Pour lancer une nouvelle licence dans le monde des RPG, il vaut mieux avoir les reins solides. Pour Les Royaumes d'Amalur : Reckoning, 38 Studios et Big Huges Games alignent les stars comme R.A. Salvatore à l'écrit, Todd Mc Farlane au dessin, et le vétéran de Bethesda Ken Rolston. De quoi faire un bon jeu ? Peut-être. De quoi est fait un bon jeu d'ailleurs ? Il suffirait qu'il manque un truc et...
Le voilà enfin, le test des Royaumes d'Amalur : Reckoning. Que voulez-vous, lorsque l'on reçoit la version commerciale avant la version test (qui ne s'active que le jour précis de la sortie). Et qu'en plus on est en voyage de presse... C'est ça les éditeurs : pour parler deux ans, trois ans de leur produit, ça c'est facile. Quand à la fin, il faut fournir un jeu pour qu'on puisse travailler dans des conditions confortables... Enfin là, c'est plus un coup de 38 Studios ou Big Huges Games apparemment. Bref, quelle joie de découvrir Reckoning et de devoir rusher comment un sagouin pour voir le dénouement de l'intrigue, parce que dans ce cas précis, j'ai jugé que c'était important. Heureusement, on peut finir les quêtes annexes après le générique de fin. EA et les développeurs n'auront pas trop pourri mon expérience.
Amalore
Enfin, c'était peut-être le destin qui l'a voulu. Vous croyez au destin, vous ? Dans le monde créé par le très connu R.A Salvatore (tous les mecs qui s'appellent Drizzt dans les jeux, c'est de sa faute), on y croit dur comme fer. A raison d'ailleurs, car nul n'échappe à son destin, pas plus les différents peuples mortels (Ljosalfar, Varani, Dokkalfar, Almain) que les légendaires Faes, êtres magiques vivant à travers des ballades et des contes à jamais répétés. Personne ne s'évade de la trame du destin donc, sauf vous, récemment ressuscité par le puits des âmes d'un ingénieur Gnome. La grande tapisserie des devenirs, vous l'arrachez du mur et vous vous torchez avec. Et ce n'est que le début.
Les royaumes de blablabla
C'est aussi la fin d'ailleurs. Non je ne spoile pas, je voulais juste dire que l'histoire de papa Salvatore est bien sympa, mais ça ne vous retourne pas le bide plus que ça. L'univers très celtique (Cours d'hiver, cours d'été pour les Faes) ne surprendra ni les érudits en matière de légendes, ni les amateurs de Fantasy de base, puisque Tolkien s'est inspiré de ces mêmes légendes, entre autres, pour écrire Le Seigneur des Anneaux. Un livre fort connu, dont Salvatore s'inspire aussi largement pour les grandes lignes de son scénario High Fantasy Lambda. La boucle est bouclée, et on tourne un peu en rond, au milieu des clichés et des mots avec plein de Y, de K, et de doubles consonnes improbables, comme Fjulkyarr ou Caerhymlosk (et là, j'ai juste donné des coups de poing sur mon clavier pour sortir ça). Bref, c'est intéressant, mais pas passionnant. Heureusement, Reckoning est riche en lieux, quêtes et personnages (tous bien doublés en français d'ailleurs), avec plein de dialogues certes soporifiques, mais très bien écrits.
Vous êtes ce que vous faites
Durant vos aventures, vous pourrez non seulement vous informer en profondeur sur le monde qui vous entoure (parce que vous avez un peu perdu la mémoire, c'est dans votre contrat de héros de RPG), ou bien vous pourrez zapper les infos. Cependant, il faudra pendre de temps en temps des décisions parfois importantes : défendre un village ou s'allier avec la menace locale ? Sauver des innocents ou profiter de la situation ? Des dilemmes de cet ordre. Malheureusement, le dénouement ne nous propose pas d'épilogue à la Fallout, concernant les suites de vos actions ici et là. Dommage, c'est quelque chose que j'affectionne. On a donc un peu de mal à jauger les conséquences de nos actes. Même avec la compétence "persuasion" qui rajoute parfois une option de dialogue ne semble pas avoir un gros impact en cas de réussite ou d'échec.
