Après la sortie de Wonder Boy Returns en octobre dernier et avant celle de Monster Boy and the Cursed Kingdom, le garçon fantastique de Ryuichi Nishizawa a droit à un gros lifting. Le troisième (ou techniquement, quatrième) volet de ses nombreuses aventures, auquel on a pu jouer sur Master System, Game Gear ou encore PC Engine à partir de 1989, est passé sur le billard des chirurgiens français de Lizardcube. De quoi lui redonner une seconde jeunesse ?
Comme les réorchestrations de chansons célèbres, comme les colorisations de séries ou films cultes, l'exercice de réinterprétation d'un jeu peut provoquer des craintes. Un classique qu'on prive du charme de son époque ? Une oeuvre culte qu'on se permet de cuisiner à une sauce qui pourrait ne pas être en adéquation les intentions originelles ? L'exercice peut paraître, dans certains cas, plutôt casse-gueule. On pense aux éditions spéciales des deux premiers Monkey Island qui n'ont pas convaincu tous les amoureux de Guybrush. Mais des fois, ça se passe bien. Très bien même. Et là, vous vous demandez dans quelle catégorie se situe la restauration de Wonder Boy III : The Dragon's Trap par les frenchies de Lizardcube. Ce paragraphe est assez long, donc fini de vous faire mariner : il est dans le bon camp.
Le vieux beau
Commençons par la bonne nouvelle pour les vieux croûtons ou ceux qui souhaitent comparer avec un original qu'ils ne connaissent ou ne se remémorent pas. Il est là. Les développeurs ont eu la bonne idée de laisser une madeleine à grignoter en permettant, à tout moment (en pressant R2 sur PS4), de repasser sur la version rétro, avec un écran plus rempli et quelques filtres en option pour se croire à nouveau en 1989. Même chose pour les sons (via R3). Voilà pour les hyperjoueurs qui ne jurent que par le vintage. Et pour constater que le boulot abattu dépasse la simple révision esthétique. Redessiné "à la main" avec une patte plus qu'agréable au niveau de chacun des sprites, jouissant d'animations carrément réussies, ce Wonder Boy est un régal pour les yeux. Les différents environnements traversés - du désert à la plage, en passant par les zones volcaniques -plutôt vides à la base (8-bits oblige) deviennent de superbes tableaux bien remplis, détaillés, colorés, dégageant tous une belle identité cartoon. Imaginer comment faire passer l'ensemble dans un portail menant à 2017 n'a pas dû être une mince affaire. Impossible de ne pas féliciter Ben Fiquet et son coup de crayon magique. Et n'oublions pas, surtout pas, la partie sonore. Gros coup de chapeau aussi à Michael Geyre, à qui l'on doit les arrangements modernes. Les petites musiques MIDI entêtantes et mémorables de Shinichi Sakamoto laissent place à des orchestrations qui ne manquent vraiment pas de charme. Les instruments super réels et la façon dont ils sont employés, avec un respect militaire des mélodies, permet d'apporter une densité, une personnalité, une couleur qui correspondent toujours au lieu où vous vous trouvez.
28 ans plus tard
Que reste-t-il en termes de gameplay pour un joueur d'aujourd'hui ? Vu que presque rien n'a été effleuré, on note juste la possibilité de jouer avec l'inédite Wonder Girl, quelques secrets supplémentaires et trois modes de difficulté : un jeu d'action et d'aventure en 2D à l'ossature solide, qui n'est pas tant affecté par le poids des années. Si la maniabilité un peu sèche (les anticipations pour les coups d'épées, habitude à prendre) et le manque d'indications - qui font que votre serviteur a, des années plus tard, encore galéré quelques minutes, par inattention, pour se souvenir comment passer une section pleine de lave - déconcertent, le reste est toujours à un très bon niveau. Tombant dans la catégorie "Metroidvania" avant l'heure par son architecture nécessitant de se renforcer en achetant de nouveaux équipements et en héritant de nouvelles capacités pour se rendre dans des zones inaccessibles, Dragon's Trap reste d'une belle efficacité. Les transformations des différents animaux offrant des pouvoirs spécifiques - le lézard crache des flammes et peut se baisser, la souris adhère à des surfaces en damier, le piranha évolue facilement sous l'eau, le lion pète tout devant lui à 180° et le faucon vole - se conjuguent à un level design astucieux et qui monte salement en difficulté. Et même s'il apparaîtra trop court (5 heures environ la première fois si l'on compte des décès obligeant à refaire des chemins complets) et condensé pour les plus hardis, on conviendra qu'il est assez fou de voir que Dragon's Trap demeure, 28 ans après, une telle source de plaisir.