Féru d'un premier opus qui aura marqué ceux qui l'ont joué par sa fin très réussie, et une première approche du jeu d'action en monde ouvert dans la peau d'un super-héros beaucoup plus soignée que celle de Prototype à mon sens, je me frottais les mains à l'idée d'incarner à nouveau Cole McGrath pour la suite de l'histoire, dans ce nouveau titre de Sucker Punch. J'y plaçais beaucoup d'attentes, et les premiers éléments visionnés semblaient augurer d'un bond en avant similaire à celui qui sépare Uncharted 1 et 2. Au final, ce n'est pas aussi flagrant...
inFAMOUS 2 reprend directement après la fin de l'original. Après une rapide cinématique rappelant l'intrigue du premier inFAMOUS (sans dévoiler l'énorme twist de sa fin), Cole McGrath se retrouve forcé de fuir Empire City pour New Marais, afin de retrouver un certain Docteur Wolfe, censé l'aider à se préparer au mieux pour affronter la Bête, qu'il est peut-être le seul à pouvoir défaire. Mais tout surpuissant qu'il soit à la fin d'inFAMOUS, cela ne suffira pas - il va donc continuer à développer ses pouvoirs pour notre plus grand plaisir.
Nouvelle ville, nouveautés ?
Techniquement, le premier inFAMOUS était déjà de bon niveau. Mais le second, pour le coup, va considérablement plus loin, et en partie grâce à ce fantastique nouveau terrain de jeu qu'est New Marais. Plus varié, plus dense, plus détaillé, le théâtre des nouvelles aventures de Cole permet au nouveau moteur graphique de s'exprimer pleinement, et s'il arrive ça et là que dans le déluge d'effets spéciaux, de pyrotechnie et de débris, l'animation ralentisse un peu, l'ensemble tourne globalement admirablement bien. C'est un jeu magnifique que nous propose Sucker Punch, et c'est bien une des principales nouveautés d'inFAMOUS 2, en réalité, que l'excellence de sa réalisation. Malheureusement, si la ville de New Marais est superbement réussie à la fois visuellement et en termes de gameplay pour amateurs de Parkour, les autres nouveautés, elles, sont bien plus discrètes. L'ensemble reprend peu ou prou la structure du premier : une chaîne de missions principales, des missions secondaires, souvent neutres, parfois bonnes ou mauvaises en termes de Karma, chaque choix invalidant la disponibilité de l'autre "version" de la mission, et une large ville dont les 3 grandes zones devront être pacifiées et électrifiées l'une après l'autre. Je reviendrai plus tard sur les évolutions du système de Karma et ses quelques surprises, mais concentrons-nous d'abord sur les bases du gameplay, voulez-vous ?
Au diapason
Principal élément de gameplay qui améliore l'expérience de l'action frénétique que propose inFAMOUS 2 : L'Amplificateur. Cette sorte de bâton métallique à deux branches, amplifiant les pouvoirs de Cole et lui permettant surtout de se battre au corps à corps d'une manière à présent très convaincante. D'ailleurs, si le système se révèle efficace, il met aussi en valeur un travail sur les caméras beaucoup plus viscéral, qui rend les combats au corps à corps très impressionnants lorsqu'on parvient à placer des "finish moves", lesquels sont disponibles après avoir rempli une jauge à chaque coup précédemment délivré, d'une simple pression du bouton "Triangle". En revanche, il arrive qu'on frappe un peu dans le vide quand on s'acharne trop, ces caméras n'aidant pas à bien voir les adversaires par moment. Pour le reste du gameplay de base, rien n'a changé : la grimpette se fait par de petits sauts, avec un Cole "magnétique" qui s'agrippe un peu partout (parfois un peu trop, d'ailleurs), et les pouvoirs d'électricité de base sont toujours articulés autour d'un système de visée (avec "L1") + tirs, ces derniers variant entre les éclairs, les vagues de force, les grenades, et d'autres surprises en fonction du bouton qu'on utilise. Ce qui faisait la qualité intrinsèque du premier, un gameplay très propre, agréable à manipuler, et offrant des opportunités incessantes de se sentir super puissant et d'enchaîner les mouvements divers est toujours là, en mieux. Reste l'augmentation des pouvoirs de Cole, qui gagnent considérablement en puissance et en variété au fur et à mesure de l'aventure.
