Après des mois d'Early Access, DiRT Rally arrive enfin, pour de vrai, sur PC, PS4 et Xbox One. Dernier né de la plus haute lignée de jeux de rallye de tous les temps, sera-t-il capable de rallier à son camp les fans d'arcade comme les amateurs de simulation ? La réponse est en bout de piste.
C'est dingue comme la différence entre déception et enthousiasme peut être ténue. J'ai passé des heures difficiles sur WRC 5 et Sébastien Loeb Rally Evo, me forçant à finir des carrières sans une once de plaisir, grommelant sur des défauts visuels ou des sensations imparfaites. Jusqu'à me dire finalement que ce type de course n'était pas fait pour moi, que je n'étais peut être qu'un joueur de circuit, inadapté aux surfaces rugueuses ou aux tracés faits d'imprévus. Jusqu'à présent, aucun jeu de rallye de cette génération ne m'avait apporté le fun d'un Forza 6 ou la fière progression d'un Project CARS, et je redoutais de ne pas trouver DiRT Rally à la hauteur, de retomber dans la valse des critiques pour finalement reconnaitre que je n'étais pas un amateur du genre.
Colin, es tu là?
Il a suffit d'une spéciale pour tout remettre en cause. Et pas même une étape de la carrière ou une bonne partie en multijoueur. Non, juste une spéciale offerte au lancement du jeu, le temps que celui-ci s'installe sur le disque dur, sans enjeu donc. Un petit tour en Mini, les roues sur le gravier, la voix d'une copilote dans le casque et, devant moi, la piste qui se laisse découvrir au fur et à mesure... Les accidents s'enchaînent, les chronos ne sont pas bons, mais il me faut recommencer encore et encore. J'apprends petit à petit à dompter ma monture, à comprendre ses forces et faiblesses. J'intègre aussi le tracé, les points clef qui me font perdre du temps ou ces difficultés qui risquent de m'envoyer dans les ronces. Au bout de nombreuses tentatives, le résultat est là : une spéciale sans accroc, le meilleur chrono, un plaisir fou. La partie peut donc commencer.
Vous l'aurez compris, DiRT Rally revient aux sources, remettant la course contre le chrono à l'honneur et les techniques de conduite au coeur de son gameplay. Il joue la carte de la simulation, reniant partiellement l'esprit arcade et spectaculaire des épisodes DiRT précédents, sans pour autant s'enfoncer dans un réalisme poussif qui mettrait une partie des joueurs dans le fossé. En effet, si l'esprit global du jeu tend à s'approcher d'un simulateur, son gameplay n'en reste pas moins adaptable et finalement accessible à tous. Pour faire clair, il est à la piste ce que Project CARS est au circuit : un jeu exigeant, incitant le joueur à progresser, tout en offrant une belle fenêtre sur un sport difficilement accessible dans la réalité. Alors oui, le Colin McRae qu'on a tant aimé est bien de retour à travers ce DiRT Rally, avec tous les avantages de la modernité.
Une carrière un peu classique
Notre voyage commence avec un menu principal simple et sans fioritures. Ici, pas de speaker hystérique pour nous motiver avant de jouer. Les zones sont clairement identifiées dans un calme visuel et sonore propice à la concentration. La carrière offline emprunte à Gran Turismo son évolution par l'argent acquis et donnant accès à des voitures, lesquelles ouvrent les portes des différentes compétitions, sans autre forme de procès. Dans cette carrière, vous trouverez quatre grandes sections correspondant chacune à un type de compétition : le championnat de rallye, le hillclimb (la course de côte), le rallycross et le FIA World Rallycross Championship. Vous sélectionnez la catégorie qui vous intéresse puis sortez le carnet de chèque, histoire de vous payer la voiture de vos rêves. Enfin attention, n'imaginez pas partir de suite au volant d'une DS3 ou d'une Subaru. Il va falloir commencer petit, avec un véhicule probablement sorti des livres d'histoire, et grimper progressivement les marches de la gloire avant d'être capable de vous payer n'importe lequel des 46 bolides disponibles. Et croyez moi, ça n'arrivera pas de suite. Mais l'intérêt de commencer par des voitures anciennes et moins performantes est double : vous apprendre les techniques de base à faible vitesse avant de vous mesurer aux gros moteurs et profiter de leurs comportements atypiques mais incroyablement intéressants.