Simple et précis
Tout ce que je peux dire, c'est que le système de compétences est plutôt bien foutu et équilibré, contrairement à d'autres RPG. Et cela vaut pour tous les mécanismes qui font tourner Les Royaumes d'Amalur : Reckoning. La progression se fait par niveau, et à chaque Level Up, vous gagnez un point de compétence et trois points de capacité. Les compétences incluent tout ce qui est roleplay, furtivité et artisanat et chacune est divisé en dix niveaux de puissance. Vous pouvez aussi trouver des livres pour vous faire gagner un point, ou bien payer pour une formation auprès de PNJ rencontrés à travers le monde d'Amalur. On va revenir en détail sur le système de jeu, mais au final, en rushant pas mal, je me suis retrouvé plus que suffisamment puissant à la fin, avec pas mal de fric. Un choix de difficulté élévé au lieu de normal pourrait mieux convenir à la plupart d'entre vous.
Chasseur de loot
Parmi les compétences les moins utiles, on trouve le marchandage qui permet de gagner plus d'argent avec les quantités Diabloesques de butin que vous ramasserez sur les monstres tués, dans les recoins cachés ou dans les coffres qui jonchent plaines, forêts et déserts. Partout, partout, partout du loot. Autant vous dire que vous serez vite riche, avec ou sans ces bonus. L'observation est carrément plus utile et placera sur la mini carte, au fur et à mesure de votre expertise, les ennemis, la direction à laquelle ils font face, les trésors planqués cités ci-dessus, les pièges, les portes secrètes, et même les pierres des anciens, ce qui est bien pratique pour en savoir plus sur l'univers. En plus, vous ramasserez un supplément d'or. Que demande le peuple ?
Ça vous plaît ? C'est moi qui l'ai fait
L'or aura son importance, car vous devrez acheter tout ce que vous ne fabriquez pas vous-même. Personnellement, j'ai bien bossé mon Art de Sage, pour fabriquer des gemmes que l'on incruste dans les armes et les armures, puis l'Armurie justement, pour me faire du matos digne de ce nom. Je n'ai quasiment rien fait en Alchimie, donc j'ai payé mes potions de soin le prix fort. Pour les élixirs utilitaires divers (dégâts accrus, protection en tout genre, petits bonus temporaires de compétences), j'en ai suffisamment trouvé dans la nature. L'artisanat dans Amalur est assez inégal. Créer des gemmes n'est pas très amusant, mais expérimenter avec des ingrédients pour découvrir les recettes de potion un peu plus. La fabrication d'armes et d'armures s'avère surtout utile, et c'est déjà bien. En plus de fournir de l'équipement de qualité, elle permet de réparer plus efficacement. Sinon un PNJ le fera pour vous, mais c'est l'un des services les plus chers du jeu, surtout pour les objets rares et légendaires !
Discrétion n'est pas invisibilité
Abordons maintenant la furtivité dans Amalur, une compétence à développer vite pour tout voleur/assassin qui se respecte, car il suffit de se faufiler dans le dos de quelqu'un pour lui faire plein de misères. Soit lui voler son slip, soit lui trancher la gorge. Soit les deux, mais en aucun cas l'inverse. Concernant les backstabs, il arrive qu'ils tuent sur le coup, surtout les humanoïdes, sinon ils font de bons dégâts pour entamer le combat. Malheureusement, c'est un peu frustrant d'utiliser la furtivité en début de jeu. Les ennemis vous repèrent très vite et de loin. Soit ils sont en groupe et se couvrent les uns les autres avec leurs champs de vision, soit il y a un patrouilleur qui traîne dans le coin et bonjour pour l'approcher sans qu'il se retourne subitement (le relou). Il faut donc atteindre une certaine expertise avant que le temps de réaction des cibles soit suffisamment long, et que leur vision soit fortement réduite, pour être efficace. Et là encore, ça ne vous servira pas à buter tout le monde en toute impunité ! Ça reste tout de même un avantage correct, et une grande source de satisfaction.
