Se lancer seul dans la création d'un jeu vidéo, ça ne fait plus peur. Nombre de développeurs sont même parvenus à pondre des oeuvres devenues des classiques. Derek Yu et Spelunky, Eric Barone et Stardew Valley, Daisuke Amaya et Cave Story, Toby Fox et Undertale sont autant d'exemples que, quand on est aware, on peut y arriver. L'artiste helvète Michel Ziegler, fondateur et membre unique du studio Hidden Fields, s'est lancé pour défi de proposer un jeu d'aventure horrifique très particulier. Et dont on peut dire qu'il mérite le coup d'oeil.
Le moins que l'on puisse dire de Mundaun, c'est qu'il est visuellement unique. Son créateur s'est attaché à proposer un titre entièrement fait à la main, crayonné. L'application de ses esquisses monochromes sur des modèles et environnements 3D offre un rendu bizarroïde. Quelque chose que l'on pourrait placer entre le carnet de croquis animé et le film d'horreur d'avant-guerre. Du genre malsain, dont la faiblesse technique - on se trouve face à ensemble cubique, statique, des animations de pantins rouillés et des murs invisibles qui semblent clamer leur amour de l'ère 32 bits - paraît voulue pour instiller encore plus une sorte de fascination curieuse dans l'esprit du joueur. Par ce parti-pris esthétique et son ambiance sonore minimaliste, ce projet qui se présente comme un conte horrifique s'emploie à nous pousser jusqu'au dénouement. Mais ça se mérite.
Dans les Alpes, affaire pas nette
Mundaun nous projette dans une enquête fantastique dans les Alpes suisses, avec des échanges dans la langue locale, le romanche, qui vous immergeront encore davantage dans son folklore. Le joueur incarne Curdin, jeune homme de retour dans le village paumé de Mundaun, où il ne s'était pas rendu depuis son enfance. La raison ? Son grand-père vient de casser sa pipe. Il a brûlé dans sa grange. Un accident. Il s'est endormi la bouffarde au bec à ce qu'on dit. Une reconnaissance rapide des lieux fait comprendre que c'est plus compliqué. Quelques apparitions et créatures hostiles cherchant à vous faire bobo une fois la nuit tombée vous confortent dans l'idée qu'il y a un mystère à résoudre. Une malédiction.
Votre périple vous voit traverser plusieurs zones du coin, de plus en plus enneigées, ne manquant pas de secrets - ni de chargements. Autant de paysages à explorer où vous attendent un curé pas très vaillant, une petite fille mutique, un peintre farfelu et tout un tas d'autres gusses qu'on croirait sortis d'un cauchemar. Et même une chèvre pas tout à fait entière qui parle. Il est vital de marcher et ramasser des objets dont l'utilité sera assez simple à comprendre. Vraiment, il n'y a jamais rien de compliqué dans les énigmes proposées pour quiconque prend le temps d'observer tout ce qui traîne. Les objectifs se trouvent parfaitement écrits, et les indices consignés dans un carnet à chérir autant que l'inventaire.
La machine à vallée
Pas difficile, mais loin d'être simple. Ayant pour idée de faire plus qu'un walking simulator, Mundaun présente de la furtivité, de l'action, de la conduite. Et c'est tout simplement laborieux. Vous rencontrez parfois des bestioles comme des hommes de paille ou des semeurs d'abeilles tueuses. Les confronter vous expose : une fois que le protagoniste se sait repéré, ses déplacements sont affectés. Sa santé mentale effritée, il ralentit, se fige. Plus pénible que flippant, à vrai dire. Avec un petit côté arbitraire quand on est repéré de très loin. Il y a toujours la possibilité de mettre un petit coup de fourche, craquer une allumette où il faut, voire, dans le dernier tiers du jeu, user d'un fusil. Et grâce à des repas, du café et des manuels éparpillés par-ci par là augmenter ses résistances physique et mentale et sa visée. Voilà ce que peut rapporter l'exploration.
Mais soyons honnête : chercher des noises coûte beaucoup plus que prendre la poudre d'escampette. Taper prend un temps fou. Tirer oblige à recharger, en ouvrant l'inventaire, tous les deux coups. L'autre option est aussi pénible. Car même en courant, Curdin demeure trop lourd, trop pataud. Le plaisir s'en trouve affecté. L'expédition paraît parfois interminable. Et pourtant, on vous offre de quoi accélérer la cadence, avec un camion à foin ou encore une luge. Hélas, trois fois hélas, la conduite souffrent également d'une terrible gestion de la physique, datant du milieu des années 90. Ca glisse comme une caisse à savon et le plus insignifiant relief à une vitesse modérée entraîne un tonneau. L'agacement rompt facilement le sortilège lancé par Mundaun, qu'on n'est pas mécontent de terminer, au bout de 6 heures environ, et dans lequel on n'aura pas nécessairement envie de retourner pour connaître toutes les fins possibles.