Il est enfin là, on n'y croyait plus. Disponible en exclusivité sur PS4, et uniquement en téléchargement, le dernier jeu de Suda51 se nomme LET IT DIE. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le mode de distribution choisi pour ce titre risque de faire couler bien plus d'encre que celle que je vais utiliser pour écrire ce test.
Quelle ne fut pas ma surprise, en suivant la conférence du Playstation Experience le week-end dernier, de voir débarquer (comme un cheveu sur la soupe, il faut bien le dire) un jeu qu'on n'attendait plus et dont on n'avait plus de nouvelles depuis quelques mois : LET IT DIE, le dernier titre des studios Grasshopper Manufacture, avec à leur tête le fantasque Suda51, et il était disponible juste après la conf' !
Fils d'une gestation lente et probablement douloureuse, le projet originel avait été annoncé en grande pompe trois mois avant la sortie de Killer is Dead, le précédent jeu de l'ami Suda, et se nommait alors "Lily Bergamo". Mais selon les dires de son créateur, le projet à très vite dévié vers ce qui est aujourd'hui LET IT DIE, et de nombreux éléments crées pour le projet originel ont été réutilisés ici. Les chances de voir la petite Lily défourailler ses ennemis par palette de douze sont donc bel et bien mortes et enterrées. Mais alors, quel est donc le résultat de ce revirement en cours de développement ?
GAMECEPTION
Grand fan de Suda devant l'éternel, la première chose que je peux vous dire, c'est qu'on retrouve immédiatement sa patte complètement délirante et barrée, et ce dès les premières secondes. Accueillis par une cinématique d'intro sur laquelle on a posé un filtre "VHS en fin de vie" et des couleurs criardes "so 80's", le pitch est posé : dans un futur proche, après un grand tremblement de terre mondial, la tour de Barb's a fait son apparition aux alentours de Tokyo (La référence au mythe et à la vision de Babel de Pieter Brueghel est évidente, dès le premier écran de chargement). La légende voudrait qu'elle continue à grandir avec le temps, et qu'elle soit emplie de moult richesses, d'où la présence de nombreux explorateurs tous un peu barges, qui vont se lancer à l'assaut de la tour... pour n'y trouver au final que mort, déchets et désolation !
Mais tout cela n'est pas grave, car en fait, ce n'est qu'un jeu. En vérité, c'est la Mort (en skateboard, et qui trouve le moyen de changer de lunettes de soleil à chaque fois que vous regardez ailleurs), qui vous à attiré dans une obscure salle d'arcade, LET IT DIE n'étant qu'un jeu dans le jeu... Du coup, ce côté hardcore de salle obscure qui sent la défaite et la sueur rend le pitch au final assez limité, puisque vous n'êtes qu'un joueur parmi d'autres en train de tenter d'aller le plus haut possible dans cette maudite tour de Barb's, via une borne arcade. Ne vous attendez donc pas à un scénario et une narration aussi folles que dans un Lollipop Chainsaw ou Shadows of the Damned. Et c'est bien dommage, car il y aurait eu matière à faire plus. Malgré tout, l'univers se montre tout de même suffisamment intriguant et décalé pour que l'on s'y intéresse et qu'on l'on se passionne pour lui. Les cinématiques étant limitées à de courtes vidéos avant les Boss ou les PNJ, il faudra ramasser des items au sol dans le jeu pour en apprendre plus sur le background. Mais après tout, pourquoi pas ? Certains autres jeux, Dark Souls en tête, s'en sortent très bien avec une narration réduite au minimum syndical. Et la comparaison avec la magique série de jeux d'Hidetaka Myiazaki ne s'arrêtera pas là.
Tout nu avec mon fer à repasser.
