Dans la veine des aventures textuelles pour smartphones à la Lifeline, Enterre-moi, Mon Amour nous raconte le détail au jour le jour de la traversée vers l'Europe occidentale de Nour, une migrante fuyant la Syrie qui communique via messagerie instantanée avec son mari, Majd, resté au pays. Vous l'aurez compris, il s'agit d'un Serious game très, très serious.
Au-delà du grave sujet d'actualité qu'il traite, Enterre-Moi, Mon Amour s'inspire de l'histoire vraie de deux migrants de la ville de Homs, déjà racontée sous la forme de conversations WhatsApp dans un article du Monde, publié il y a deux ans (que l'on peut encore consulter ici). Après avoir obtenu la bénédiction de l'auteur de l'article original, les développeurs de The Pixel Hunt, des habitués du Serious Game, ont mis en route cette aventure textuelle reprenant le principe du papier mais en y ajoutant une couche interactive et en intégrant les codes modernes de communications, avec smileys, selfies et autres photos envoyées pour illustrer les conversations et les propos qui sont tenus.
Sérieusement accrocheur
Si le périple de Nour est aussi prenant, c'est grâce sans aucun doute à une écriture soignée, juste et très réaliste qui facilite l'immersion. Les dialogues entre les deux jeunes protagonistes sont tantôt légers, avec des scènes de tranches de vie toutes simples et parfois drôles qui viennent détourner l'attention de la gravité du moment, tantôt chargés du poids du conflit que Nour fuit. Il s'agit d'une aventure finalement très digne, qui ne donne pas dans le pathos exacerbé, tout en mettant bien en exergue les difficultés et les situations extrêmes auxquelles sont confrontés les migrants.
Bien que cela soit un jeu purement narratif destiné aux mobiles, le déroulement est loin d'être une ligne droite. Il y a une multitude d'embranchements scénaristiques possibles consécutifs aux décisions qui seront prises par Nour (consécutives à vos conseils ou non). Les développeurs nous parlent de 19 fins possibles, allant du happy end au drame absolu.
On pourra néanmoins reprocher de devoir reprendre l'aventure au premier jour en cas d'échec, ce qui à la longue des différents essais s'avère assez pénible étant donné que l'on finit par connaître le début et ses différents embranchements par coeur sans pouvoir les abréger. Une reprise au dernier jour, similaire à ce que font les jeux Lifeline, aurait été appréciable. Malgré cela, on ne peut que saluer la démarche des développeurs qui sont parvenus à garder un esprit ludique et accrocheur dans un jeu dont le sujet si difficile ne s'y prêtait pas forcément, tout en conservant une grande partie pédagogique qui aide à comprendre la crise migratoire.