Les jours passent et les tensions entre Vivendi et Ubisoft ne s'apaisent pas. Toujours aussi mécontents de la tournure que prennent les événements, les responsables de l'éditeur français ont décidé de contre-attaquer.
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Ubisoft n'est absolument pas favorable à la prise de place grandissante de Vivendi dans son capital et n'hésite pas à le faire savoir publiquement. Yves Guillemot, l'actuel président directeur général d'Ubisoft a récemment accordé une interview au site Les Échos dans laquelle il revient sur l'arrivée de la société de Vincent Bolloré dans le capital de l'éditeur français.
Yves Guillemot explique que lui et ses collègues ont très mal vécu l'arrivée du magnat français dans le capital de leur société, en partie en raison des méthodes employées par ce dernier :
Nous avons le sentiment d'avoir vécu une agression. J'ai reçu un appel de Vincent Bolloré deux heures avant l'annonce de son entrée dans le capital d'Ubisoft. Il ne m'en a même pas parlé ! [...]
Prendre un pourcentage dans notre société sans discuter avec nous au préalable, ce sont des méthodes d'un autre temps. On n'entre pas dans une société en cassant la porte ! [...]
C'est la méthode des activistes, celle qui consiste à mettre sous pression le management et à procéder à un contrôle rampant sans payer de plus-value aux actionnaires.
Cette interview, et les déclarations qu'elle contient, montrent que l'actuel dirigeant d'Ubisoft et sa famille ne comptent pas se laisser faire. Yves Guillemot explique que la résistance est actuellement en train de s'organiser et qu'ils étudient les différents moyens qui pourraient être employés pour empêcher Vincent Bolloré de prendre le contrôle d'Ubisoft.
Parmi les possibilités envisagées, la mise en place de nouveaux partenariats avec des créateurs de plates-formes "qui ont besoin de contenus." Et il ne semble pas être question de créateurs de consoles, car il est difficile d'imaginer Ubisoft se limitant à des sorties de jeu sur une seule machine, mais plutôt de sociétés qui proposent du contenu en streaming (jeu et cinéma/séries) et à qui les licences Ubisoft pourraient être utiles.
Ubisoft ne mâche plus ses mots
Une autre solution pour la famille Guillemot serait d'augmenter la part du capital qu'elle possède afin de rester l'actionnaire principal. Dans cet entretien, Yves Guillemot rappelle une nouvelle fois le désir d'Ubisoft de rester indépendant et en profite pour évoquer la présence problématique de Vivendi dans le capital d'Activision, éditeur que la société française contrôlait jusqu'en 2014, et glisser une pique au sujet des méthodes de gestion du groupe de Vincent Bolloré :
Aujourd'hui, Vivendi a un conflit d'intérêt avec Ubisoft car il détient 6% du capital d'un concurrent Activision Blizzard. D'ailleurs, j'observe que quand Vivendi a vendu la majeure partie de sa participation dans cette société, son patron Bobby Kotick a reconnu que Vivendi l'avait empêché d'être réactif et agile.
Yves Guillemot craint par exemple que la présence de Vivendi, société à qui appartient entre autres Canal +, limite les partenariats que pourrait nouer Ubisoft à l'avenir. Vivendi aurait en effet tout intérêt à privilégier ses propres filiales, au détriment d'Ubisoft :
Quand nous avons produit la série télé "Les lapins crétins," Canal + et France TV étaient candidats pour la diffuser. Nous avons retenu France TV car ils étaient mieux disant. Avec Canal +, nous n'aurions pas dégagé la même rentabilité. Ce n'est pas l'intérêt des actionnaires d'Ubisoft de remplir les slots de Canal + !
Aujourd'hui, nous travaillons avec de multiples partenaires dans le monde, Sony Pictures, Warner, Fox... Nous ne pouvons pas nous réduire à un seul partenaire demain.
Et même si la possibilité d'une fusion entre Ubisoft et Gameloft (société fondée par la famille Guillemot dont Vivendi a également intégré le capital) n'est pas totalement écartée, elle n'enthousiasme pas particulièrement Yves Guillemot.
Dans cette interview, il est également possible de noter l'insistance avec laquelle Yves Guillemot parle de "l'intérêt des actionnaires." Les joueurs qui souhaiteraient qu'Ubisoft accorde plus de temps de développement à ses licences majeures comme Assassin's Creed, afin qu'elles puissent revenir rafraîchies, risquent d'apprécier.
[Source : Les Échos]