Après avoir choisi un de vos avatars (car vous en aurez beaucoup...) vous allez pouvoir vous lancer à l'assaut de la tour. Mais avant, un petit tour dans la salle d'arcade s'impose. Dans cet univers "réel" (où c'est tout de même la mort qui vous fait face), vous pourrez chopper des missions variées vous permettant de récolter moult récompenses, mais aussi avoir quelques tips et faire le point sur le monde via un jukebox. Ce dernier servira de galerie pour visionner les différents objets que vous aurez ramassés, histoire d'en apprendre un peu plus sur cet univers. Une fois prêt, on se lance à l'assaut de la tour ! Vous vous retrouvez alors au rez-de-chaussée, dans une sorte de HUB central similaire à ceux que vous pouvez trouver dans un Souls, avec son sanctuaire de Lige-feu car, il faut bien le dire, nous sommes bel et bien en présence d'un Action-RPG mâtiné d'un soupçon de "rogue-like". Vous y trouverez un vendeur, une boite de stockage, un ascenseur pour retourner à un étage plus élevé, une magicienne qui vous fournira des items de buff, des éléments de gameplay multijoueur dont nous parlerons plus tard, mais aussi un PNJ destiné à vous faire passer des niveaux avec l'expérience que vous aurez accumulée. La ressemblance avec les Souls est troublante, et cela ne s'arête pas là... En effet, dans ses mécaniques globales de gameplay action, là aussi, celui qui aura sonné les cloches de l'éveil plusieurs fois ne sera forcément pas surpris par ce qui l'attend...
Plus l'étage est haut, plus les ennemis sont puissants et lootent du meilleur matériel. Et il faudra être ultra attentif à leur patterns d'attaque pour ne pas se faire surprendre et risposter au bon moment. Pas forcément ultra difficile, mais très exigeant et demandant une concentration de tous les instants. Contre des groupes d'ennemis, il faudra feinter un peu et les pousser à se blesser entre eux dans la précipitation du combat, pour ensuite exterminer les restes. Comme dans un Souls, il faudra donc allier skill, patience, anticipation et réaction pour réussir. Pour vous aider dans votre tache, vous disposerez de trois slots d'armes par bras, et deux boutons d'attaque : faible et rapide, ou forte et lente. Mais l'arme portée influera aussi sur le pattern d'attaque utilisé, sa vitesse et son efficacité. Ajoutez une garde et un dash, et si les combats ne sont pas aussi poussés qu'un Souls en termes de possibilités de préparation au niveau RPG (durée de vie du matos oblige), ils se montrent ultra nerveux et dynamiques. les Boss que vous pourrez croiser tous les trois étages se montreront eux aussi très récalcitrants si vous vous ruez dessus comme un kamikaze, mais assez simples à gérer au final si vous vous montrez patients. Et une fois vos ennemis vaincus, vous pourrez alors récolter armes et armures, mais ces dernières ont une durée de vie tellement faible que vous en changerez sans cesse. D'où la présence d'un inventaire et d'un espace de stockage ultra réduits ! Vous serez donc sans cesse en train de trifouiller dans votre inventaire pour équiper les derniers éléments lootés afin de remplacer ceux qui viennent de se casser. Et bien souvent tout nu.
LET IT DIE !
Comme votre équipement, vos personnages aussi seront jetables et interchangeables... En effet, passé un certain nombre d'étages, les ennemis deviennent trop forts, mais vous débloquez de nouveaux types de combattants pouvant dépasser le niveau maximum de base de 25 pour votre premier avatar. Ce dernier devient donc au bout d'un moment obsolète, il faudra alors faire passer des niveaux à un nouveau perso au plus fort potentiel, et l'ancien devient donc... inutile ! On peut alors le laisser mourir ! D'où le titre du jeu. Votre ancien guerrier deviendra alors un adversaire, un zombie, qui errera à l'endroit de sa mort... Ce système ne va pas sans rappeler celui d'un autre Dungeon Crawler que j'avais beaucoup apprécié à sa sortie : Oreshika : Tainted Bloodlines.
