Si la chasse aux monstres est un phénomène de masse au Japon, elle compte nettement moins d'adeptes en occident. Mais avant d'y voir des exceptions culturelles, il faut dire que cette petite communauté a eu moins d'opportunités de s'agrandir sous nos contrées, en témoigne la cruelle absence de véritable mode en ligne sur la mouture 3DS de Monster Hunter Tri. Et c'est justement l'une des principales lacunes que ce quatrième opus exclusif à la portable de Nintendo vient combler, histoire d'attirer davantage de chasseurs, tout en offrant une bonne ration de chair fraîche aux plus aguerris. En prime on a droit à la version ultime, ostensiblement estampillée d'un G sur l'archipel nippon. De quoi convertir tout le monde aux joies et à la convivialité des battues ?
Jeu testé en premier lieu sur une New Nintendo 3DS. Après vérification sur une 3DS classique, le frame-rate est certes sensiblement plus stable sur New 3DS, mais sans que cela soit frappant.
La série Monster Hunter ne s'est jamais particulièrement distinguée en matière de scénario, son appellation soulignant sa démarche très pragmatique : il s'agit de chasser du monstre. Une philosophie un peu old-school, paradoxalement rafraîchissante à notre époque, où tant de productions se perdent dans des histoires sans queue ni tête, au point d'oublier que l'essence d'un jeu demeure le gameplay. Car dans Monster Hunter, l'intrigue ne sert que de prétexte pour en couper, des queues et des têtes ; le temps passé à lire des dialogues ne représente rien à côté de celui nécessaire pour apprendre l'art exigeant de la chasse.
Pourtant, dans le sillage d'un Monster Hunter Tri déjà plus bavard, le périple de Monster Hunter 4 Ultimate s'inscrit dans un récit, qui donne un semblant de sens aux voyages en caravane d'une bande de joyeux drilles. Et si les principaux protagonistes manquent de caractère, ils font preuve d'un certain humour, notamment pour rappeler les (très) nombreux principes du jeu, inculqués de façon moins laborieuse qu'à l'accoutumée (a fortiori grâce à la police d'écriture plus lisible).
Règles de survie
Les premières missions offrent un tour d'horizon relativement rapide des tâches fondamentales, à commencer par la collecte de ressources, le transport d'ingrédients et l'extraction de myriades de matériaux destinés non seulement à sa subsistance, mais aussi à l'artisanat. Pour mémoire, le développement de l'équipement reste le principal moyen d'évolution, puisque le personnage ne gagne pas de points d'expérience. L'expérience se traduit ici par le savoir acquis durant les escapades, qui réservent souvent un sort funeste aux aventuriers trop intrépides.
En effet, ces enseignements sont toujours dispensés de manière brutale, malgré l'élévation plus progressive de la difficulté. La préparation aux missions s'avère donc cruciale pour leur réussite, ce qui suppose d'adapter son arsenal suivant l'objectif et les monstres que l'on risque de croiser. En plus du choix primordial de l'arme et des talents spécifiques octroyés par la panoplie d'armure portée, les fragilités et les résistances élémentaires ont une incidence considérable. Évidemment, l'arrivée de nouvelles créatures massives accompagnées de sous-espèces et de quelques revenants complique encore les choses, le bestiaire s'élevant à 98 têtes.
Instincts primaires
Surtout que la plupart de ces bestioles disposent d'une IA modifiée, et sensiblement plus élaborée. L'intérêt de Monster Hunter réside en grande partie dans l'observation du comportement de ces différentes bestioles, l'assimilation de leurs attaques et de leurs faiblesses. Certaines se montrent peu agressives, voire craintives, tandis que d'autres n'ont de cesse de dévorer, ou même de piétiner, leurs proies. En outre, leur attitude change selon la situation, un monstre blessé, qui plus est enragé, devenant moins prévisible quand il ne cherche pas à fuir pour se reposer dans un coin ou reprendre des forces en boulottant ses congénères.
Mieux vaut donc les marquer pour ne pas perdre leur trace, et éventuellement les capturer, afin d'obtenir de meilleures récompenses. Il n'est toutefois pas aisé de les attraper, ou de résister à l'envie de les achever après un combat à couteaux tirés. L'expression d'un instinct primaire encore exacerbé dans cet épisode par les éventuelles hémorragies ou le virus de la furie. Cette infection décuple la hargne des monstres, qui deviennent alors insensibles aux dégâts élémentaires et autres changements d'état. Et pas la peine d'essayer de leur tendre des pièges dans ces conditions, leur frénésie empêchant toute manoeuvre anticipée.
Polylames
Les fins limiers sauront cependant utiliser cette fièvre passagère à leur avantage, y compris quand ils se retrouvent eux-mêmes contaminés. Décidément, la capacité d'adaptation est vitale, ce qui s'applique également aux armes, toutes dotées d'un maniement bien particulier. Deux ustensiles flambant neufs s'ajoutent à la douzaine de Tri, avec la polyvalence pour maître mot. La volto-hache s'apparente à une déclinaison inversée plus défensive de la morpho-hache, car elle permet de parer en mode épée, dont les estocades rapides mais de moindre puissance aident à remplir la jauge pour délivrer de dévastatrices attaques élémentaires avec la hache.
