Après Link "aux yeux de chat" sur DS et le retour du Héros du Temps avec la réédition portable d'Ocarina of Time, la Nintendo 3DS accueille enfin son premier Zelda inédit. Dans un premier temps baptisé A Link to the Past 2, Nintendo a entretenu le mystère autour de The Legend of Zelda : A Link Between Worlds et surpris son monde en proposant un univers et une représentation similaires à ceux de A Link to the Past. Tantôt envisagé comme un remake ou une suite au grand épisode Super NES, A Link Between Worlds est bien un épisode à part entière. Reste à déterminer s'il forgera sa propre légende ou s'il restera dans l'ombre de son ainé...
L'aventure de A Link Between Worlds commence par un voyage dans le temps, dès l'écran-titre. Trois triangles d'or qui se rejoignent pour former la Triforce, dans un son qui donne le frisson, renforcé par la musique d'introduction de Zelda 3, pour un petit retour express en 1992. Même pas besoin de DeLorean ou de cabine téléphonique donc, une simple 3DS suffit pour remonter le temps et parcourir à nouveau le monde de A Link to the Past, cette fois en 3D, polygonale et stéréoscopique.
Un lien vers le passé
Car si A Link Between Worlds propose bien une aventure inédite que les fans s'amuseront à placer dans la frise de continuité toute neuve proposée par Nintendo, ce sont bien, à quelques légers détails près, les environnements et les lieux de A Link to the Past que l'on sera amené à (re)visiter. Même certains boss viennent directement de Zelda 3, ou alors en sont fortement inspirés. La structure des donjons est également similaire, mais heureusement on y progresse différemment, déjà parce que Link peut désormais jouer les passes-murailles. Les ennemis sont également ceux que l'on pouvait trouver dans le jeu Super Nintendo et Link, comme Impa, la nourrice de la princesse Zelda, ou encore le peuple Zora, ont l'apparence qu'ils avaient au début des années 90... pas forcément flatteur d'ailleurs pour le peuple aquatique ou la nounou. Avec tant de similitudes, se pose la question de la direction artistique. Sur ce point, les deux titres divergent. Bien moins coloré et chatoyant que l'épisode SNES, ce Zelda 3DS, bien qu'un peu dépouillé dans ses environnements, propose des graphismes "joufflus" plutôt mignons, et surtout il utilise à merveille la 3D stéréoscopique de l'écran supérieur de la 3DS. Le titre joue en effet beaucoup avec les valeurs de plan, la superposition (facile avec une caméra aérienne), rendant le jeu en 3D relief presque obligatoire, tant il est utile dans la résolution de diverses énigmes et apporte un vrai confort de jeu général. Enfin, si A Link Between Worlds emprunte tout à Zelda 3, il rend également hommage à toute la saga Zelda, avec moult petits détails comme le masque de Majora accroché au mur de la bicoque de Link, les portraits des personnages des divers jeux de la saga dans les maisons du village Cocorico, et bien sûr l'utilisation de nombreux thèmes musicaux de la série, superbement réorchestrés (et acoustiques dans le bar Lon Lon) qui confèrent au titre un caractère épique absolument grisant.