Du vol à la tire au meurtre
On vous confiera aussi des quêtes de voleur, à moins que les opportunités ne se présentent d'elles-mêmes. L'interface est comme souvent dans le jeu très bien faite : lorsqu'on inspecte un conteneur « privé », la fenêtre de butin affiche les objets avec le pourcentage de chance de se faire gauler si on en choure un. Ce chiffre dépendant de qui vous regarde ou non à ce moment-là. Si vous êtes grillé, les gardes seront à vos trousses. Il faudra payer une amende ou aller en prison un certain temps (où vous perdrez de l'expérience en fonction des crimes commis). Ou alors combattre encore et encore et être banni de partout. À part les personnages importants, vous pouvez d'ailleurs buter qui vous voulez. Et non, il n'y a pas d'enfants dans Les Royaumes d'Amalur : Reckoning. Malheureusement, j'ai choisi le chemin de la gentillesse, donc impossible de vous dire pour l'instant à quoi mène un tel comportement.
Les bons outils sont magiques
Que ce soit légal ou non, il faudra parfois faire appel à vos compétences de Crochetage ou de Dissipation (une sorte de crochetage pour serrure magique). Dans la version physique, c'est un très bon mini jeu qui vous attend. Il faut trouver la bonne orientation pour le crochet et déplacer le loquet douuuucement. S'il vibre, lâchez tout ou votre outil sera cassé. Il faudra alors s'éloigner plus ou moins de cette position de départ, selon que loquet à vibré rapidement ou sur la fin. Avec un peu de chance pour commencer le travail, et un peu de jugeote pour le finir, vous ferez le jeu avec une poignée de crochets. Pas que ce soit dur d'en trouver cela dit... Au pire vous pouvez forcer une serrure avec un crochet spécial. Cher et rare, mais infaillible. Du coup, monter la compétence crochetage n'a pas grand intérêt, comparé à celle de dissipation. Les conteneurs magiques vous imposent un autre mini jeu dangereux où il faut cliquer au bon moment et au bon endroit, en temps limité. Non seulement ça risque de vous péter à la figure (sauvegardez toujours avant un essai), mais des fois ça vous maudit. Et les malédictions coûtent cher à lever.
Pas de destin, mais des destinées
Les capacités, elles, rassemblent tout ce qui est lié au combat, que vous choisissiez la voie du guerrier, du mage ou du voleur. Voire un mix de deux, ou carrément des trois. Chacune déballe une panoplie de capacités à acheter et améliorer sur plusieurs paliers : coups spéciaux pour vos armes, bonus activables qui accaparent un pourcentage de votre mana, sortilèges et gadgets, gains de stats, etc. Les développeurs ont même prévu des "destinées" qui offrent des bonus supplémentaires. Par exemple, moi qui suis allé à fond dans le style finesse/sorcellerie, j'ai pu au fur et à mesure de ma progression devenir disciple, arcaniste, thaumaturge puis cabaliste. Certains changements sont amusants : l'arcaniste n'esquive plus en sautant sur le côté, mais en se téléportant. Plutôt classe, et cela rajoute au très bon sentiment de montée en puissance que l'on appréciera dans Reckoning.
Changement de peau sur commande
Cependant, le combat se montre un peu répétitif si vous restez scotchés aux deux mêmes armes (primaire et secondaire) tout au long de l'aventure. Ce que vous avez tendance à faire, puisque vous y avez mis des points. Sans compter votre équipement, à moins que vous en transportiez toute la panoplie de guerre offerte par le jeu. Après tout, si l'inventaire n'est pas très large au début, il s'étend vite avec quelques sacs bon marché. Ça fait neuf styles différents tout de même. Le mieux reste de garder vos meilleures armes et armures dans un coffre (vous aurez une sorte de banque assez rapidement), et de, pourquoi pas, à l'occasion, réinitialiser entièrement votre personnage en demandant aux PNJ Tisseur de Destin. C'est l'avantage d'être unique.
De la grâce, que diable !
Bien, vous êtes paré, mais comment ça se passe ? Simple, un bouton pour l'arme principale, un pour la secondaire, et un combo gâchette + bouton pour lancer un des sorts. Pour les attaques spéciales, il suffira souvent de placer un temps entre deux frappes, ou de la charger, ou encore d'esquiver avant de taper. Rien de bien compliqué. Le but en fait est de varier les plaisirs et enchaîner les monstres (à 1 contre 5, et parfois plus). Bim coup de dague, éclair givrant, téléportation à travers le mec pour le retaper par derrière, le jongler un peu, puis balancer un nuage de poison, esquiver en arrière, changer pour les Chakras, charger et buter tout ce qui vous entoure dans un rayon de 10 mètres. Répétez, mais différemment, selon l'inspiration (et les résistances/vulnérabilités des adversaires présent, bien entendu).