Surtout que commencer en douceur n'est vraiment pas de trop, alors que les dégâts sont gérés et impactent votre conduite. Même s'ils ne sont pas réalistes, laissant un peu de marge au joueur, ils limiteront l'argent que vous gagnez avec une ponction en fin d'épreuve pour chaque pièce changée. Bref, si vous voulez progresser vite, il faudra commencer par rouler prudemment. À ce propos, c'est vous qui gérez votre équipe, du directeur technique aux ingénieurs qui vous accompagnent. Vous les recrutez avec vos deniers et les faites évoluer en compétences au fil des kilomètres parcourus. Plus ils sont qualifiés, plus ils règlent la voiture finement, la réparent vite et apportent des améliorations importantes au fil des courses. Avoir une bonne équipe est donc une des conditions sine qua non si vous visez la victoire.
Le championnat de rallye est assez classique. Vous pourrez enchaîner les spéciales au sein d'un des six lieux disponibles : la Grèce, le Pays de Galles, Monaco, l'Allemagne, la Finlande et la Suède. Le classement est établi sur le temps total des tracés parcourus. Au début de chaque épreuve, on vous propose de régler la voiture (voire de la réparer) mais aussi de faire une petite session de shakedown, c'est à dire une visite du tracé sans enjeu, histoire de débusquer les pièges et de comprendre les techniques à adopter. Vous passez ensuite à la course, chronométrée évidemment, avec des temps de passage où votre position par rapport au premier concurrent vous sera donnée. Notez bien qu'il n'y a pas de rewind. En cas d'erreur ou d'accident, soit vous vous remettez en piste (contre un malus de temps), soit vous recommencez la spéciale. Et en fin de session, vous marquez des points, touchez votre argent, réparez votre voiture et foncez faire vos petites affaires en fonction des nouvelles améliorations disponibles. En fin de championnat, on fait le total de tout ça et le jeu vous octroie ou non le droit de passer à la catégorie supérieure de difficulté. Si ce n'est pas le cas, vous pourrez recommencer avec une voiture ayant gardé ses bonus de la saison précédente.
Le championnat de rallycross se joue à plusieurs sur des circuits fermés. Ces épreuves, que les amateurs de la série DiRT connaissent bien, offrent des sensations complètement différentes du rallye. Il faut en effet jouer des coudes (ou des parechocs) tout en ayant une bonne stratégie d'attaque et de défense des trajectoires, avec une connaissance parfaite des circuits à parcourir. S'ajoute le principe du Joker, un trajet alternatif que vous devez prendre au moins une fois par course et qui contient en général une difficulté technique particulière. Dynamique et jouissif, le principal défaut de ce mode est le faible nombre de circuits disponibles et vu le succès qu'il a déjà auprès des joueurs de la beta ou de la version PC, il y a fort à parier qu'il aura droit à ses DLC prochainement. Reste le mode hillclimb qui vous met au volant d'une voiture hors normes, à l'attaque de l'épreuve de Pikes Peak, seul contre le chrono. De quoi découvrir un autre type de difficulté, à savoir la maîtrise de son véhicule lorsque la puissance est monstrueusement disproportionnée par rapport à sa taille.
Toujours au sein de la carrière et donc impactant votre évolution, on trouve différents modes en ligne ou hors ligne. Des étapes quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles sont disponibles avec une limite de temps. Elles ont la particularité de ne pouvoir être courues qu'une seule fois. Attention donc à y aller après un bon entraînement, surtout qu'il est impossible de recommencer votre course en cas d'accident. Les épreuves JCJ (Joueur contre joueur) sont les salons en ligne réservés au rallycross, dans lesquels vous pouvez rejoindre une partie ou créer un championnat. Hors ligne cette fois ci, la section "Championnats personnalisés" vous permet de créer vos propres séries d'épreuves, avec un réglage complet des étapes, de la difficulté et surtout des gains comparables à ceux de la carrière. Ce même système est d'ailleurs disponible en ligne, sous le nom de "Ligues" et il faudra vous enregistrer sur le RaceNet de Codemaster pour en profiter.
