Ninja Theory et le AAA pour les autres, pour l'instant, c'est en pause. Après Heavenly Sword, Enslaved et DmC : Devil May Cry, le studio de Cambridge s'est lancé dans un projet très différent, moins spectaculaire, moins frimeur. Intitulé Hellblade : Senua's Sacrifice, conçu en petit comité sans le soutien d'un éditeur prestigieux, ne manque tout de même pas d'ambitions, ni de moyens pour les assouvir. Mais le talent et l'expérience ont-t-ils parlé ?
QU'APPORTE LA PS4 PRO ? J'ai un écran 4K :
J'ai un écran 1080p :
Notre avis : Se comportant déjà très bien sur PS4 standard, Hellblade : Senua's Sacrifice ne perd rien sur la version haut de gamme de la console de Sony. Il en profite pour, de base, faire grimper la résolution un tantinet, mais pas en 4K, en restant à 30 images par seconde. Ce qui suffit déjà à apprécier sa plastique. Il est possible via une option de passer en 60 images par seconde, au détriment de la densité de pixels à l'écran - on passe en 1080p de manière assez imperceptible sur la qualité de l'image et la fluidité est alors au rendez-vous pour un résultat des plus appréciables. A noter que le HDR n'est pas encore supporté. |
Senua est prête. Déterminée. Son voyage, qui commence vraiment maintenant qu'elle s'est débarrassée de sa barque de fortune, ne connaîtra pas de retour. Elle le sait bien. S'y est résolue. Mais elle n'accepte pas le massacre de son amant, Dillion, par les nordiques. Son objectif est clair : comme c'est Hela qui l'a, elle se rendra à Helheim, le pays des morts, pour qu'il retrouve la vie. Le chemin qui la mène à la déesse de Enfers n'aura rien de facile. Il y aura des pièges, des ruses, des affrontements. Mais surtout "ses ténèbres". C'est ainsi qu'elle qualifie les voix qui l'assaillent en permanence. Elles sont toujours là. A chaque pas, chaque action, elles commentent, approuvent, réprimandent... Un sifflement permanent s'accompagnant d'hallucinations visuelles qui vont rester aux côtés de Senua jusqu'au bout de sa folle quête. Pendant laquelle vous allez vous trouver aux premières loges.
Elle se baladait en chantant Valhalla
A la faveur d'une spatialisation du son maîtrisée, et qui méritera qu'on appuie sur le fait qu'il est indispensable de jouer casque sur les oreilles, on se retrouve en effet rapidement immergé dans l'expérience proposée par Ninja Theory. Le sound design, pour lequel on retrouve crédité David Garcia, qui avait déjà fort bien travaillé sur RiME, inspire un profond respect. Et une grande paranoïa, puisque, outre les bruitages environnementaux "classiques", il y a ces chuchotements, ces cris, ces vibrations, ces crépitements qui ne cessent de se se balader autour de vous pour rappeler que l'Enfer n'est pas pavé de bonnes intentions.
La folie de l'héroïne, merveilleusement interprétée une Melina Juergens très investie par son rôle - et qui peut prétendre être la Viva Seifert de 2017 -, est retranscrite avec justesse et se vit pleinement par l'ouïe. Mais pas que. Les développeurs ont également su tirer parti de l'Unreal Engine 4 pour offrir à nos yeux un inquiétant festin. Anxiogène à souhait - rappelant le Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn par ses extérieurs décrivant toujours des lieux grisâtres, désolés, dévastés, jonchés de cadavres, parfois sous une pluie battante et dans une nuit flippante, et ses intérieurs où la clarté a été dévorée par la pénombre - Hellblade se montre aussi soigné artistiquement que techniquement. Sûrement parce que les zones à explorer ne sont jamais très vastes dans cette aventure linéaire, plutôt cloisonnée - et bourrée de murs invisibles qui restreignent l'exploration -, la grande majorité des textures jouit d'un rendu agréable, auquel s'ajoutent des jeux de lumière des éclatants et différents filtres ou distorsions de l'image qui savent parfaitement quand venir se loger sur l'écran - lorsque vous ne les employez pas vous-même avec le sympathique Mode Photo. Quant à Senua, sa modélisation, ses animations et son expressivité lors de cinématiques parfois traumatisantes ne souffrent d'aucun reproche.
