Au début, je n'ai rien compris à The World Ends With You. Je n'ai pas compris pourquoi ils avaient fait un combat si bordélique, pas compris l'intérêt d'une tonne d'objets aux stats similaires, pas compris où le parti pris Jpop voulait en venir... Maintenant, la seule chose que je ne comprends pas, c'est pourquoi de son titre japonais, "Subarashiki Kono Sekai", ils n'ont pas gardé le sens premier : "It's a wonderful world". Car, oui, j'ai fini par trouver son monde merveilleux.
La première heure de jeu sur The World Ends With You donne le sentiment d'être un peu perdu. Des pages entières de manuel intégrées au jeu, à se cogner pour tenter de comprendre les bases de ce titre qui mélange allègrement aventure, action, RPG, exploration, et même puzzle, sur deux écrans qu'il faudra savoir regarder en même temps... Mais Square Enix livre une nouvelle franchise, qui plus est annoncée pour exploiter à fond la DS, alors faisons un petit effort. Il doit bien y avoir du plaisir à en tirer.
Au commencement était la galère
Dans la peau d'un ado asocial, Neku, on se retrouve catapulté dans le quartier au croisement le plus célèbre du monde, Shibuya. Temple de la hype Tokyoïte, et quartier d'affaires, ceux qui y ont déjà mis les pieds y retrouveront la gare, la station de bus, la statue de Hachikō, les boutiques par douzaines, bref... un univers très réel, évidemment revisité graphiquement dans un style qui rappelle Jet Set Radio, saupoudré de restes d'un character design à la Kingdom Hearts - normal, c'est du Nomura. Et cette fois, l'équipe, dirigée par Tatsuya Kando, s'est lâchée. Complexe, riche, original et rafraîchissant, The World Ends With You a mis un peu de temps pour y parvenir, mais aujourd'hui il a réussi l'impossible. Il m'a rendu accro aux pins.
Pas les parlants de TF1
Tout commence avec un premier badge, dans le creux de la main de Neku. Orné d'un motif tribal blanc sur fond noir, évoquant une tête de mort, le curieux pins semble permettre à son détenteur de 15 ans de lire dans les pensées de la foule qui l'entoure. Très vite, il semble que celle-ci l'ignore complètement, comme s'il était invisible... Incapable de se souvenir de ce qu'il fait là ou de comprendre le songe étrange dans lequel il semble s'être échoué, Neku devra vite faire équipe avec Shiki, une gamine de son âge qui est la seule à le voir et le presse pour sceller un "pacte", afin de combattre le "bruit", et de parvenir à gagner "le jeu". 7 jours, et 7 missions vont s'enchaîner pour le couple : un premier chapitre entier qui ne sera pas de trop pour que le joueur comprenne le système des pins, les combats sur deux écrans, et tout le reste.
Une tonne de trucs à découvrir
Je ne vais pas rentrer dans les détails des tas de systèmes, sous-systèmes et subtilités qui font du gameplay de The World Ends With You un monstre génial du game design. La base seulement. Les capacités de Neku lui sont données par les badges qu'il faut collectionner. Ceux-ci sont acquis par quêtes, achats, butins de combat ou en les faisant évoluer vers une nouvelle forme. Pendant les combats en temps réel, ils se jouent sur l'écran du bas, avec le stylet (ou le micro), soit en les cliquant, soit en traçant des formes, en laissant appuyé sur les monstres ou en les coupant... les variations sont très nombreuses. Par certains côtés, ça rappelle un peu Okami, d'ailleurs, excepté qu'ici, pas besoin de passer en mode pinceau ! Sur l'écran du haut, et en même temps, le second personnage doit, lui, suivre des combos pour combattre de son côté, lesquelles sont entrées sur la croix de direction (ou les boutons pour les gauchers). Les deux personnages partagent la même jauge de vie... les mêmes monstres... Mais se battent dans des dimensions différentes, et en même temps. Je vous laisse imaginer le bordel pour tracer d'une main sur l'écran tactile, enchaîner des directions de l'autre main, un oeil sur chaque écran, alors que les monstres ne sont pas au même endroit sur les deux ! Heureusement, le partenaire de Neku peut être joué par l'IA, passé un délai d'inactivité (on peut reprendre la main à tout moment). Il est d'ailleurs recommandé de la laisser faire au début. Mais passé les 4 premières missions, on commence, contre toute attente, à se changer en un poulpe efficace.