100% carnage
Non seulement c'est très classe quand on s'en sort bien, mais en plus ça fait monter la jauge de destin plus rapidement. Quand elle à 100%, vous pouvez déclencher un mode spécial durant lequel vous faites des ravages. Tuez le maximum de gens possible dans le temps imparti et terminer avec une exécution pour un gros bonus d'XP. Sympa, mais j'ai eu un peu tendance à le sous-utiliser, de peur d'en manquer au moment critique. Ne faites pas la même erreur : les combats ne manquent pas dans Les Royaumes d'Amalur : Reckoning. Il est vrai que tout cela devient vite un peu répétitif, surtout que les ennemis manquent un peu de variété (ou alors de comportements différents d'une version à l'autre d'un type de monstre). Mais c'est tout de même super bien fichu et fun quand on maîtrise. Pour les bourrins qui font n'importe quoi, ça marche aussi, et il y a les potions de soins pour sauver les meubles...
Pad les pattes !
Oui je vous vois frétiller depuis deux paragraphes : sur PC, les contrôles sont un peu plus complexes, puisqu'il faut appuyer sur une touche pour changer d'arme avant d'attaquer. Idem pour les pouvoirs à sélectionner dans la barre de raccourcis avant qu'ils ne soient activés. En pleine action, ça fait beaucoup de manipulations et sur bien des points cela aurait pu être mieux (certaines capacités se lançant directement avec le raccourci par exemple). Mais on s'habitue et avec un peu de concentration, on enchaîne les attaques comme un pro. Au final, sur PC, j'aurai peut-être juste à dénigrer le sprint sur la touche Ctrl, pas super ergonomique. La gestion de la caméra déstabilise aussi un peu au début, mais comme le reste, on s'y fait. J'aurais tout de même aimé avoir plus d'options dans les angles de vue.
Qui aime le premier de la classe ?
Et là je fais une pause pour trouver d'autres trucs à reprocher à la réalisation de Reckoning, mais j'ai du mal. C'est impressionnant de jouer à un titre aussi peaufiné, aussi carré, aussi ergonomique, dans la prise en main, l'interface ou le coeur des mécanismes. C'en est presque trop net, trop strict. Ça manque de surprises... même non intentionnelles ! Tout est convenu et compris dès les premières minutes de jeu : la manière dont se déroule l'intrigue à travers le level design, toutes les possibilités via le game design. On cherche à déborder un peu du tableau, mais non, pas possible. Comme il y aura probablement une suite, je propose à 38 Studios et Big Huge Games de se lâcher un peu pour nous surprendre la prochaine fois.
Des tripes ! Des burnes !
Le reste est à l'avenant. La direction artistique par exemple. Personnellement, je ne pensais pas accrocher aux graphismes, le style cartoon n'étant pas spécialement ce que je cherche en ce moment. Mais comme je n'ai rien contre non plus, et qu'ils sont vraiment réussis techniquement parlant, j'ai fini par les apprécier. Oui, c'est beau ! Par contre, ne vous attendez pas à être soufflé par un paysage. Et si vous êtes hostile au genre, ça va être encore plus dur. Pareil pour les musiques : très jolies, parfaitement dans le ton des lieux visités, mais pas spécialement inoubliables. Il n'y a guère que les animations et les effets visuels dans les combats qui impressionnent vraiment.
C'est quand même fou qu'un titre aussi propre, si pointu n'arrive pas à décrocher sa cinquième étoile. Trop lisse, manque de rugosité pour accrocher le joueur. Manque d'âme quelque part. Mais attention, on ne s'ennuie pas non plus dans Les Royaumes d'Amalur : Reckoning. Ce mélange Fable-Skyrim-Diablo-WoW est une alchimie étonnante et efficace (bonjour le name dropping évité jusqu'à présent). Et on ne rencontre pas des titres aussi peaufinés à tous les coins de test. Si seulement 38 Studios et Big Huge Games avaient pu nous concocter un univers un peu plus original... Sacré Salvatore !