Arsenal de ouf
Comme dans le premier volet, chaque action, bonne ou mauvaise, octroie des points d'expérience. Ces points sont ensuite dépensés pour acquérir différents pouvoirs qui doivent être débloqués. Soit en atteignant un niveau de Karma particulier, dans le positif ou le négatif, soit en réussissant à plusieurs reprises des "cascades" variées comme toucher un adversaire en l'air à coup d'éclairs ou sniper en pleine tête, soit en récupérant les noyaux d'énergie jalonnant la progression dans la campagne principale. Les pouvoirs liés au Karma ne peuvent être dévoilés qu'en atteignant un certain stade en positif ou négatif, et resteront donc secrets pour ceux qui iront à fond dans un sens, jusqu'à refaire le jeu de l'autre côté de la moralité. Il y a une foule de nouveaux pouvoirs, principalement sous forme de variantes des pouvoirs de base. Les tirs d'éclairs peuvent ainsi être en version longue portée, continus, en salve ultra rapides mais moins puissantes ou encore en triple éclair. Les vagues de force peuvent altérer la gravité pour faire planer les ennemis, ou encore s'accrocher à eux et devenir explosives, par exemple. De même, les grenades existent en variété collante, ou peuvent se séparer en plusieurs multiples mini-grenades. Il faut ajouter à cela les super-super pouvoirs comme la tornade impressionnante que vous avez pu découvrir dès la première vidéo de gameplay de l'E3 2010. Ceux-ci ne peuvent être utilisés que si on possède une charge ionique, récupérée sur certains gros ennemis, et qu'on peut stocker jusqu'à un maximum de trois charges (chaque "slot" supplémentaire coûtant bien sûr des points d'expérience à débloquer). Enfin, en fonction de gros choix scénaristiques, liés au Karma également, les pouvoirs de base se verront améliorables dans une voie ou l'autre... suivant qu'on choisisse de suivre Nix, la black déjantée et brutale, ou Kuo, la cul-pincée qui pense d'abord aux autres (dommage qu'elles soient aussi énervantes l'une que l'autre tant elles sont stéréotypées). Ce qui m'amène au système de Karma et à la moralité d'inFAMOUS 2.
Bleu sur rouge, rien ne bouge ?
Là encore, comme dans le premier, l'échelle de Karma progresse lentement en fonction des actions que Cole entreprendra (comme sauver des civils ou les tuer, désamorcer des bombes ou tuer des musiciens de rue, etc.), et de choix de missions spéciales à connotation négative ou positive. Heureusement, les choix sont un peu plus subtils que dans le premier... mais pas beaucoup. A quelques points clefs de la campagne, Cole devra choisir l'une ou l'autre méthode pour parvenir à un objectif. La mission changera alors radicalement en fonction du choix du partenaire, tout comme le Karma récupéré ensuite. Si l'essentiel de l'histoire, lui, restera le même, ce sont bien deux fins différentes qui attendent les bons et les mauvais Cole. Des fins sans le twist scénaristique génial du premier, mais plutôt réussies. Le deuxième choix, final, avant la dernière mission du jeu, ne sera pourtant qu'une toute dernière opportunité de passer de l'autre côté de la moralité. Comme l'expliquait Brian Fleming dans notre interview sur inFAMOUS 2, en effet, il est nettement plus compliqué une fois une voie choisie et travaillée, de changer au dernier moment pour voir la seconde fin. C'est possible, mais trrrèèès fastidieux. Pour le reste, le système de Karma en lui-même n'a pas beaucoup changé : il est cependant bien mieux intégré dans le gameplay, tant au niveau des pouvoirs que des différentes tâches optionnelles disponibles dans cette vaste New Marais. Refaire le jeu de l'autre côté s'avère particulièrement intéressant, donc - amusant d'ailleurs de voir qu'on nous le conseille à la fin avec une petite vanne du genre : "refaites-le en mauvais, vous n'aurez pas besoin de vous soucier des dommages collatéraux, cette fois".