J'ai demandé à la rune
En tant que "walking simulator" ou film interactif purement versé dans la narration, avec quelques phases de funambulisme vertigineux, le titre supervisé par Tameem Antoniades s'en sortirait déjà avec les honneurs, d'autant que la mise en scène et l'histoire, captivante, ont aussi bénéficié de toutes les attentions pour ne pas nous dévier de la route du binge-playing. Mais un peu de gameplay à saupoudrer sur de la marche manquant un peu d'interactions, en plus des sensations de froid et de mal-être, ça ne peut pas faire de mal. Cela passe d'abord par de la réflexion.
Dès le début, on apprend que Senua peut se concentrer, ce qui occasionne un zoom. Proposée en premier lieu pour enrichir l'histoire - en entrant en interaction avec des piliers marqués d'une rune (des "collectibles" optionnels livrant des pans entiers de mythologie nordique) et des visages humains se distinguant sur certaines surfaces -, cette faculté va également se révéler indispensable lorsque des puzzles se dresseront face à vous. Il s'agira essentiellement de retrouver des formes très précises - inscrites sur des portes bien scellées - dans les alentours ou de trouver un bon angle pour que l'illusion morcelée d'un pont invisible apparaisse tangible. Facile, au début. Puis carrément coton lorsque notre attention refuse de se focaliser sur une ombre en particulier ou qu'on ne sache pas d'où regarder deux poteaux qu'on jurerait associés. Surtout quand des arches gommant des éléments lorsqu'on les franchit s'en mêlent... Encore heureux que certains indicateurs (qu'on vous laissera découvrir) apportent un peu d'aide par moment. Bref, côté puzzles, on est face à une mécanique de perspective simple, plaisante, et qui ne fait pas tâche - même s'il faut bien avouer que cela aurait pu devenir redondant s'il avait été décidé de remettre une surcouche d'autres énigmes de ce type au-delà de la dizaine d'heures d'escapade infernale qui vous attend.
Folie pure
Si les énigmes tiennent la place la plus importante dans une progression sans interface ni tuto (mais très intuitive), on peut aussi compter sur du combat pour apporter un peu de dynamisme. De ce côté, Ninja Theory n'a pas souhaité verser dans la complexité. Sans s'affranchir d'un placement de caméra au plus près du dos de Senua (identique à celui du prochain God of War), les britanniques laissent le joueur se débrouiller avec les attaques rapides et fortes, le coup de pied qui déstabilise, une parade et une esquive faciles à prendre en main. On découvre par hasard la possibilité de courir pour asséner un coup d'épée avec élan et un contre au timing clair qui donne immédiatement l'avantage. Sans oublier, plus tard, un emploi de la concentration pour avoir encore plus de chances de faire bobo.
C'est percutant, violent, lourd, donne lieu à de jolies chorégraphies... Un peu répétitif face aux grouillots et souvent trop long. Non que les colossaux opposants, qui se présentent sous quelques variantes obligeant à s'adapter, soient, en dehors des bosses, plus résistants que de la pierre face à un martelage de boutons en règle. Simplement, en mode de difficulté normal, on s'en fade vite des vagues un peu trop importantes. Ce qui aurait tendance, pour les moins hardis (qui devront faire attention de ne pas trop mourir, la menace de l'effacement de leur avancée et de leur sauvegarde se voyant agitée à l'entame) ou ceux ayant décidé de se mettre en pilote automatique à devenir un poil gonflant - quand bien même on ne voit pas toujours le début d'une rixe arriver. Mais même les plus valeureuses guerrières, fussent-elles psychotiques et prêtes à défier les dieux - ont droit à un talon d'Achille, non ?