Reste que tout ceci s'enchaîne sans véritable liant. Certes il est agréable de voir son équipe progresser ou son garage se rempir, mais rien ne vient vous donner l'impression que vous faites véritablement carrière. En clair, on est sur du déjà vu, un peu léger en termes de contenu, mais avec une bonne qualité globale des modes de jeu comme du net code... En attendant probablement plus de matière prochainement. S'il me faut parler en heures de jeu, sachez qu'après plus de 40 heures de course, je n'en ai pas vu le bout et la lassitude ne s'est toujours pas pointée. C'est quand même de bon augure.
Pas le temps de regarder les paysages
DiRT Rally n'est pas le plus beau jeu de course du moment. Même sur PC, en qualité graphique maximum, il n'offre pas le niveau de détails d'un Project CARS, ni même son photoréalisme global. Avec une palette limitée et des couleurs un peu plus vives, le rendu de DiRT Rally est légèrement grossier, un peu moins chargé en effets visuels et donc parfois un peu décevant. La pluie, qui comme l'heure de la journée n'est pas gérée dynamiquement, n'est pas vraiment au niveau des productions actuelles. Pourtant, les efforts sont bien là et les différents lieux visités rendent assez bien, avec en prime des décors variés, des jeux de lumière bien pensés et une profondeur de champ impressionnante. Quant aux véhicules, leur modélisation est propre, bien détaillée, en intérieur comme en extérieur. Les textures ne sont pas forcément très précises, mais l'ensemble est cohérent et homogène. En clair, il n'y a pas de mauvaise surprise et les consoles s'en sortent très bien.
Et s'il y a deux points sur lesquels DiRT Rally est inattaquable, ce sont bien la fluidité et la qualité de l'image, quelle que soit la plateforme. Il y a bien quelques petits sauts de frame de temps en temps, un tout petit peu d'aliasing et de popping sur consoles, mais il sont vraiment rares et à peine perceptibles. Rien à voir avec la concurrence sur ce segment. Et ça, à la longue, ça change tout. Surtout que la vitesse est à l'honneur avec une vue fisheye assez prononcée et offrant de bonnes sensations, même à faible allure.
Quant à l'ATH, il se fait discret et efficace. Les différentes vues, assez classiques, profitent en plus d'une option permettant de faire disparaître le volant et les pilotes lorsque vous vous situez dans le cockpit. La possibilité de régler son siège (si, si) permet en outre d'affiner sa position jusqu'à la perfection. J'en profite pour signaler que les renseignements du copilote, temporisables à souhait, sont impeccablement distribués et ne souffrent d'aucun défaut particulier. L'information est claire, plutôt réaliste et participe grandement à plonger le joueur dans la concentration qui lui est nécessaire. À l'écran, l'annonce des virages et autres particularités du tracé apparaissent sous la forme de dessins crayonnés plutôt que de classiques panneaux de circulation. Il faudra donc un certain temps au joueur habitué pour retrouver ses automatismes.
Côté son, on frôle le sans faute. Les bruits mécaniques, d'ambiance ou de conduite sont légion et bien équilibrés. Les moteurs vrombissent avec réalisme. La spacialisation sonore est bonne et sans défaut majeur, avec un étouffement des sons extérieurs lorsque l'on est en vue intérieure. Quant à la musique des différents menus, elle fleure bon l'Acid Jazz et la douce électro. Juste dommage que les boucles soient un peu courtes et répétitives.
Simulation ou pas?
Il est temps d'aborder ce qui fait tout le charme de DiRT Rally : sa conduite. À savoir si le jeu est une véritable simulation, la réponse est clairement non. Il en a certains codes, certains comportements, mais dans son approche il ressemble bien plus à Forza qu'à Assetto Corsa, avec un gameplay accessible mais profond, le tout basé sur un moteur physique sérieux. En gros, oui on peut avoir des sensations proches de la réalité, mais non le jeu n'est pas aussi exigeant qu'il pourrait l'être. Et pourtant, quel que soit le niveau d'aides activées, il ne manque jamais d'intérêt.