LET IT DIE possède donc un concept assez fort dans sa partie solo, entre un Dark Souls et un Dungeon Crawler aux niveaux générés aléatoirement parmi plusieurs éléments de décors (ce qui peut créer quelques répétitions...), mais possède aussi un mode multijoueur asynchrone assez développé ! En effet, le premier aspect très simple de cette facette du jeu sera d'envoyer en mission un de vos personnages dans la partie d'un autre joueur, pour le faire se battre avec et ainsi vous ramener divers ressources et loots. Mais c'est dans son autre volet que le plus fort potentiel sera révélé. Il vous sera demandé au départ de faire un choix de faction (votre région, par défaut) et vous pourrez alors attaquer le hub central d'un autre joueur pour lui voler des ressources, et même certains de ses combattants ! Il faudra donc faire bien attention à couvrir ses arrières en laissant un max de guerriers sur-entraînés et sur-équipés dans votre base pour que, dirigés par l'IA, ils empêchent au autre joueur de venir vous voler ! Cet aspect multijoueur asynchrone est assez essentiel à gérer, puisque si vous ne vous en occupez pas, vous pourriez avoir de bien mauvaises surprises lors de votre prochaine connexion...
51 $$$
Tiens, parlons en de mauvaises surprises. J'ai déjà évoqué celle de voir Lily Bergamo disparaître. Et je dois avouer que je n'ai pas été spécialement jouasse quand j'ai appris que LET IT DIE serait un free to play. Il me sera assez difficile de parler de cet aspect dans des termes exacts, car à l'heure ou j'écris ces lignes, en tout cas durant toutes mes sessions de test, la boutique ne proposait pas encore la totalité de son contenu. J'ai tout de même pu bénéficier de quelques bonus de connexion bien sympathiques, qui seront probablement payants dans le jeu final. Il y avait des cranes pour continuer sans recommencer un niveau après la mort, ou des tickets permettant d'avoir un gros inventaire, une assurance sur la mort et le droit d'utiliser l'ascenseur gratuitement. Le modèle adopté sera malheureusement du "Pay to Win", car j'ai pu remarquer un énorme gap de difficulté une fois monté assez haut dans les étages, où il faudra farmer comme un joueur de MMO Coréen si vous ne voulez pas payer avec de l'argent réel, les prix de résurrection de votre avatar en cas de décès devenant tout simplement assez hallucinants.
Il faudra alors probablement passer à la caisse pour pouvoir avancer, puisque n'oubliez pas que tout le farm de monnaie que vous aurez effectué pourra être volé par un autre joueur qui aurait attaqué votre base... Je sens aussi venir gros comme une maison le fait de pouvoir assurer sa base en mode Metal Gear Solid, pour pouvoir dormir sur ses deux oreilles... Je trouve ça vraiment dommage, car le jeu possède le contenu et le potentiel pour être vendu en boîte, complet, en boutique. J'aurais très honnêtement préféré payer mes 60€ et profiter tranquillement de ce petit "Dark Souls-like", mais je pense sincèrement faire l'impasse devant le paywall sur lequel je me suis cassé les dents... Je n'ai pas encore d'idée du prix que coûteront les tickets d'abonnement premium, mais pour les crânes de résurrection j'ai pu me faire une idée, et c'est abusé ! Cela va de 6 euros les 6 vies à plus 130 euros les 260 ! Je trouve ces valeurs totalement exagérées, surtout qu'il sera probablement fortement recommandé de prendre l'abonnement premium (dont la valeur reste inconnue) afin de jouer dans des conditions optimales...
Le jeu avait pourtant tout pour plaire : un gameplay cool, un univers cool avec une direction artistique forte propre à Monsieur Suda51, des graphismes assez sympas entre le cel-shadding et quelque chose de plus trash (avec quelques chutes de framerate), mais aussi une bande son très réussie, avec encore une fois la participation d'Akira Yamaoka. J'espère que le prochain Suda que je testerai pour vous sur Gameblog ne me laissera pas un goût aussi amer dans la bouche que ce LET IT DIE. C'en est presque à souhaiter qu'il se casse la figure pour finalement passer sur un mode de distribution classique...