C'est sur une terrasse parisienne avec une des vues les plus incroyables des toits de la capitale que j'ai pu passer une bonne demie-heure à papoter avec Brian Fleming, tête pensante du studio Sucker Punch qui vient d'achever inFAMOUS 2. Le développeur de Seattle revient donc sur cette nouvelle production qui pousse l'enveloppe du jeu de super-héros à monde ouvert considérablement plus loin que le premier épisode, déjà réussi. Mais ce fut aussi l'occasion de le questionner sur Sly, son autre grande licence, et sur les mutations incessantes de l'industrie en matière de jeu portable, casual, etc.
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Gameblog : Comment fait-on d'un Super héros un Super-Super-héros ?
Brian Flemming : Dans ce jeu, on construit par-dessus le jeu précédent, qui était une histoire "d'origine", dans laquelle il devenait un super-héros. Pour nous, il était important de poursuivre cette histoire, de continuer sur les pouvoirs. Il n'était pas question de l'avoir, genre, mordu par un serpent qui lui fasse perdre tous ses pouvoirs, ou que sais-je. On voulait qu'il continue de grandir. Pour nous la progression fait partie de l'histoire. Ça impliquait un certain nombre de choses. Il nous fallait développer plusieurs nouveaux pouvoirs vraiment spectaculaires qui lui donneraient un air bien plus puissant, ajouter un corps à corps amélioré, mais ce fut tout aussi important de concevoir la ville de manière à ce qu'elle puisse réagir et être détruite d'une manière satisfaisante. De même, il a fallu créer des ennemis qui puissent être à niveau pour confronter ce Cole très puissant, pour éviter qu'il ne passe au travers comme dans du beurre. Ça a donc beaucoup influé sur notre design et notre production.
Entre inFAMOUS 1 & 2, il semble y avoir autant de différences qu'entre Uncharted 1 et 2...
En termes d'ambition, en effet, nous étions autour de trois piliers comme mécaniques de base : utiliser ses pouvoirs, faire de la grimpette, et le système de Karma. Avec le premier, nous avions fait un boulot correct là-dessus, mais nous ne pensions pas pouvoir nous permettre d'en rester là. Il fallait les améliorer. Mais c'était important de penser aussi à la manière dont on envelopperait tout ça, notamment avec des valeurs de productions beaucoup plus hautes, une qualité visuelle considérablement meilleure, plus de détails, plus d'histoire, et au global une meilleure expérience. Il fallait que ce soit plus épique. Plus viscéral. Plus immersif. Le cœur était bon, il nous fallait l'entourer avec des éléments de meilleure qualité.
Vous avez beaucoup travaillé sur la caméra...
Le cadrage est une part très importante du spectacle. Plus vous travaillez sur des jeux d'action à la troisième personne, plus vous avez de reconnaissance et d'empathie avec les autres personnes qui travaillent sur ce genre de choses ! C'est un élément vital de ce que nous faisons, il faut toujours penser à la caméra, à chaque instant. Vous savez, c'est transparent pour les gens, mais chaque obstacle d'une rue, il faut penser à la manière dont la caméra va aller au-dessus, autour, c'est un point crucial pour nous, même s'il est peut-être imperceptible pour beaucoup de joueurs. C'est un très bon exemple de problème interdisciplinaire. Et ce type de problèmes est le plus appréciable, ils sont une des raisons pour lesquelles travailler sur des jeux est si fun. Parce que vous avez besoin de programmeurs pour résoudre ce problème, il y a des défis techniques importants. Mais, il faut aussi des animateurs, et des conteurs, qui peuvent dire comment il faut présenter tout cela. Il faut aussi des artistes conceptuels, qui vous aident à percevoir comment cela peut se présenter sous différents angles, des producteurs et monteurs de vidéo, qui ont passé leur carrière à maîtriser le rythme, pour vous aider à obtenir le timing parfait, bref, c'est un problème interdisciplinaire très intéressant.
Et vous savez, pour certains aspects comme le combat au corps à corps, on observe certaines choses en particulier, comme dans le cinéma. On a visionné beaucoup de ces films récents comportant des combats, 300 par exemple, pour voir comment ils faisaient, ce qu'ils faisaient, pour en tirer des inspirations sur certaines des choses que nous faisons.
Comment avez-vous amélioré les deux piliers du jeu, monde ouvert et escalade ?
Oui, vous avez raison de souligner que l'escalade et le monde ouvert sont deux piliers du jeu. Le système d'escalade a bien entendu été amélioré par rapport au premier, d'un tas de petites manières différentes. La qualité des animations : il y a beaucoup de moments où Cole est entre deux, à un cheveu de réussir un saut, et on a ajouté beaucoup de petits mouvements comme toucher le mur de la main pour se hisser des centimètres manquants, de manière à ce que soit on rate de beaucoup, soit on y arrive. Cela rend l'ensemble beaucoup plus agréable, sans ces cas où on rate d'un cheveu. Ce sont des subtilités, que vous ne remarquerez probablement pas directement, autrement qu'en constatant l'absence de ces moments négatifs. Et puis, à l'autre bout, il y a la ville, et le "parkour" n'existe que parce qu'elle est là. New Marais fut un plaisir à construire, parce qu'elle offre tant de bonnes opportunités d'escalade à Cole. Evidemment, un des points de design pour notre ville, sa hauteur, le type de bâtiments, de structures connectives, est entièrement centré sur Cole. Que ce soit les fils électriques ou les passerelles, les rails de métro, ou les câbles pour les tramways, il s'agit avant tout de Cole. New Marais est une ville offrant des éléments d'escalade plus variés, ce qui est nettement plus appréciable. Il y a des zones industrielles, des marais, un quartier français pas très différent de Paris... c'est cette gamme d'environnements variés qui améliore aussi l'ensemble.
Et pour le reste ?
Nous sommes persuadés qu'une large part de notre jeu n'a pas trait aux missions elles-mêmes, mais à ce qui passe entre les missions. Une grosse part de nos efforts consiste ainsi à insérer de la vie dans les rues, qu'il s'agisse juste de la manière dont les piétons bougent, ou dont les ennemis apparaissent dans tout cela, mais aussi des opportunités offertes au joueur de s'engager sur quelque chose d'optionnel. Par exemple, le Karma. Le joueur vit parfois ces grands moments, dans lesquels il devra prendre d'importantes décisions qui porteront à conséquences, comme nous les avions dans le précédent. Mais pour ce jeu-ci cette fois, il était important pour nous de fournir des opportunités secondaires suffisamment tentantes. Les plus importantes étant celles qui vous enjoignent à aller à l'encontre du chemin karmique que vous êtes en train de suivre. Donc on a vraiment réfléchi aux trucs qui vous tenteraient, ne serait-ce qu'une seconde, si vous jouez un personnage bon, à agir mal. Parce qu'on a appris en voyant les gens jouer à inFamous 1 que très très peu de joueurs changeaient d'avis au milieu du jeu sur les grosses décisions. Mais par contre, ils auront des moments de faiblesse. Notre boulot c'est de vous tenter pour que vous y succombiez. Cela donne une nouvelle dimension à l'ensemble de l'expérience, c'est comme passer d'une dimension à trois. Une large part de nos efforts sur la cité a été de créer ces opportunités.