Parce que nos vies modernes sont paraît-il pleines d'insurmontables turpitudes, nous recherchons souvent une forme de défouloir ou de récompense en logeant quelques balles virtuelles dans les ennemis polygonés de l'Oncle Sam. Mais il ne faudrait pas oublier que derrière ces moments d'extase d'une violence symbolique certaine, il y a des gens, comme vous, qui en bavent également.
Inutile de jouer la surprise : après les édifiantes enquêtes menées par le journaliste de Kotaku Jason Schreier du côté de chez Rockstar ou de chez BioWare, les joueurs un tant soit peu curieux des coulisses de développement de leur medium chéri prennent graduellement conscience des saloperies qui se trament parfois dans le secret de certaines entreprises.
Aujourd'hui, Jason Schreier publie les résultats et témoignages d'une nouvelle enquête dont le titre annonce la couleur : "Le coût humain de Call of Duty Black Ops 4". C'est donc du côté du studio Treyarch que l'enquêteur est allé fourrer son nez, et le résultat n'est comme vous l'avez déjà deviné guère reluisant. Précisons toutefois que les personnes interrogées ne sont pas salariés du studio ni de l'éditeur Activision, mais d'un prestataire externe nommé Volt.
L'envie d'avoir envie
Les testeurs du titre ayant généré la coquette somme de $500 millions lors de son weekend de lancement n'ont pas compté leurs heures pour débugger la bête, puisque l'article nous apprend qu'ils ont dû travailler 70 heures par semaine sur la dernière année de développement. Et si le directeur financier Dennis Durkin s'est vu octroyé un sympathique bonus de $ 15 millions, ce n'est évidemment pas le cas de tout le monde :
Nous étions nombreux à avoir été anéantis. Nous étions payés au salaire minimum pour faire ces horaires ridicules, mais ces gens se voient offrir des fortunes complètement absurdes. C'est dans leur culture : se ficher de nous.
Le choix d'abandonner le mode solo en plein développement n'aura évidemment pas ravi les développeurs, obligés de laisser tomber leur travail pour changer leur fusil d'épaule, alors que l'éditeur choisissait d'avancer délibérément la date de sortie de Black Ops 4 au 12 octobre pour prendre de vitesse Rockstar et son Red Dead Redemption II prévu pour le 26 du même mois :
Comment peut-on créer une toute nouvelle campagne reprenant tous les éléments qui ne fonctionnaient pas dans la précédente et quand même réussir à raconter notre histoire ? [...] Tout le monde l'a réalisé à ce moment-là : c'était absurde. C'était impossible.
Second Life
Parmi les 11 employés interrogés par Schreier, certains affirment avoir été obligés de prendre un deuxième job pour compenser la faiblesse des rémunérations chez Treyarch. Malgré les semaines à rallonge et la sortie du jeu, le rythme ne faiblit pas :
On m'avait dit que le crunch se finirait après la sortie du jeu. Puis on ma dit que ce serait finalement après les vacances d'hiver. Ensuite, on m'a parlé de l'été.
Complètement séparés du reste de l'équipe chargée du développement et de la création artistique de Black Ops 4, les testeurs ne peuvent pas faire remonter de vive voix les problèmes rencontrés sur le jeu :
On nous expliquait directement qu'il ne fallait ni parler ni interagir avec les membres de l'équipe. C'était pour moi assez étrange. [...] Dans la plupart des studios, les membres de l'assurance qualité sont répartis un peu partout, au sein de plusieurs équipes. Chez Treyarch, ils composent un seul département, isolé.
Voici donc une pierre de plus à rajouter à l'édifice du développement Outre-Atlantique, qui fait ces derniers temps régulièrement parler de lui dans des termes peu élogieux. En attendant de découvrir la prochaine enquête de Jason Schreier, nous invitons évidemment les plus à l'aise d'entre vous avec l'anglais, à se pencher sur la lecture complète de celle menée chez Treyarch.
Que pensez-vous des conditions de travail dont témoigne cette enquête ? Seriez-vous prêts à reconsidérer vos achats au vu de certaines pratiques du milieu ? Faites-nous part de vos avis éclairés dans les commentaires ci-dessous.