La peur peut revêtir diverses formes. Elle peut être franche, plus discrète, surnoise... Dans la plupart des Survival Horror d'hier et d'aujourd'hui, elle est plutôt honnête et attaque par devant. Ça n'est pourtant pas le cas de celle qui va vous poursuivre tout au long de l'expérience Layers of Fear.
Non, cette peur est bien plus fourbe, moins évidente, plus complexe. A l'instar de P.T., le jeu de Bloober Team nous livre une aventure avec un gameplay minimaliste où l'atmosphère fera tout le job. Ici, l'horreur prend une allure de peinture psychédélique qui hypnotisera votre esprit jusqu'à le rendre esclave de la peur. Dans la peau d'un protagoniste menant visiblement l'enquête sur le destin dramatique d'un artiste dévoré par sa passion, vous allez arpenter une demeure qui vous fera sombrer dans une folie des plus macabres. Donnez-vous la peine d'entrer...
La première chose qui vous frappera en lançant votre partie de Layers of Fear, c'est la beauté des lieux. Ce mini manoir Spencer vous fera en effet sans doute penser à la demeure de Resident Evil premier du nom, même si l'aventure horrifique de Blooder Team n'a strictement rien à voir avec celle du jeu de Capcom. On le compare plus volontiers à P.T. dont il reprend les codes avec brio. Les détails sont nombreux, soignés et le rendu global offre un cachet d'une élégance rare à ce titre pas comme les autres. Notons malgré tout les très fréquentes chutes de framerate et un peu d'aliasing ici et là. Un détail auquel vous ne ferez plus attention très rapidement, tant l'atmosphère du jeu vous transportera ailleurs... dans l'esprit torturé et psychédélique d'un peintre désespérément amoureux d'art et fou de sa femme, dont vous allez voir défiler la vie et les tableaux effrayants devant vos yeux médusés...
L'horreur est un art
Soyons bien d'accord : Layers of Fear est une expérience narrative dans toute sa splendeur. Vous avancerez et inspecterez des objets, mais aucun challenge particulier ne vous sera proposé... à part bien sûr celui de vaincre votre angoisse et d'avoir le courage de pousser les portes. Ici, point d'inventaire mais un écran nu. En effet, mis à part quelques éléments clef apparaissant discrètement en bas de l'écran lorsque vous les trouverez, rien ne viendra perturber votre immersion.
Et de cette immersion, l'ambiance sonore est l'un des éléments les plus importants. Les murmures inintelligibles, le grincement sinistre des portes, les bruits furtifs, les pleurs d'enfants et le cri violent de l'orage au dehors ne laisseront pas votre oppression redescendre d'un iota une seule minute.
De pièce en pièce, vous récolterez des renseignements sur l'histoire tragique du couple et de leur petite fille, qui habitaient tous la demeure avant de que sombres événements ne surviennent. Coupures de presse, vieilles photos, petits mots griffonnés, lettres diverses et variées, inscriptions sur les murs... tous ces indices vous permettront de mieux connaître les protagonistes au fil d'une narration parfaitement maîtrisée et dont l'étrangeté et la folie sont les auteures. Mais l'indice le plus probant sur la personnalité psychotique de notre peintre tient dans ses tableaux, qui habillent la totalité des murs de cette étrange maison. Et c'est là qu'il faut applaudir des deux mains : en effet, le travail esthétique est juste bluffant. Les oeuvres de l'artiste, très inspirées par le style Renaissance, sont splendides et offrent un véritable hommage à l'Art... mais elles vous donneront aussi froid dans le dos. Natures mortes à base de pommes à la Paul Cézanne ou de cadavres sanglants, peu importe, elles vous offriront les plus désagréables frissons tout au long de l'échine.
La peur aux trousses
L'un des autres points forts de Layers of Fear est son talent à vous emmener où il veut. Votre attention sera détournée en un instant, permettant alors à la peur de vous surprendre. Tout comme dans P.T, vous avancerez en vous demandant ce qui se trame derrière vous, jusqu'au moment où l'envie irrésistible de vous retourner vous tiraillera... Vous avancerez dans des pièces qui ne seront plus du tout les mêmes l'instant d'après, vous arpenterez des couloirs sombres qui se distordront comme si l'espace-temps jouait avec vous tel un marionnettiste pervers, vous resterez interdits devant les horreurs qui apparaîtront subitement devant vous après vous être retournés, alors qu'il n'y avait rien l'instant d'avant...
Chaque détail macabre qui s'ajoutera à la longue liste des objets que vous trouverez vous poussera à vouloir comprendre ce qui s'est réellement passé en ces lieux pervertis, et plus vous avancerez, plus vous vous demanderez si cette maison n'est pas en réalité l'esprit tortueux et fou de l'artiste qui vous offre le tableau morbide de ses pires souvenirs...
Beauté sanglante
En termes de gameplay, je le soulignais plus haut, Layers of Fear propose quelque chose de très minimaliste, assez proche de la jouabilité d'Amnesia. Vous pourrez marcher, saisir les objets et les inspecter dans tous les sens, interagir avec les éléments pour ouvrir les portes, des tiroirs ou encore des coffres et des placards, mais ça s'arrête là. Vous n'aurez même pas la possibilité de vous cacher ou de courir pour tenter de fuir. Il faudra vous contenter de subir, ce qui rajoute encore à la peur de la confrontation avec une entité... Cependant, pas de panique, le Game Over n'est pas de la partie. Au pire, votre protagoniste perdra connaissance quelques minutes pour se réveiller rapidement, en plein cauchemar.
Quoi qu'il en soit, Layers of Fear offre une ambiance oppressante au possible, et par extension une expérience horrifique presque parfaite. Incomparable et totalement différente, elle ouvre une fenêtre sur l'art, la passion dans tous ses états, et l'horreur. Un mélange étonnant qui fonctionnera à merveille si vous êtes friand de Survival Horror et d'expériences narratives. Mais ce mélange est fortement inspiré. Je le soulignais plus haut, P.T. semble être la pièce maîtresse des rouages qui font marcher la machine à cauchemars de Layers of Fear, mais on trouvera également des accents de Silent Hill ou encore du Shining.