Voilà. On y arrive. Pas loin de six ans après avoir fait sa connaissance, il va falloir faire nos adieux à Clementine. Le personnage central du The Walking Dead de Telltale entame une dernière aventure en quatre épisodes dont le premier chapitre s'est ouvert et refermé devant nous en deux heures à la fois familières et surprenantes.
On a coutume de dire que si on a joué à un Telltale, on les a tous fait. Facile mais pourtant réel, et cela concerne bien la globalité des titres qui ont suivi The Walking Dead. Même si les enjeux, les atmosphères et les esthétiques varient, avec plus ou moins de succès, la plupart des joueurs sont conscients de l'essoufflement d'une formule inchangée depuis trop longtemps - et ne parlons même pas du moteur. Le studio californien choisi la dernière saison de sa série phare, celle qui l'a fait entrer dans la cour des grands un beau mais larmoyant jour de novembre 2012, pour essayer de nouvelles choses.
L'école est finie
Les années ont passé depuis la Nouvelle Frontière. Clem est maintenant une jeune femme. Alvin Junior, un petit garçon. Ensemble, ils ont survécu à ce monde rempli de zombies et d'humains parfois bien plus monstrueux. Elle lui a transmis l'essentiel de son expérience. Mais aujourd'hui, après avoir découvert une gare désaffectée potentiellement pleine de vivres, les choses vont changer. On peut prendre toutes les précautions, un piège explosif bien planqué suffit à tout foutre en l'air et attirer les marcheurs du coin. Après avoir tenté tant bien que mal de fuir, c'est l'accident de voiture, comme dans l'entame de la première saison. Un tonneau la laisse groggy, alors qu'elle sait que des humains ont emporté AJ après avoir nettoyé la zone. Clementine se réveille avec un bon mal de crâne mais en sécurité, dans l'enceinte d'une école en ruine. Ici, il n'y a que des enfants, dirigés par un ado à la Mullet pénalement répréhensible, Marlon. Il va être question pour notre héroïne et son protégé de se faire accepter et, devoir, comme à chaque fois qu'elle a trouvé un abri, rester méfiante aussi bien dehors qu'à l'intérieur...
Quant AJ et Lee...
Il est vrai que les grandes lignes scénaristiques de l'épisode ne présentent guère d'originalité - en dehors de l'absence d'adultes. On arrive quelque part, on se méfie, on fait connaissance, on est toléré, on rit, on mange, on profite du calme, un événement bizarre se produit et la tragédie se met en place... Après plus d'une quinzaine d'épisodes, certaines pirouettes se voient comme le nez au milieu du visage. ce qui n'empêche pas d'apprécier, grâce à une petite galerie de personnages assez bien définis et, toujours, des choix qui permettent d'orienter légèrement le chemin narratif pour révéler une Clem plus ou moins nostalgique, autoritaire, sûre d'elle, laxiste...
On réalise assez vite que l'élément central de la saison sera la relation qui unit la porteuse de la casquette et un gamin qui n'a clairement pas le même tempérament qu'elle au même âge. Comment le pourrait-il, lui qui a grandi dans un monde impitoyable peuplé de marcheurs, n'a pas eu le temps de l'innocence, doit toujours être sur le qui-vive et porte un pistolet chargé ? Vraiment désarmant lorsqu'il apprend certains mots, fait la moue ou parvient à accomplir quelque chose de bien, il présente quelques problèmes de comportement qui, liés au fait qu'il pense sincèrement appliquer les méthodes de Clem dans les moments critiques, laissent à penser que la transmission n'aura rien de simple. Surtout après le dénouement, savoureux, de cet épisode.
J'ai la casquette qui colle
Il n'y a pas que l'idée que Clem devienne comme Lee pour AJ et qu'on va encore devoir composer avec une nature humaine aux multiples facettes qui plaît. Levez les bras au ciel et louez le Soleil : Telltale a changé des choses pour éviter que la totalité de l'aventure ne soit qu'un script aux embranchements maquillés par des choix dont on ignore, généralement, la portée réelle sur l'instant. Plus joli, plus fin, mais encore un poil raide, Un nouveau refuge s'inscrit dans la continuité de la saison précédente avec une mise en scène moins statique, n'hésitant pas à balancer quelques plans-séquences bien sentis dans des moments sous tension. On sent les développeurs plus à l'aise. À tel point qu'ils se permettent aussi un peu de liberté - nous laissant par exemple trouver des objets décoratifs pour la chambre de la protagoniste.
La caméra passée derrière l'épaule pendant les phases d'exploration confère une plus grande proximité (Clem donne d'ailleurs des indices si vous n'allez dans la direction d'un point d'intérêt urgent) et ouvre vers des segments inédits. Croiser des morts-vivants ne débouche pas nécessairement sur une séquence scriptée où s'enchaînent 30 QTE punitifs. On se retrouve à progresser furtivement, et en fonction du fait qu'on est repéré ou pas, on décide ou non de zigouiller du zombie, selon une méthode visant à d'abord à frapper le genou (touche rond ou B) pour mettre la tête à hauteur d'un couteau qui rentre comme dans du beurre (X ou A). Ou même à l'aide d'un piège. Il faut juste bien surveiller ses arrières. On est loin de la souplesse d'un The Last of Us, mais on soulignera cet petit effort, bienvenu, inespéré, qui aide à oublier l'absence de vraie difficulté et d'interactions nécessitant de la jugeote.
Dernier mot, tout de même, avant de rendre l'antenne, concernant la localisation. En plus d'être sous-titré en Français, ce chapitre inaugure des doublages dans notre belle langue de champion du monde. Si rien ne vaut la V.O. parce que l'interprétation y est excellente et que cela s'accorde mieux au niveau synchro labiale, sachez que personne ne saignera des oreilles en jouant avec les voix françaises, plutôt convaincantes dans l'ensemble.