Consoles next-gen, pas d'affolement
Pour ce dernier édito de l'année, je me suis dit : "parlons d'avenir", ou plutôt, bavardons ensemble parce que l'édito qui suit, contrairement à certains des précédents, n'a pas autant valeur de réflexion ; disons plutôt que je m'en vais divaguer tout haut. Car, moi-même, comme une bonne partie des joueurs, je fantasme un peu sur les fameuses consoles next-gen, et sous-pèse, régulièrement, les rumeurs émergeant de plus en plus régulièrement sur les Xbox 720 et autres PlayStation 4. Nul doute qu'en coulisses, les cerveaux des constructeurs s'agitent de plus en plus, et commencent à passer à des éléments plus concrets. A moins que ce ne soit déjà depuis longtemps le cas, car finalement, si on s'attarde sur la chronologie des cycles de vie des consoles... il est déjà plus que temps. La Xbox 360 a déjà 6 ans, la PlayStation 3, 5 ans... la génération précédente a duré grosso modo ça : entre 4 et 6 ans, respectivement pour Microsoft et Sony.
Mais le futur est un miroir changeant, comme un mirage de chaleur. Les ingénieurs et créatifs, plus que jamais, sont malmenés par des tendances émergentes dont ils n'avaient pas nécessairement prévu l'impact (le motion gaming, les smartphones, les réseaux sociaux en tête), font face à des problématiques techniques de plus en plus complexes (process industriels, architectures multi-core), mais aussi et surtout, comme jamais auparavant, à une économie de la création de jeux qui peine à perpétuer son modèle actuel à l'aune d'une rentabilité toujours plus difficile à obtenir lorsque les investissements requis pour la conception d'un jeu triple A explosent.
Bref, la question qui se pose, c'est peut-être...
A-t-on vraiment besoin de la next-gen ?
Certes, il n'y a pas de meilleure machine à fantasme que des consoles toujours plus puissantes, pour les développeurs comme pour les joueurs. Mais alors que les rumeurs se multiplient, et continueront de le faire l'année prochaine, je crois qu'il ne faut vraiment pas s'affoler. Même si, autour de moi à Gameblog, l'excitation d'une fin de cycle et le besoin de passer au suivant se font déjà bien sentir (et je ne m'exclue finalement pas de cette fièvre).
Plus j'y pense, et plus j'ai la sensation que nous vivons un nouvel âge d'or du jeu vidéo. Les élites auront beau maugréer qu'il y a trop de suites, trop de jeux similaires, et finalement toujours les mêmes trucs avec de plus beaux graphismes, je me projette souvent plusieurs années en arrière, pour imaginer, avec mes yeux d'enfant ou d'ado, les émois que susciteraient les jeux d'aujourd'hui, par rapport à ceux qui m'ont fait rêver à l'époque de l'Atari ST ou de la Super NES.
Vieux joueurs, imaginez-vous un seul instant le plaisir incommensurable que ce serait de découvrir, à la fois avec l'innocence de l'époque et la mesure des progrès accumulés, la valeur de ces jeux ? Presque tout le monde reconnaît qu'on a de moins en moins de temps pour apprécier des jeux de plus en plus nombreux, et malgré tout, buzz après buzz, on a souvent la sensation de regarder toujours vers demain au lieu de profiter d'aujourd'hui.
Le renouvellement du hardware est et restera un moteur pour l'industrie et la créativité, pendant encore au moins une ou deux générations avant que nous ne passions à un modèle entièrement dématérialisé (un avenir communément accepté, même s'il n'est pas garanti). Mais, amusons-nous à passer en revue les inconvénients d'un passage à une next-gen traditionnelle (i.e. fondée sur des consoles au hardware plus puissant que la génération précédente)...
Ce qu'on néglige dans les promesses d'avenir
Un nouveau hardware, ça veut bien souvent dire repartir entièrement à zéro. Réinvestir des centaines d'euros dans une machine. Passer une année au bas mot avec des jeux de première génération pas toujours très affûtés car les développeurs doivent apprendre à travailler avec ces nouveaux standards. Les ressources nécessaires à un nouvelle génération de jeux "next-gen" seront nécessairement décuplées ; on cherchera donc d'autant plus à trouver une rentabilité rapide, car les pertes encourues seront d'autant plus importantes si le public ne suit pas.