Première source de plaisir, le moteur physique. Il gère très bien les amortisseurs et la motricité indépendante des roues, ce qui permet de jouer rapidement avec le rythme des courbes et des reliefs. De même, les différentes surfaces impactent les réactions avec beaucoup de réalisme, au point qu'on ressent bien les pertes d'adhérences comme les zones collantes. L'assiette de la voiture est elle même perceptible lorsqu'on a le malheur de déborder sur le bas côté ou simplement lorsque la pente est forte. Ainsi, dans sa globalité, le nombre d'informations à disposition du joueur pour comprendre le comportement de sa voiture est juste phénoménal et superbement bien retranscrit sur votre contrôleur. Sur ce point, DiRT Rally écrase littéralement ses concurrents.
Surtout que pour une fois, les réglages se ressentent totalement dans la conduite. La dureté des amortisseurs, leur hauteur, la gestion du différentiel ou la longueur de vos rapports de boîte impactent visiblement les performances comme le ressenti. Et comme l'ensemble est bien classé, bien expliqué et sans micro-réglages à foison, tous les types de joueurs auront plaisir à toucher. C'est assez rare pour être signalé.
Autre point très important : la qualité des tracés qui semble avoir fait l'objet d'un soin tout particulier. Alors que les premiers rencontrés font preuve de pédagogie et laissent le temps au joueur de voir venir, d'anticiper ses réactions et d'appliquer les techniques apprises, ils deviennent petit à petit plus difficiles, plus vicieux et plein de surprises. De quoi progresser continuellement, sans jamais laisser retomber l'attention. Surtout que les routes sont parfois étroites et les abords toujours cruels, parsemés de gros cailloux, de petits arbres, de clôtures de bois ou de neige, avec des sensations là encore très impressionnantes quand une roue se met dans l'herbe, sur le talus ou dans la poudreuse. Du réalisme ? Non, mais on parfois, on s'y croirait.
Surtout que la gestion des manettes et de leurs vibrations est une véritable leçon d'efficacité. Sachant que tout est réglable dans les moindres détails, en termes de mapping comme de précision, sans pour autant perdre le joueur dans de nombreux détails, vous aurez en main un véritable outil de compétition. Les pertes d'adhérence, les collisions légères, les différentes surfaces, tout est retranscrit sur les moteurs de vibration, avec un avantage certain pour la manette Xbox One et ses gâchettes vibrantes. La gestion de la direction est elle aussi des plus agréables, à la fois réactive et précise, avec une très légère assistance dans les virages histoire de combler l'écart avec les volants. Le poids de la voiture est palpable sans qu'il n'y ait d'effet de lourdeur et la marge de progression entre un joueur débutant et un habitué est grande. Même les habitués du pad peuvent s'affranchir du stick analogique sans perdre en sensations et ce, quel que soit le support.
Les amateurs du volant ne seront pas en reste avec un gameplay et des réactions aux petits oignons. Là encore, la gestion des vibrations impressionne. Les surfaces rugueuses se font immédiatement connaître, les pertes d'adhérences sont parfaitement identifiables et comme les réglages spécifiques aux volants sont à la fois nombreux et compréhensibles, on obtient rapidement un résultat performant et sensationnel. Mais attention, la qualité varie en fonction du modèle que vous possédez et de la plateforme sur laquelle vous jouez. En clair, le Fanatec CS v2 est le roi avec les meilleurs rendus de vibrations, la meilleure précision, en plus d'être le seul à permettre l'utilisation d'un véritable frein à main sur console comme sur PC. En second, on trouve les T300RS et TX qui, bien que manquant un peu de puissance globale sur consoles (malgré des réglages à 150%), ont l'avantage de proposer un réglage de l'angle de rotation histoire d'affiner la précision. De plus, l'absence de levier de vitesse dans la gamme Thrustmaster peut être comblée par l'utilisation du TH8A en mode séquentiel (en USB uniquement). Viennent ensuite les modèles de Logitech, plus brusques et un peu moins précis (de par leur absence de réglage de l'angle sur consoles), qui trouvent tout de même là un jeu utilisant pleinement leur potentiel, malgré une zone morte handicapante. Un dernier mot sur l'utilisation du frein à main, essentiel au gameplay et pas toujours à la portée des joueurs au volant. Sur PC, DiRT Rally permet d'utiliser n'importe quel accessoire possédant un bouton pour agir sur le frein à main. Vous pouvez donc l'affecter à l'embrayage, à une manette supplémentaire ou au tactile de votre smartphone, pour peu que vous sachiez faire. Sur console, le choix se limite aux deux exemples cités ci dessus.