Le constat est là. Oui, Square Enix éprouve les pires difficultés à faire évoluer ses jeux de rôles, à les laisser s'épanouir sur les plates-formes dites Next Gen. Ainsi après les franches déceptions que constituèrent Infinite Undiscovery et The Last Remnant, les yeux se tournent naturellement aujourd'hui vers Star Ocean : The Last Hope. Une exclusivité Xbox 360 en guise de dernier espoir... et une nouvelle vraie désillusion. La machine à rêves est-elle définitivement grippée ? J'en ai bien peur...
Né en 1996 sur Super Nintendo, la saga Star Ocean occupe toujours une place un peu à part dans le cœur des férus de jeux de rôle console. Conçue par la brillante équipe de tri-Ace, la série spatiale a bâti sa renommée sur la fouge de ses combats, sa bande-son explosive signée par Motoi Sakuraba, et son cadre mêlant habilement héroïc-fantasy et science-fiction. Cinquième volet, The Last Hope reste bien évidemment fidèle à ces principes fondateurs même s'il joue la carte de la préquelle. Dans la peau du jeune Edge Maverick, vous allez ainsi vivre la genèse de la saga... quelques heures après la Troisième Guerre Mondiale et un bombardement mondial. La Terre chancelle, les peuples agonisent. C'est donc vers le cosmos, vers l'océan d'étoiles, que vous allez devoir chercher un nouvel espoir pour l'humanité.
Marionnettes avez-vous une âme ?
S'il est temps pour nos héros de trouver une nouvelle planète d'accueil, tri-Ace se devait aussi de redorer le blason des RPG japonais sur console next-gen. Vous le savez, dieu que ce bastion a été ébranlé ces dernières années, par manque de souffle, de remise en questions structurelles (Lost Odyssey mis à part sur certains points). Un sentiment qui ne risque malheureusement pas d'être bouleversé par ce Star Ocean. Avant même d'évoquer la partie technique, concentrons-nous sur le coeur du jeu de rôle. Son histoire, ses émotions, ses personnages. Et dans ce domaine, soyons franc, la douche se révèle des plus glaciales. La course aux clichés japoniaisants est lancée. La mise en scène plan-plan, un casting d'un classicisme effarant (le jeune héros blond peu sûr de lui, la jeune fille écervelée aux cheveux rouges, la copine touchante mais distante au début...). A peine le couvercle délicatement levé, que se dégage déjà cette sensation de réchauffé et, plus triste, d'immaturité. Il ne suffit pas d'une fulgurance musicale, ou d'un (rare) cadrage dynamique pour crédibiliser une situation. Le rythme se révèle si haché, l'implication des héros si molles. Il faut donner l'envie d'y croire. Ici, la maladresse de la mise en scène, et les personnages clichés risquent bien d'avoir raison de nombreux joueurs/aventuriers. Alors bien sûr des rebondissements ou du nerf, oui, il y en aura au fil de l'aventure... mais pas avant la vingtaine d'heures de jeu ! Aurez-vous au préalable le courage de naviguer à vue dans cet océan mièvre ? Pas évident...
L'espoir perdu
Qu'il semble aujourd'hui difficile pour les développeurs japonais de se remettre en question. Eux qui savaient si bien marier sens de l'esthétisme, design exotique et narration prenante apparaissent aujourd'hui caricaturaux. Ainsi il suffit de regarder le character design général pour comprendre que ce qui marche sur le papier, ou en 2D, a bien plus de mal à s'épanouir ici en 3D plastifiée par la patine HD. De vraies poupées bariolées, trop lisses, et pire que tout : animées à la serpe. Des pantins sans âme. Et que dire des espaces en intérieur, véritable royaume du copier/coller ? Heureusement que quelques gigantesques décors extérieurs flattent la rétine, rattrapant tant bien que mal un bilan technique frappé par le sceau de l'inconstance. Où s'est envolée l'ambition au-delà d'un fulgurant décollage de fusée en cinématique ? Pourquoi ne parviennent-ils pas à regarder ce qui se pratique aujourd'hui en occident ? Pourquoi s'acharner à simplement transposer les recettes éculées depuis plus d'une décennie ? Encore aujourd'hui la question reste en suspend. Mais à trop jouer sur l'auto-référentiel et l'otaku, le RPG japonais est tout simplement en train de mourir.
En garde !
Les amateurs des précédents Star Ocean le savent : la lumière pourrait bien jaillir des combats, l'une des marques de fabrique de la saga. Ici, pas de joutes au tour par tour, chaque assaut s'effectuant en temps réel. Et dans ce domaine, pas de doute, tri-Ace expose sa maîtrise au grand jour. Nerveuses grâce aux différentes combinaisons réalisables, les affrontements se permettent d'innover avec l'apparition d'attaques surprises. Ces dernières s'effectuent en concentrant votre jauge de vitesse et en passant dans le dos de votre adversaire juste avant son attaque. Une technique à double tranchant puisque si vous dosez mal votre concentration, vous deviendrez alors une proie facile. Autre nouveauté, c'est désormais un système de cristaux qui régit l'évolution des personnages. Vous allez devoir intégrer ces derniers dans un grand tableau qui forgera votre progression. En fonction de la couleur, vous augmenterez votre énergie, vos magies ou bien vos compétences. Il est bien sûr possible d'associer certains cristaux pour obtenir des bonus statistiques, mais attention car ce tableau pourra aussi se briser lors des combats. Heureusement dans un premier temps seules les associations entre couleurs dissociées voleront en éclat.
Square en perdition ?
Vous voici donc face à l'embarcadère. Face à vous, une flopée d'étoiles qui peinent pourtant à scintiller. Car oui, l'action est survoltée, oui la difficulté dosée progressivement, mais quel manque de charisme, quelle absence de profondeur, d'étoffe narrative. Reste à vous poser la question qui vous permettra de trancher : que recherchez-vous ? Si pour vous le RPG se doit de vous prendre aux tripes, de vous faire partir au loin... alors soyons clair, vous comprendrez que le mal qui ronge les RPG japonais depuis maintenant trop longtemps n'a pas encore trouvé son remède. En revanche, si c'est de la bravoure que vous cherchez, que seul le système de combat importe, alors oui, ce Star Ocean : The Last Hope trouvera un écho favorable chez vous. Il plaira aussi à ceux qui éprouvent une indicible nostalgie pour les fresques au charme désuet, mais gorgé de mini-quêtes, de clin d'œil pour les fans. C'est indéniable, louable même dans un sens, mais cela concernera un public restreint.
Reste donc un constat accablant : la situation de Square Enix se révèle désormais des plus préoccupantes. Incapable de donner vie à un RPG solide sur console Next Gen, il ne lui reste plus qu'une dernière cartouche, une dernière fantaisie... Final Fantasy XIII ! Le véritable dernier espoir ? A moins que Tales of Vesperia conçu par Namco et prévu pour demain, relève enfin le niveau. En attendant, la force narrative et les émotions ressenties avec Lost Odyssey n'en prennent, aujourd'hui, que plus de valeur...