Et que dire si à côté, on en profite pour faire passer l'achat d'autres technologies ? Par exemple, si cette génération-ci est celle de la HD, que sera la suivante ? Une 3D dont peu de monde veut à l'heure actuelle, mais qu'on nous promettra bien meilleure cette fois ? L'Ultra HDTV, 16 fois plus fine qu'une résolution de 1080P, mais dont les écrans sont encore expérimentaux ? Même si on reste sur des diffuseurs actuels, HD et 3D, ce qui paraît être le scénario le plus probable et de loin, le gain graphique sera-t-il vraiment déterminant pour le plaisir que nous en retirerons ? Cette nouvelle génération de hardware se contentera-t-elle une nouvelle fois de produire du plus beau, ou aura-t-on la possibilité de produire du plus intelligent, ou du plus profond, pour changer (IA en tête) ? Quoiqu'il arrive, il s'agira d'impressionner pour vendre, à nouveau, et finalement, on ne demande que ça, d'être impressionnés. Probablement visuellement... Mais du point de vue technologique, de plus beaux graphismes, c'est aussi des textures de plus haute résolution, plus d'assets, plus d'animations, plus d'effets, donc plus de place sur un support physique, etc... les problèmes que cela pose sont assez nombreux, à tous les niveaux de la chaîne, qu'on parle technique ou méthodes de production.
Conception, production, valorisation, marketing, la next-gen se prépare, c'est certain, mais même si nous sommes tous impatients de découvrir le fruit des efforts des constructeurs pour nous proposer des machines encore plus alléchantes, cet âge d'or du jeu vidéo vient pourtant à peine de commencer, il serait dommage de le tuer dans l'oeuf.
C'est maintenant que ça se joue
Car, maintenant que nous avons déjà eu pas mal de suites, que les développeurs maîtrisent les hardware actuels et parviennent à peu près à construire une économie autour pour livrer du jeu triple AAA, maintenant que les joueurs se sont habitués à recevoir pléthore de blockbusters, et à se faire courtiser dans tous les sens, la concurrence se fait de plus en plus rude dans le domaine. Il va falloir redoubler d'inventivité, de qualité, d'efforts pour sortir d'une masse dont le niveau est de plus en plus élevé, et du coup je me dis : c'est maintenant qu'on risque d'avoir des choses intéressantes en plus grande quantité, finalement, puisque le ticket d'entrée dans le porte-monnaie des joueurs devient de plus en plus cher.
Si une nouvelle génération de machines venait bousculer un peu tout ça, bien sûr il y aurait de quoi baver, mais peut-être pas de quoi découvrir autant de nouvelles choses. Juste, au moins dans un premier temps, les mêmes trucs en mieux. Comprenez-moi bien, ça ne me dérangerait pas d'y avoir accès bientôt, mais finalement, peut-être qu'en faisant durer un peu plus que de raison le cycle actuel des consoles, on y gagnerait quelques jeux pas piqués des hannetons. On le voit déjà : maintenant que la technique ne suffit décidément plus, il faut travailler la narration, améliorer les gameplay, fournir de nouvelles expériences, des histoires plus riches, des mises en scènes plus spectaculaires ou plus futées.
De toutes façons, on aura déjà une PS Vita et une Wii U pour étancher un peu notre soif de nouveau hardware en 2012 ; donc à part Microsoft (qui du coup est en meilleure position pour dégainer le premier), les constructeurs que sont Sony et Nintendo ne risquent pas de s'occuper d'autre chose dès l'année prochaine. Le modèle précédent (vendre des consoles aux prix avoisinant les 500 euros, et perdre des sous sur chaque console vendue) a montré ses limites. Etre en mesure de proposer une prochaine génération à moindre coût, avec un processus industriel maîtrisé (comme la gravure en 28 nm), sans risquer des crises comme celle du Red Ring of Death, c'est peut-être l'affaire d'une année de plus de patience et de finition dans les plans des constructeurs, et peut-être pas un investissement si mauvais que cela. Dégainer le premier, c'est évidemment important, mais ce n'est pas nécessairement la meilleure stratégie aujourd'hui, et je ne parle même pas des catastrophes naturelles à Fukushima ou en Thaïlande, qui ne favorisent pas du tout le planning d'un constructeur qui chercherait à lancer une machine next-gen prochainement.
Bref, autant se montrer patients, profiter d'une fin de génération éclatante, et se donner rendez-vous en 2014... même si tout porte à croire qu'on parlera de la next-gen en des termes concrets bien avant.