Next-Gen, je t'aime moi non plus
Je suis parfois très partagé sur la question des consoles Next-Gen ; PS4 / Orbis et Xbox 720 / Durango. C'est à dire que si comme n'importe quel joueur je suis assez excité par les perspectives que nous laissent entrevoir les quelques projets prochaine génération qu'on a déjà pu découvrir, notamment à l'E3 cette année, et plus que curieux d'obtenir une réponse à une batterie de questions (Quel sera le vrai nom de la prochaine Xbox ? Qui proposera l'innovation la plus intéressante ? Sony choisira-t-il de pousser le Cloud Gaming ?), je ressens aussi une certaine fatigue de courir après ce qui n'est pas sorti alors qu'il y a tant à jouer dans ce qui l'est déjà.
Je t'aime...
D'un côté, les fins de génération sont souvent formidables, et les plannings de hits le confirment encore actuellement tant pour la fin de l'année que pour le début de la prochaine. De l'autre, il faut bien avouer que les nouvelles générations de machines sont un moteur pour l'introduction de nouvelles licences, ce qu'EA, entre autres, a bien compris en retenant les siennes.
Dans l'édito 15 "Next-Gen, en a-t-on vraiment besoin", j'écrivais sur le même sujet :
Car, maintenant que nous avons déjà eu pas mal de suites, que les développeurs maîtrisent les hardwares actuels et parviennent à peu près à construire une économie autour pour livrer du jeu triple AAA, maintenant que les joueurs se sont habitués à recevoir pléthore de blockbusters, et à se faire courtiser dans tous les sens, la concurrence se fait de plus en plus rude dans le domaine. Il va falloir redoubler d'inventivité, de qualité, d'efforts pour sortir d'une masse dont le niveau est de plus en plus élevé, et du coup je me dis : c'est maintenant qu'on risque d'avoir des choses intéressantes en plus grande quantité, finalement, puisque le ticket d'entrée dans le porte-monnaie des joueurs devient de plus en plus cher.
Je le crois toujours. Cependant, entre les mois qui ont passé depuis cet édito, la GamesCom puis le TGS qui a fermé ses portes hier, il semble aussi qu'en même temps, les gros éditeurs restent sur leurs licences acquises, et préfèrent se retenir pour la suite (que j'espère plus brillante, et j'y crois). C'est à présent particulièrement criant du côté japonais. Presque rien de neuf au TGS, à l'exception d'un Bravely Default par-ci, d'un Puppeteer par là, tous deux connus et suivis d'avant le salon. On joue la carte des cross-over de licences pour aussi capter au max l'attention, Project X Zone et Professor Layton vs Ace Attorney en tête, tout en poursuivant les suites à gogo, de Yakuza 5 à Monster Hunter 4, ou en gardant des noms de licences pour des projets spin-off ou rebootés comme Metal Gear Rising Revengeance ou DmC Devil May Cry... même si tout cela donnera sans doute de très bons jeux. Si un Assassin's Creed III ou un GTA V sont bien des suites, ils ne manqueront sans doute pas d'innover, mais je ne peux pour autant pas m'empêcher de penser que chaque nouvelle génération apporte en général un renouvellement bien plus profond des licences, avec, paradoxalement peut-être, une prise de risque accrue alors que les parcs commencent à peine à s'installer. Cela s'explique sans doute par le besoin qu'ont les constructeurs pour lancer leurs machines de line-up pléthoriques et variés, qui forcent peut-être la signature de projets plus risqués, de même qu'un autre besoin fondamental, celui de la différentiation d'une offre par rapport à celle de la concurrence.
Pour autant, tandis que certains multiplient les suites, reboots, cross-over, les joueurs sont gagnés par une certaine lassitude et les développeurs rattrapés par les limites technologiques d'une génération qui a beau travailler à fournir des jeux sans cesse mieux produits et finis, perd de plus en plus de marge de manoeuvre pour fournir des expériences plus abouties techniquement et en termes d'ambition...
... moi non plus
C'est à ce moment critique, en fin de génération, que l'attention du public s'ouvre ainsi peut-être plus sur des offres parallèles qui ne sont plus aussi vampirisées par les gros blockbusters qu'elles pouvaient l'être alors qu'ils devenaient tout juste populaires. On pense bien sûr au téléchargement, avec une multiplication de jeux à moindre budget mais tout aussi intéressants. Quand on voit des Mark of the Ninja, ou des Tokyo Jungle, pour ne prendre que deux exemples récents, on ne peut que saluer l'étouffement du marché traditionnel qui permet à de tels titres sinon de connaître des succès colossaux, du moins d'émerger, de faire valoir leurs différences.
Qu'arrivera-t-il lorsque la next-gen va débarquer avec son lot de gros titres poussant plus loin au moins l'enveloppe, sinon le gameplay ? L'attention sera-t-elle en mesure de continuer à se poser sur d'autres jeux moins "markétés" ? Le budget moyen du joueur n'étant pas exactement au beau fixe, après l'acquisition d'une nouvelle machine, comment pourrait-il ne pas se tourner vers des productions tape-à-l'oeil ? C'est un peu comme la naissance d'un format vidéo, tels que le DVD puis le Blu-ray. A leurs débuts, les premiers acheteurs n'hésitaient pas à réserver leurs sous pour des films qui mettaient en valeur la forme plutôt que le fond, ne serait-ce que pour pouvoir valoriser auprès des potes la qualité d'une installation flambant neuve. Il me semble que ce syndrome existe en jeu vidéo également ; en début de nouvelle génération, on préférera peut-être investir 60 ou 70 euros dans un titre bas-du-front qui montrera plutôt de plus beaux graphismes que dans deux jeux aboutis sur d'autres aspects plus substantiels, sortant sur la génération précédente. Bref, si beaucoup appellent de leur voeux une nouvelle génération et qu'elle motivera sans doute la naissance de nouvelles choses alléchantes, elle ne saurait servir les intérêts de tous, naturellement.
Enfin, et c'est cette fois d'autant plus personnel : comme la fin d'un très bon bouquin ou le dernier épisode d'une série qui s'arrête, il y a fort à parier que cette prochaine génération de consoles sera la dernière de cette ère. Une ère que nous aurons aimée, à n'en pas douter, mais qui devra céder sa place à une forme de consommation nouvelle, à un modèle différent. Alors que nous savons que nous serons poussés quoiqu'il arrive vers le futur, il est encore temps de profiter du présent au maximum, avant qu'il ne devienne un passé vers lequel certains d'entre nous lanceront déjà un regard nostalgique dans quelques années.
Je reste donc, ainsi, tantôt désireux de voir le coup de fouet next-gen arriver pour nettoyer un peu tout ça et relancer la machine, tantôt pressé d'appuyer sur Pause pour apprécier la qualité de tous ces derniers jeux HD, suites ou non, reboots ou non, cross-over ou non, blockbusters ou non, avant qu'ils ne basculent dans le passé. Parfois, je n'ai pas envie qu'on me montre de la next-gen afin de ne pas entamer le plaisir que j'ai avec l'actuelle, parfois elle me lasse assez pour appeler de mes voeux sa retraite au profit d'une nouvelle. Je suis finalement bien un couillon de joueur : j'achète et désire des remakes tout en rêvant de véritables nouveautés. Je craque sur des suites et les oublie parfois sitôt après les avoir appréciées. J'adore les jeux d'aujourd'hui, mais je ne peux m'empêcher de penser à ceux de demain.