Fort à faire
Empêcher des enlèvements, des agressions, soigner des victimes de l'épidémie, désamorcer des bombes, ou tuer des musiciens de rue, abattre des porteurs de fragments pour les leur voler, faire taire des manifestants anti-Cole ou massacrer des flics, autant de tâches secondaires connotées moralement. Elles sont assez nombreuses, et plutôt variées, ne prennent que très peu de temps à réaliser, mais restent tout de même répétitives, à l'image de quantité d'autres petites choses à faire à New Marais à côté de l'aventure principale. Ramasser des fragments pour augmenter sa jauge d'énergie, comme dans le premier, ou trouver des messages audio complétant l'histoire, cette fois en abattant des pigeons porteurs des enregistrements. Les missions secondaires, elles aussi, manquent un peu de variété : protéger un convoi, en détruire un autre, sauver des flics, mettre tout le monde d'accord à coup de foudre lorsque des factions s'affrontent en ville pour éviter les dommages collatéraux, ou différentes variantes de jeux de piste à suivre un personnage sans le perdre de vue, faire voler des "charges tesla" pour rétablir le courant ou encore grinder comme un furieux sur les câbles et rails de tramway, chargé d'électricité, d'un point A à un point B en restant en l'air le plus longtemps possible pour rallier les deux sans perdre la surcharge... Au global, cela représente tout de même un paquet de choses à faire... dommage cependant qu'elles ne soient pas un peu plus variées et inventives. Sans doute les développeurs laissent-ils le soin à la communauté de créer des missions plus originales...
Participatif à gogo
C'est en effet la principale addition que Sucker Punch a faite à sa formule : la possibilité de créer et partager des missions avec un éditeur prévu à cet effet. Suffisamment versatile et complet pour permettre apparemment aux joueurs de faire valoir des trouvailles amusantes, mais malheureusement, nous n'avons pas pu en profiter pleinement encore, à l'heure de la rédaction de cette critique, car c'est bien dans la longueur qu'on verra si la communauté saura s'en satisfaire pour pondre des missions nombreuses et rafraîchissantes. Pour autant, l'interface semble simple et complète, avec la possibilité d'utiliser une grosse partie du bestiaire du jeu, certains objets, pour faire des missions d'escorte, de recherche, de parcours d'obstacle... ou même de bowling ou de Space Invaders. La présence de "triggers" (déclencheurs de scripts à configurer) et d'exceptions au moteur physique (pour des objets flottants), par exemple, permettront aux plus créatifs de s'amuser un peu, et d'imaginer des choses sortant de l'ordinaire... on l'espère. A condition qu'inFAMOUS 2 trouve son succès... et franchement, même si j'ai un peu eu l'air de raconter que "c'est le premier, en mieux" jusqu'ici, serait fort mérité.
De l'action survoltée
Car malgré mes reproches, inFAMOUS 2 reste un excellent jeu, avec une personnalité et un cachet uniques qui le rendent à mon sens indispensable pour tous les fans d'action. Se bastonner contre un monstre géant à coups de super-pouvoirs, tandis qu'autour de soi, une foule de personnages tirent dessus, lâchent des roquettes, que les balcons du quartier français de New Marais s'écroulent, ça procure d'authentiques sensations de plaisir vidéoludique, old-school. Le gameplay huilé est complexe lorsqu'il s'agit d'utiliser à bon escient toute la panoplie des capacités de Cole (heureusement, l'ajout d'un menu raccourci d'affectation de pouvoirs aux touches est disponible d'une pression sur la croix directionnelle), mais les amateurs prendront plaisir à se perfectionner jusqu'à pouvoir se déplacer rapidement sur des rails, en tournant autour de leurs cibles, à tirer en visant en pleine chute, à détourner les tirs de roquettes au dernier moment d'une vague télékinétique, à sniper les ennemis véloces en pleine tête, etc. Ca pète de partout, et même si les quelques batailles de boss sont d'un classicisme effarant, elles restent aussi plaisantes à jouer que tout le reste, et en collent plein la vue. Comme en plus, l'histoire se laisse suivre sympathiquement (même si elle est bien moins bonne que celle du premier), ce serait dommage de ne pas profiter de cet univers soigné, doublé d'un gameplay admirablement ciselé.
Je n'ai pas beaucoup parlé du scénario, sur ce coup-là, pour vous en laisser le peu de surprise qu'il offre (hint : oui, vous saurez qui est La Bête). Mais c'est aussi parce que si inFAMOUS 2 s'avère si convaincant pour les fans d'action pure, c'est justement parce que c'est par son gameplay en monde ouvert impressionnant de précision et de délires pyrotechniques qu'il vaut le coup. Certes, Sucker Punch aurait pu se montrer plus créatif et efficace au niveau des à-côtés et donner plus de vie à son univers, à l'image d'un Red Dead, mais inFAMOUS 2 reste un titre à nul autre pareil, issu d'une équipe de talent qui fait du pur jeu vidéo.