Kid Loutou
Cependant, même si Zelda 3 est le squelette de ce Zelda 3DS et que tous les épisodes de la saga Zelda résonnent en lui, ce nouveau titre introduit une nouveauté majeure dans cette série aux rouages immuables : toutes les armes sont disponibles d'emblée et les donjons ne sont donc pas à explorer dans un ordre précis, pour que tel objet acquis permette de franchir tel danger. Une petite révolution qui montre la prise de conscience des équipes travaillant sur la série, comme l'évoquait en interview le producteur Eiji Aonuma. En jeu, cette nouvelle configuration dynamise grandement l'aventure, la rendant évidemment moins linéaire. Formellement, les armes sont proposées à la location par un mystérieux personnage nommé Lavos. Link pourra emprunter chaque objet pour une centaine de rubis et ensuite les acheter pour des sommes plus élevées. Chaque donjon demande quand même un certain type d'arme pour être pénétré ou terminé, tandis que certains objets tels que les Gants de Titan, pour soulever les gros rochers, ou la Roche de Légende, pour forger et améliorer L'Épée de Légende, ne se trouvent que dans les coffres de ces donjons. Il n'en demeure pas moins qu'il est d'emblée agréable de découvrir les fontaines de fées ou des caves à trésor et à quart de coeur grâce à l'emploi immédiat des bombes (illimitées, tout comme les flèches de l'arc, l'utilisation des armes dépendant de la barre de mana), du grappin ou du marteau. En revanche, si vous tombez au combat, toutes les armes en location reviendront à leur propriétaire et il faudra les relouer... ce qui devrait vous arriver plus fréquemment que dans les Zelda récents, A Link Between Worlds empruntant aussi à Zelda 3 la difficulté de son époque. Un peu de défi embellit toujours les victoires et il faudra faire les à-côtés de l'aventure principale pour améliorer les capacités et l'équipement de Link, sous peine de se retrouver à poil face au boss final. Cependant, la perte des armes louées n'est pas vraiment frustrante, étant donné que les nombreux points de sauvegarde sur la carte sont autant de destination à balai magique, une petite sorcière vous baladant à volonté aux quatre coins de la carte. Il suffira de faire un crochet chez Link, où Lavos a installé sa boutique, pour louer de nouveau. Et comme la bourse a de base une contenance illimitée, pas de problèmes de finances non plus.
Le meilleur des deux mondes
Mais bien entendu, la faculté pour laquelle Link n'a pas besoin d'arme dans cet épisode, c'est celle lui permettant de se transformer en peinture murale. Si l'effet de voir Link en graffiti est visuellement réussi et qu'il introduit de fait un méchant et une histoire intéressante, sur deux dimensions, deux mondes mais aussi deux plans, celui du Link des murs et celui en 3D, ce nouveau pouvoir a permis aux équipes de développement de pousser encore un peu plus loin l'ingéniosité déjà éclatante dont ils font preuve pour concevoir donjons et lieux secrets aux énigmes réjouissantes. La notion du déplacement sur un plan 2D s'ajoute aux idées déjà connues mais toujours réussies de jeux d'ombres et de lumières, de nivellement des eaux, de l'utilisation des courants d'air, d'interrupteurs à activer en rythme, etc. Qu'il est bon de se faire un peu mal aux neurones dans ces donjons où l'on prend toujours son pied ! Si la formule de l'obtention des objets a changé, sachez cependant qu'il s"agira toujours de sauver sept sages pour réunir la Triforce du Courage et combattre ici le perfide, Yuga que l'on découvre dès le début du jeu et auquel Link doit ce pouvoir de métamorphose. Nous avons là une progression classique donc, mais beaucoup moins linéaire, et une intrigue qui réserve quelques surprises réussies. Enfin, pour être complet, si bien entendu divers petits jeux sont présents dans l'aventure (dont du Streetpass vous invitant à combattre le Link noir d'un autre joueur), on pourra aussi collecter des bouts de monstre qui n'ont malheureusement pour seul intérêt que de devenir des potions. Quand on sait à quel point les flacons se font parfois rare en Hyrule... On préférera donc retrouver, à travers le pays de Link et le monde de Lorule, tous les petits d'une grosse maman poulpe à l'accent anglais qui en récompense améliorera l'équipement du petit héros en tunique verte.
Avec ou sans frissons de nostalgie, The Legend of Zelda : A Link Between Worlds est un très bon jeu. S'il ne fera pas figure comme A Link to the Past, son modèle en tout, d'étape dans l'histoire du jeu vidéo, il aura tout de même le mérite, en plus de proposer des donjons conçus avec la maestria qui caractérise Nintendo et une 3D stéréoscopique convaincante en termes de jeu, d'innover un peu. Et ce malgré le fait que son univers soit calqué sur celui d'un jeu sorti il y a 22 ans. Avec sa progression non-linéaire, ce Zelda 3DS pose peut-être les jalons de plus grands bouleversements dans les prochains titres à venir... C'est tout ce qu'on souhaite à la saga. En tout cas, le changement fonctionne et dynamise une aventure prenante de bout en bout. Un titre indispensable.