Le dernier né de la série Castlevania, supervisé par Koji Igarashi à qui l'on doit toutes les précédentes perles depuis Symphony of the Night, s'avère pour le moins bizarre. Familier et clairement pensé pour les fans de la série, c'est aussi un gigantesque fourre-tout axé multijoueurs qui tient certes debout, mais sans trop qu'on sache comment.
Si une chose est certaine avec Harmony of Despair, c'est que ceux qui ne sont pas fans des Castlevania peuvent d'ores et déjà passer leur chemin. Sans une once de tutorial (tout juste un peu d'aide à lire), atypique pour la série comme par rapport à la plupart des formules classiques du jeu multijoueurs, et hardcore jusqu'au bout des ongles, ce Castlevania aura tôt fait de les dégoûter d'une licence pourtant culte. Reste à voir, maintenant qu'on est entre fans, s'il ne risque pas de produire le même effet sur nous...
Mélange de gameplays, Bouillie de Game Design
Si cette série de Castlevania initiée avec Symphony of the Night fonctionnait si bien, c'est d'abord pour son formidable sens du rythme en matière de découverte. Toujours un nouveau pouvoir, un nouvel objet, une nouvelle pièce, un nouveau secret à découvrir, en naviguant dans un gigantesque château gorgé de trouvailles nous attendant sagement. Peu importe les systèmes de jeu (au demeurant très réussis), ou le personnage incarné, ces Castlevania étaient la garantie d'une progression soutenue non seulement des pouvoirs à la disposition du joueur, mais aussi et surtout de l'ampleur de l'univers qu'il avait à explorer. Dans Harmony of Despair, tout cela semble avoir volé en éclats. À la place, de très larges niveaux hébergeant un boss, avec un temps limité pour l'atteindre et le défaire, constituent les 6 "chapitres" du jeu. Les personnages conservent certains de leur pouvoirs (s'en trouvant particulièrement déséquilibrés du même coup), mais progressent très lentement. On peut s'y attaquer en solo ou en coopératif jusqu'à 6, mais le côté répétitif du jeu n'en sera que magnifié si vous optez pour une exploration seul. Car le premier écueil ne met pas longtemps à dompter l'enthousiasme initial : par souci d'équilibre entre personnages et pour servir son aspect multijoueurs, les monstres sont aussi faciles que les boss sont difficiles à abattre seuls, pour obliger le joueur à faire, refaire, et re-refaire ad nauseam chaque chapitre jusqu'à avoir collecté suffisamment de nouveaux équipements générés plus ou moins aléatoirement pour progresser (il n'y a pas de niveaux) et débloquer le suivant. A plusieurs, c'est bien sûr beaucoup plus simple, mais le principe reste le même, si ce n'est que certaines zones ne peuvent être visitées qu'ainsi, à cause de mécanismes demandant l'intervention de plusieurs joueurs. Quoiqu'il arrive, HoD sacrifie clairement le solo pour l'équilibre de son multi. On oubliera assez vite aussi le mode Survie, anecdotique, le coeur de l'expérience restant la coopération.
Camaïeu de Pixels, Patchwork de Donjons
Visuellement, il suffit d'imaginer une quarantaine d'écrans DS réunis, pour se faire une idée de l'étendue de ce que le jeu affiche. Car ce sont clairement les assets des jeux précédents, en belle 2D faite main, qui ont été cousus ensemble pour réaliser les immenses châteaux d'un seul tenant qu'on explorera. Trois vues permettent de profiter soit de l'ensemble de la map (la vue complètement injouable pour tous ceux qui n'ont pas des super yeux et un grand écran), soit d'un ratio de 1 pour 1 au niveau pixels (la vue presque injouable pour tous ceux qui n'ont pas des super yeux et un grand écran), soit de la vue x3 avec du gros pixel qui tache (la vue jouable pour le commun des mortels). Mais le côté "un seul tenant" apporte aussi des éléments de gameplay importants puisque l'ensemble du château vit à chaque instant. Du coup, des monstres fantômes peuvent vous poursuivre à travers toutes les pièces, un Boss peut se déplacer au mépris des murs qui vous font obstacle vers d'autres zones du château, etc. Pour les amoureux du pixel, il faut bien avouer que le résultat impressionne : chaque château est une vaste tapisserie 2D. Dommage que le jeu lui-même souffre de ce côté assemblage rapide, pas toujours judicieux, de personnages et de mécaniques qui n'étaient pas vraiment faites pour ça à la base. Même les nouvelles s'avèrent perfectibles, comme la mort en coop, qui transforme en squelette ressuscitable au moyen d'un élixir à trouver dans un coffre. Car si vous êtes le joueur détenteur de l'élixir et que vous passez de vie à trépas, l'élixir est perdu pour vous comme pour vos camarades (heureusement, il peut y en avoir plus d'un).
Une expérience curieuse. C'est le sentiment qui reste après des heures de jeu en solo ou en multi. J'adore Castlevania, et j'ai envie d'aimer Harmony of Despair ; il est plaisant à bien des égards, la collectionnite de butin fonctionne toujours, et il est agréable de passer d'un personnage culte à l'autre (dommage qu'il n'y ait pas d'option d'auto-équipement pour faciliter un peu la gestion des objets d'un perso à l'autre), comme de revendre les tonnes d'objets déjà récupérés et sans utilité entre les "runs", pour en acheter de plus performants. Mais la formule montre assez vite des limites d'autant plus perturbantes qu'elles sont l'antithèse de ce que la série avait comme forces jusqu'à cet Harmony of Despair. À la place, il s'agit plus, pour résumer, d'un gros mode time attack à 6 joueurs dans l'univers des Castlevania post-SotN, et à 15 euros, il faut aimer ça pour se laisser tenter.