Véritable bouffée d'air frais de l'E3 2015, Unravel et Yarny, son héros de laine, avaient su immédiatement capter notre attention. Réalisation saisissante de réalisme et foudroyante de charme, ce jeu de plate-forme doux et mélancolique détonnait dans le porte-folio bulldozer d'un éditeur comme Electronic Arts. Une crainte subsistait toutefois : dernière ses soyeux atours, Unravel allait-il se révéler aussi bon, que beau ? Verdict.
A défaut d'être paisible, que la campagne suédoise est belle ! Balayée par les vents, rincée par les orages, caressée par les feuilles d'automne et les duvets de neige, la nature nordique offre à Unravel un écrin varié et rafraîchissant.
D'emblée, la production de Coldwood Interactive impressionne par la qualité de sa réalisation. De l'ambiance générale à la beauté des paysages flirtant fréquemment avec le photo-réalisme, Unravel vous happe immédiatement. Vous êtes Yarny, petit diablotin de laine rougeoyante à l'allure pas toujours très assurée, et aux attitudes résolument craquantes. Héros miniature et fragile surplombé par les hauts conifères, pas plus haut qu'un gland, et qui ferait d'un champignon une convenable habitation. Yarny symbolise à lui seul l'âme du jeu. Volontaire, touchant, mais par moment maladroit.
Tout n'est pas si facile, tout ne tient qu'à un fil
Dans la veine d'un Limbo qui viserait plus vers le soleil que les ténèbres, Unravel met en place une palette de rouages de gameplay assez étendue, à défaut d'être fondamentalement novatrice. Grâce à la laine qui étoffe le corps de Yarny, vous allez pouvoir lancer un fil pour vous balancer de branches en branches, créer des ponts/trampolines en nouant deux extrémités rapprochées, tirer/pousser des objets, effectuer un peu de varappe, résoudre quelques énigmes mêlant logique et physique... La subtilité provient ici de la longueur de fil dont vous aurez besoin pour atteindre une zone. En effet, Yarny se débobine à chacun de vos pas, et si vous vous emmêlez trop, ou si laissez traîner trop de laine en route avant d'atteindre une pelote reconstituante (servant accessoirement de point de sauvegarde intermédiaire), il vous faudra rebrousser chemin et revoir votre manière de progresser. Il en résultera quelques casse-tête sympathiques, utilisant avantageusement la physique, mais surtout un rapport à la progression linéaire un peu renouvelé par rapport au titre du même genre.
Cela dit, soyons clair, Unravel n'ambitionne pas d'offrir le challenge le plus retors ou de titiller les réflexes des joueurs à l'adresse la plus affûtée. Comme on pouvait s'en douter, le périple n'est que rarement mouvementé, et si certains passages requièrent évidemment un peu plus de jugeote ou de dextérité, rien ne paraît jamais vraiment accablant. Comptez ainsi en moyenne entre 20 et 40 minutes pour franchir chaque niveau (il en existe une dizaine), un peu plus pour débusquer chaque secret.
Attention, ce fil n'est pas un fil sur le cyclimse
Plaisant aussi de voir que d'un bout à l'autre d'une zone, les lieux évoluent assez fortement coupant la sensation de répétition (même si évidemment, il faut aimer le style "nature suédoise"). Quelques surprises comme l'attaque d'une marmotte, un passage en cerf-volant, une traversée en pirogue improvisée et autres séquences "exotiques" contribueront à rythmer votre progression qui s'effectuera, la plupart du temps, de gauche à droite... avec, par moment, d'énergiques intrusions jouant avec la profondeur des décors. Bien vu.
A noter cependant que la maison, si chaleureuse, qui sert de hub à votre exploration aurait gagné à proposer un découpage moins linéaire. Dommage ainsi qu'il faille absolument suivre la progression imposée par le jeu, d'autant que visuellement (hormis quelques rappels de la progression des saisons) ou narrativement parlant, rien ne semble interdire plus de souplesse apportée à la découverte.
De l'amour à la laine
À son mix de plate-forme et de réflexion, Unravel ajoute un soupçon d'émotion. Chaque niveau à découvrir vous plongera alors au coeur de cadres souvenirs racontant ici une histoire de famille, là une situation plus singulière aux thématiques écologiques. Au delà de l'expérience ludique aux mécaniques plutôt classiques, vous goûterez ainsi à une tartine onctueusement nappée de bons sentiments, visant parfois juste, mais souvent un peu trop convenue. Sans atteindre la portée d'un Journey, l'histoire délivre néanmoins ses messages les plus intéressants au coeur d'un livre de souvenirs, sorte de carnet de route constitué de textes (plutôt évocateurs) et photos se complétant au fil de votre périple.
L'un dans l'autre, on ravive donc avec tendresse les souvenirs de cette famille fictionnée, réalisant que certains font échos aux nôtres. Paisiblement, on cerne plus distinctement la métaphore filée par Yarny, véritable lien entre les individus, entre les créateurs du jeu et le joueur.
Visuellement sublime, Unravel l'est incontestablement. Plus encore qu'on ne pouvait l'imaginer il y a quelques mois. Mais heureusement, il n'est pas que ça. Peut être un peu trop simple, par moments un peu trop attendu dans sa manière de délivrer ses messages sentimentalo-écolo, et un rien redondant, il n'en offre pas moins un très bon moment à qui ne cherchera pas à le rusher, ou à le juger pour autre chose que ce qu'il est, à savoir une charmante parenthèse, une pelote de laine, douce et réconfortante. Un jeu "fil" good qui fait du bien en ce début d'année...