Bravely Default se voulait à juste titre l'hériter du J-RPG d'autrefois, en alliant ses éléments traditionnels et une certaine sophistication sur 3DS, concepts extrêmement novateurs à l'appui. Des principes poussés à leur paroxysme dans l'opus End Layer, aux allures d'extension parodique assumée. Avec Bravely Default II, Tomoya Asano aspire donc à remettre sérieusement les choses au point, ou plutôt à l'astérisque, histoire de l'ériger en véritable second épisode de la série. Une tâche ardue à plus d'un égard...
Bravely Default II débute sur le rivage ensoleillé d'un continent jusqu'alors inconnu, Excillant, aux côtés d'un nouveau quatuor de héros réunis presque d'emblée. Pourtant, il y plane un air familier... Vient-il de la sempiternelle intrigue autour des Cristaux, du son boisé de la flûte celtique, ou du somptueux rendu 2D des décors tridimensionnels, un tantinet pixellisés en plan rapproché d'ailleurs ? La nostalgie opère en tout cas immédiatement, preuve que la team Asano sait à qui elle s'adresse. En témoigne le retour de Revo pour la partition musicale, des morceaux assez courts qui recèlent néanmoins d'étonnantes compositions. On aurait donc tort de s'arrêter à cette impression rétro également véhiculée par le character design très classique a priori, malgré des traits plus marqués (et des pieds plus longs). De la même manière que les orchestrations se déclinent en versions diurnes et nocturnes suivant les contrées afin d'en souligner l'atmosphère tantôt dépaysante, tantôt inquiétante, les thématiques abordées passent rapidement de la légèreté à une tonalité plus sombre.
Le poids des mots
Cette quête de maturité s'appuie beaucoup, pour ne pas dire lourdement sur une dramaturgie mortifère, leitmotiv fatalement poignant et décidément inspiré par l'air du temps. En outre, les évidentes allusions écologiques, religieuses, ou sociétales s'insinuent avec un tel sérieux que leur aspect satirique en pâtit sensiblement. Le minimalisme de la mise en scène évite heureusement de tomber dans le grandiloquent, grâce aux doublages en anglais ou en japonais de grande qualité qui accompagnent les principaux dialogues, admirablement retranscrits dans la langue de Molière. La théâtralisation se limite ainsi aux mouvements de caméra pour la présentation des cités, qui ressemblent plus que jamais à d'imposantes fresques d'une beauté fascinante. D'autant qu'elles se révèlent plus foisonnantes, à la faveur du surcroît de surface et de résolution d'affichage. Une invitation à l'exploration que soutient l'apparition au fil de l'avancée de nombreuses missions annexes, sujettes à d'exaltantes allées et venues pédestres (éventuellement remplacées par les voyages en calèche).
Terres inexplorées
Nonobstant un champ de vision trop resserré, les environnements extérieurs se montrent nettement plus étendus et vallonnés, ce qui accentue le sentiment d'espace tout en dissimulant les coffres dans les recoins. Idem pour la végétation luxuriante que l'on a loisir de couper, un pouvoir évolutif très utile pour découvrir de jolis butins, et lancer les hostilités à son avantage lors de la rencontre d'ennemis. Ceux-ci sont dorénavant visibles et dotés d'un comportement changeant selon le niveau de l'équipe. Alors que les plus dangereux, dits "rares" restent stoïques, ceux un peu plus forts chargent tête baissée, tandis que les plus faibles prennent la fuite, une réaction qui permet éventuellement d'en acculer plusieurs. Cette méthode engendre des batailles à la chaîne, synonymes de bonus moins aléatoires que celles d'End Layer. Le cas échant il s'avère assez aisé de les semer, hormis dans l'enceinte de lieux exigus comme les donjons et autres cavernes délibérément labyrinthiques, où une carte n'aurait pas été superflue pour trouver tous les trésors sans y errer trop longtemps.
ATB Powered
En effet les combats se veulent encore plus stratégiques, et exigeants. Leur concept repose toujours naturellement sur le duo éponyme "Brave" et "Default", qui autorise respectivement à prendre jusqu'à quatre tours d'affilée ou à les stocker en adoptant une posture défensive. Permissif, voire abusif au vu des confrontations ainsi expédiées souvent d'entrée, ce principe se heurte cette fois à des adversaires plus résistants, de façon à atténuer le côté machinal de la mécanique. Dans la même logique, les Boss - encore pour la plupart détenteurs d'astérisques, autrement dit de jobs - disposent d'une puissance effarante, fût-elle un peu artificielle. Au delà de leurs manoeuvres retorses progressivement exacerbées (ou à terme confuses faute de points de magie), le challenge résulte essentiellement de jauges de vie démesurées et d'une grande vitesse, facteur central d'ajustement de la difficulté. L'introduction du fameux "Active Time Battle" contribue à la lisibilité de ces joutes qui constituent de véritables épreuves d'endurance, même avec le réglage théoriquement facile.
De massives armes de destruction
Cet équilibrage revu à la hausse se traduit non seulement par l'intégration du poids de l'équipement en sus des affinités afin de restreindre les configurations dégénérées, mais surtout à travers les classes. Un certain nombre d'entre elles proviennent directement des précédents volets, tel que l'incontournable Free Lance. D'autres ont des allures de modestes reconversions, à l'image du Barde aux talents moins éblouissants que ceux de l'Artiste, ou du Dompteur qui lâche les créatures capturées (un usage par conséquent limité) plutôt que d'en apprendre les aptitudes comme le Vampire ou le Félinomancien. En revanche, le Maître des Boucliers remplace efficacement le Chevalier du fait de sa polyvalence, pareil pour le Chevalier Dragon moins transi que la Valkyrie. Et les classes vraiment inédites se distinguent par leur originalité, illustrée notamment par le Pictomancien. Au delà de la diversité de ses capacités offensives et défensives, cet inclassable mage bariolé dispose d'aptitudes passives d'une portée stupéfiante, a fortiori en combinaison avec celles d'autres jobs.
L'envers des cartes
Ces compétences que l'on a l'opportunité d'attribuer à d'autres professions semblent globalement moins nombreuses, car la spécialisation est ostensiblement favorisée. A défaut de façonner ses propres coups spéciaux désormais liés aux classes, ces dernières apportent en effet une seconde spécialité d'envergure une fois maîtrisée. Avis donc aux érudits de l'optimisation (guère simplifiée par l'ergonomie des menus en dépit de raccourcis très pratiques), ici requise pour espérer triompher... Un pari sur la longueur que partagent les expéditions maritimes relatées sous forme textuelle et qui se déroulent optionnellement en ligne pendant que la console veille, avec moult trouvailles à la clé. Le jeu "B & D" offre davantage de profondeur, tant par ses règles légèrement tirées du Go que pour la collectionnite, quoiqu'il privilégie les decks construits autour des meilleures cartes au détriment de la stratégie pure. En somme, une épopée gigantesque, qui ne dévoile toute sa richesse qu'après la conclusion finale, une fois encore. Or seuls les aventuriers aguerris y parviendront au regard de défis tellement éprouvants, et proposés aussi tôt. S'il ne s'élève pas jusqu'aux sommets atteints par le très imparfait et au demeurant révolutionnaire épisode initial, Bravely Default II s'impose, bravement et assurément, comme son valeureux successeur.