visiteurs du musée de l'informatique comptent sur votre action rapide pour donner un nouvel élan à cet outil de transmission de la culture scientifique.
Je vous prie de recevoir, Madame la ministre, l'expression de mes salutations respectueuses.
Même si les chances semblent minimes, espérons que la démarche puisse porter ses fruits (ici ou ailleurs) pour qu'informatique et jeu vidéo puissent retrouver des lieux d'exposition dignes de l'intérêt qu'ils suscitent aujourd'hui. À noter qu'après des mois de tractation, le Musée du Jeu Vidéo pourrait bientôt retrouver un lieu d'exposition. La régions parisienne, les villes de Lille et Lyon se montreraient ainsi intéressées.
Par ailleurs, le communiqué de presse du Musée du Jeu Vidéo à ce sujet précise un élément juridique d'importance : "le ministère a été débouté de sa demande en référé d'expulsion de la société d'exploitation du toit ! Cela signifie que le tribunal a considéré que le ministère n'était pas forcément dans son droit et qu'il n'y avait aucune raison d'expulser ainsi sans préavis. Le jugement est renvoyé au fonds. Cela peut donc prendre 5 à 10 ans jusqu'au Conseil d'État". A suivre.