La Federal Trade Commission américaine continue de surveiller de près les agissements des éditeurs de jeu et des YouTubers sur le site de partage de vidéos de Google. Cette fois, au tour de Warner Bros. de se faire taper sur les doigts.
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Quand un éditeur de jeux vidéo dépense plusieurs dizaines de milliers de dollars pour payer des YouTubers à dire du bien d'un de ses jeux, cela ne plaît pas à la Federal Trade Commission et elle le fait savoir. L'agence indépendante du gouvernement américain dont la mission est de veiller à l'application du droit de la consommation et de contrôler les bonnes pratiques commerciales, vient en effet de publier les résultats d'une enquête menée sur l'éditeur Warner Bros. Home Entertainment.
La FTC déclare que la société américaine a, de par ses accords passés avec de nombreux YouTubers, dont PewDiePie, violé le Federal Trade Commission Act. Et une fois encore, c'est de publicité dissimulée dont il est question. L'agence reproche en effet à Warner Bros. d'avoir payé les vidéastes à dire du bien de La Terre du Milieu : L'Ombre du Mordor tout en leur demandant de faire en sorte que le caractère sponsorisé de la vidéo soit le moins visible possible :
Selon la plainte (déposée par la FTC), Warner Bros. a payé chaque influenceur des sommes allant de plusieurs centaines à des dizaines de milliers de dollars, leur a donné des versions gratuites du jeu en avant première, et leur a dit d'en faire la promotion. La FTC affirme que Warner Bros. a exigé que les influenceurs fassent la promotion du jeu d'une manière positive et qu'ils ne révèlent pas le moindre bug qu'ils auraient pu trouver.
Et même si ces vidéos étaient du contenu sponsorisé, des publicités pour Shadow of Mordor, la FTC allègue que Warner Bros. a manqué d'exiger que les influenceurs rémunérés révèlent cette information de manière adéquate. [...]
Selon la plainte, Warner Bros. a, à l'inverse, demandé aux influenceurs de placer les divulgations (du caractère publicitaire des vidéos) dans la zone de description qui apparaît sous la vidéo. Et comme Warner Bros. avait également demandé à ce que d'autres informations soient placées dans cette zone, la large majorité des divulgations de sponsoring apparaissaient sous la zone à dérouler qui est uniquement visible si les consommateurs cliquaient sur le bouton "Plus" dans la zone de description. De plus, lorsque les influenceurs ont posté des vidéos YouTube sur Facebook ou Twitter, ces publications ne comprenaient pas le bouton "Plus," ce qui diminuait encore plus les chances que les consommateurs voient ces indications de sponsoring.
La plainte allègue également que, dans certains cas, les influenceurs ont seulement indiqué qu'ils avaient obtenu un accès anticipé à Shadow of Mordor mais ont manqué de révéler que Warner Bros. les avait aussi payés à promouvoir le jeu.
Des obligations claires
Dans son document officiel, la FTC ordonne à Warner Bros. de "fournir à chaque influenceur une déclaration de responsabilité" leur demandant de "divulger clairement et ostensiblement" qu'il s'agit d'un contenu sponsorisé et ce dans :
- La moindre vidéo mise en ligne
- La moindre publication sur les réseaux sociaux
- N'importe quel autre type de communication
Chaque influenceur devra indiquer qu'il accepte de se plier aux termes de cette déclaration et en remettre un exemplaire daté et signé à Warner Bros.
Des devoirs pour les YouTubers
L'agence américaine demande également à l'éditeur américain de mieux surveiller les contenus issus de ces partenariats mis en ligne par les YouTubers. Si les YouTubers ne se plient pas aux règles en matière de transparence, alors la FTC demande à l'éditeur de rompre le contrat qui les lie avec les YouTubers et surtout de ne pas les payer. Les conditions qui peuvent mener à l'arrêt des paiements sont les suivantes :
- L'influenceur a déformé d'une manière ou d'une autre la nature de son indépendance et son impartialité
- L'influenceur n'a pas "divulgué Clairement et Ostensiblement", rapidement après la mise en ligne du contenu, le lien matériel qui l'unit à l'éditeur.
Dans le reste de la plainte, la FTC explique que le contrat de Warner Bros. avec les YouTubers exigeait que ces derniers envoient leur vidéo à l'éditeur avant leur publication afin que la vidéo soit "pré-approuvée." L'agence américaine reproche à Warner Bros. d'avoir laissé les YouTubers mettre en ligne leurs vidéos alors qu'elles ne contenaient pas d'indication spécifique de leur caractère publicitaire.
Cerise sur le gâteau, la plainte reproche enfin à Warner Bros. d'avoir exploité et relayé les vidéos nées de ces contrats avec les vidéastes comme s'il s'agissait d'avis "objectifs" de fans de jeux vidéo "impartiaux."
La Federal Trade Commission ordonne par conséquent à Warner Bros. de ne plus présenter des contenus publicitaires comme des opinions indépendantes ainsi que d'indiquer clairement le type de partenariats qui le lient aux influenceurs. Enfin,
Aux États-Unis, les ordres émis par la Federal Trade Commission doivent être appliqués avec la même rigueur que les lois. S'il ne respecte pas ces ordres, Warner Bros. encourt le risque d'être frappé d'une "peine civile" (autrement dit, une sanction émise par une agence gouvernementale).
Notre avis
La tournure des prochaines campagnes marketing de l'éditeur seront donc un bon moyen de voir s'il a décidé de se soumettre aux demandes du gouvernement américain. Puisqu'ils courent désormais le risque d'être touchés là où ça fait mal, au niveau du compte en banque, les YouTubers ont désormais tout intérêt à être plus transparents.
Et même si le cas du jour concerne Warner Bros. en particulier, il permet de rappeler que la FTC surveille de près ce qui se passe sur YouTube en matière de publicité dissimulée. Les nombreux autres éditeurs qui font appel aux YouTubers américains pour vanter les mérites de leurs jeux ont donc tout intérêt à garder à l'esprit les ordres reçus par Warner Bros.
A noter qu'en France aussi le cas de la publicité dissimulée sur YouTube est observé par la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF). Des "pratiques commerciales trompeuses" ont ainsi été repérées avec des sanctions à venir.
[Source : Federal Trade Commission]