A l'heure où les titres trompeurs et passablement alambiqués pullulent comme un virus (couronné ou non), la perspective de pouvoir se fier à l'emballage serait de nature à nous rassurer. Sauf qu'à bien y regarder, There Is No Game Wrong Dimension semble laisser peu d'espoir quant à son contenu. Qu'importe, l'époque est après tout propice aux surprises. La preuve : malgré son blase aux accents d'outre-Manche, l'aventure est française. C'est la vie.
A priori, il n'y a donc pas de jeu : c'est en tous cas sur cette promesse que le joueur (« User ») est accueilli, et immédiatement prié d'aller voir ailleurs, et plus vite que ça. Malgré la bonhommie d'un narrateur un peu suspicieux, impossible de s'y résoudre : après avoir dépensé quelques euros sonnants et trébuchants sur l'eShop, votre serviteur exige un minimum de contenu, parbleu ! Alors, on tente, on tâtonne, on casse quelques éléments d'un écran titre qui semblait pourtant d'une plate banalité, et c'est alors que l'aventure commence. Mais sans jeu, hein.
LOL is the key
There is No Game Wrong Dimension prend dès lors des airs de point'n click barré, irrévérencieux et qui s'amuse avec les nombreux codes du média pour les détourner, et surtout, s'en moquer. Car après avoir supporté les certitudes d'un narrateur persuadé que l'aventure n'irait pas plus loin, le joueur se retrouve embarqué dans un récit plus-méta-tu-meurs, à la recherche d'une hypothétique sortie, qui passera par bien des couleurs de l'arc-en-ciel vidéoludique. De chapitre en chapitre, cette pastiche qui promet de nombreux éclats de rire (re)visite les genres pour mieux s'en moquer : de l'aventure à la LucasArts au générique de fin en passant par de l'action-RPG sous bien des formes, There is No Game Wrong Dimension ne se refuse rien. Et au vu de l'inventivité qui le caractérise, on ne va pas lui donner tort.
C'est Ron Gilbert qu'on assassine
Difficile de décrire à quel point l'aventure méta-parodique de Draw Me a Pixel fait souvent preuve de génie sans trop entrer dans les détails, et vous priver de jolies trouvailles. Toujours est-il qu'entre deux blagues sur la cupidité des free-to-play, la propension de l'industrie à recycler sans vergogne les mêmes recettes ou la paresse de certains scénaristes, ce point'n click revisite à sa sauce de grands poncifs, en obligeant à penser en dehors de la boîte, comme le diraient si bien nos voisins d'outre-Manche. Dès lors, les détournements s'enchaînent, et une item aussi bête qu'une barre de vie ou un indicateur de volume peuvent esquisser un début de solution. Chaque élément devient vite un item de l'inventaire avec lequel il faudra composer, et la mise en lumière du pointeur permet de ne pas passer trop de temps à tenter toutes les combinaisons, comme certains des titres à l'inspiration très présente...
Glitchy business
Pour tout joueur profitant d'un peu de bouteille, There is No Game Wrong Dimension est une délicieuse comédie en forme de réflexion sur le jeu vidéo, qui emprunte sans vergogne les codes d'Arkanoid, Tales of Monkey Island, A Link to the Past, A Normal Lost Phone et tant d'autres, pour proposer un résultat qui dépasse largement la somme de ses influences, le tout sans jamais s'éloigner de son gameplay résolument point'n click. Dévisser les actions d'un jeu d'aventure, cheater à tout va pour contourner les paywall ou profiter d'un célèbre logiciel de compression de données à son insu sont autant d'actions qui deviennent d'une évidence à toute épreuve dans le feu de l'action.
Chiizu no Omuletto
Alors certes, aussi folles soient-elles, les énigmes obéissent au genre dont elles se réclament, et il faudra parfois recourir aux indices égrenés l'un après l'autre pour comprendre ce que l'on attend de nous. Déjà tarabiscotés, certains puzzles nécessitent en plus un sens du timing qui se couplent parfois à une mécanique de cycles qui pourrait faire rager les moins patients d'entre vous. Ah, et les moins observateurs, puisque malgré un sous-titrage français, une maîtrise de l'anglais offrira au moins une facilité. Malgré la perspective de stocker tous les items au bas de l'écran, un choix qui n'offre pas toujours une lisibilité à toute épreuve, le nombre de trouvailles à la seconde force tout de même le respect, et c'est un sourire aux lèvres que l'on referme There is No Game Wrong Dimension. À moins de porter un prénom transalpin, et de n'avoir aucun sens de l'humour, cela va de soi.