L'apologie de la consommation
Les combats offrent donc un système inédit. Leur apprentissage peut certes s'avérer rude, mais il conduit au plaisir. En s'accrochant, on finit par pouvoir l'exploiter pleinement. Ces combats qui paraissaient si bordéliques au début deviennent peu à peu tout à fait clairs... et comme on est notés dessus, et que ces notes conditionnent PP (les XP pour les badges), et drops (les butins lâchés par les monstres), on essaie d'assurer à mort. The World Ends With You est heureusement très facile (au moins pendant le premier tiers) et on progresse vite. A tel point que je me suis même demandé au début si tous les équipements (pour les deux persos), la nourriture (qui permet de monter ses caractéristiques), et tout le reste, n'étaient pas de trop, tellement je n'en avais pas besoin pour progresser... D'une certaine manière, c'est presque le cas. Classés par marque, les équipements et pins sont surtout là pour le plaisir de la collection, un axe certain du design. Chaque marque a son style, ses caractéristiques, et selon les modes des quartiers de Shibuya où on l'utilise, fonctionne plus ou moins bien. Mais plus on utilise une marque dans un quartier, et plus on influence la mode locale... Rien n'est donc figé. Alors, au début, on choisit de garder la réglette du niveau sur 1, puisque le jeu offre la possibilité de modifier le level du personnage à loisir, afin de faire monter en contrepartie le butin potentiel des combats. Les monstres lâchent ainsi plus d'objets, et on gagne plus d'expérience pour nos badges - car, oui, ils montent de niveau, eux aussi. Une idée géniale, renforcée par un choix séparé du niveau de difficulté, et qui permet de se tailler un jeu sur mesure.
Je n'en ai pas dit la moitié
The World Ends With You est bourré d'autres bonnes idées, que je m'en vais citer en vrac, tiens. La possibilité de cumuler les combats en cliquant sur plusieurs monstres à la suite (ceux-ci apparaissent après un "scan", on combat quand on veut, avec le challenge qu'on veut). Le système de Fusion (des furies) entre le couple de persos. La structure en quartiers, avec les énigmes posées par les Reapers (les gardiens du jeu) qui barrent les routes. Le jumelage de certains systèmes avec le temps réel (en fait, l'heure de la console). La possibilité de s'échanger des objets en wi-fi par l'intermédiaire d'une boutique personnelle de chaque joueur de TWEWY. L'évolution des badges en fonction du type de PP qu'ils gagnent... car oui, ils y en a trois sortes. Ceux qu'on gagne en combat, ceux qu'on gagne quand le temps réel passe entre deux sessions de jeu, et ceux qu'on gagne en plaçant la console en mode "écoute", et qu'elle croise d'autres DS ou d'autres signaux... L'ensemble est bourré de subtilités, et comme le design (surtout les décors magnifiques) et les musiques Jpop, ainsi que l'histoire et les mystères qui l'entourent, ne gâchent rien, bien au contraire, The Worlds Ends With You finit par vite passer du stade d'OVNI ludique dont on se méfie à celui d'une perle pour tous les amateurs de fraîcheur.
Square Enix devrait créer plus souvent
Au final, passé ses trois chapitres de 7 missions, j'avoue ne plus avoir grand chose à lui reprocher, tant il est fun, riche, et frais... si ce n'est un seul, énorme, point noir : il n'est pas localisé. Impossible donc pour les anglophobes de profiter pleinement du jeu, et c'est bien dommage, car c'est peut-être le premier Action-RPG-Aventure à "géométrie variable" de l'histoire. Squeenix nous pond un titre original, frais, inattendu, qui réconcilie presque avec le monde superficiel moderne et urbain tout en conservant la magie de la fantasy. C'est enfin et surtout une expérience RPG où on se sent libre, pour une fois, et non prisonnier de systèmes éculés - cette "géométrie variable". Une véritable prouesse de Game Design jap'.