L'insectoglaive se révèle plus original, puisque ce bâton orné d'une lame autorise à la fois le combat au corps à corps et les offensives à distance, via son canon à insecte. Celui-ci ponctionne sur les adversaires des extraits synonymes de divers bonus, tels que la restauration de santé, l'augmentation de la force ou de la hauteur des bonds. Compte tenu de son efficacité, l'insectoglaive passerait presque pour une arme dégénérée, au point de menacer le déjà très fragile équilibre avec les autres, en dépit des petites retouches dont elles ont bénéficié. Une chose est sûre, l'insectoglaive s'impose comme l'arme de prédilection de cet opus.
Chasseur aérien
En atteste l'approche très aérienne introduite par la technique du saut (à la perche), très pratique pour retomber sur le dos des monstres et les taillader copieusement, histoire de se venger de leurs terribles attaques agrippantes. En effet, Monster Hunter 4 Ultimate se déploie sur l'axe vertical, qui se manifeste par des environnements plus escarpés, davantage propices à l'escalade. La grimpette s'effectue plus librement, et dans toutes les directions, d'autant qu'il est possible de combattre même lorsque l'on est accroché à la paroi.
Ce surcroît d'agilité se constate également dans la gestion très fluide des courses, des bonds et des chutes (sans dommage à l'atterrissage) suivant les variations de la topographie. Bien entendu, il s'agit d'exploiter ces nouvelles perspectives pour élaborer des tactiques différentes, ce dont les monstres ne se privent pas, a fortiori parmi les membres supplémentaires du bestiaire. Ainsi certains s'appuient largement sur l'architecture des lieux, en se suspendant au plafond par exemple, tandis que d'autres vont carrément jusqu'à la modifier (tremblements de terre à prévoir). De quoi offrir des joutes plus dantesques que jamais, comme en augure la spectaculaire bataille navale du prologue.
Verrouillage
Toutefois, ces avancées suscitent quelques accrocs, ne serait-ce que les réactions un peu bizarres des bestioles aux abords d'un mur ou d'un précipice. Plus fâcheux, ces sols vallonnés occasionnent parfois des collisions douteuses, même si elles concernent les deux camps. Eu égard à la nature impitoyable du gameplay, de telles imprécisions sont regrettables, sinon préjudiciables. Car Monster Hunter 4 Ultimate repose encore sur les mêmes mécaniques, certes parfaitement huilées, mais aussi rigides que l'acier trempé, avec la caméra en guise d'outil principal. Or le système de visée manuel consistant à repositionner en permanence l'angle vers l'ennemi ciblé ne s'accommode pas toujours bien de cette dimension supplémentaire, nonobstant la multitude de réglages proposés.
Voilà qui explique, pour ne pas dire justifie, la frilosité de Capcom à moderniser cette formule. Surtout quand on a à l'esprit la débâcle de son pas si lointain cousin Lost Planet, ou les combats aquatiques de Tri heureusement retirés de cette itération. Quitte à se remémorer un douloureux souvenir, rappelons que l'on y dépensait quasiment autant d'énergie à lutter avec la caméra que pour occire les monstres, et ce même avec le précieux renfort du Circle Pad Pro.
Nouveaux horizons
Le stick C de la New 3DS n'apporte rien de plus, si ce n'est sa présence constante et un moindre encombrement. En revanche, la 3D auto stéréoscopique extra stable encourage à jouer avec ce mode d'affichage, sans craindre les pertes de lisibilité ou d'hypothétiques ralentissements, y compris dans le feu de l'action. Les promenades constituent néanmoins le contexte idéal pour apprécier ce(s) relief(s), qui plus est au regard du net surcroît de détails dont profitent la faune et les décors. Entre les textures plus riches et la végétation plus dense, Monster Hunter 4 Ultimate amène à s'immerger plus profondément dans cet univers.
Idem pour l'ambiance sonore, faite d'une alternance de symphonies tantôt épiques, tantôt lyriques, qui laisse souvent la place au silence et aux chants des oiseaux. Enfin ce monde se révèle plus grand que par le passé, qu'il s'agisse du nombre de terrains de chasse ou des différents villages, tous dotés de leurs spécificités culturelles (et commerciales). Cette invitation au vagabondage et la découverte de ces peuplades engendre un sentiment de dépaysement, qui n'aurait sans doute pas été aussi saisissant au vu du cadre plutôt familier des destinations, à quelques hauts sommets près.
Un monde plein de vie
Et si ces lieux prennent toujours la forme de zones plus ou moins spacieuses reliées entre elles, cet épisode comporte des expéditions en solo, générées aléatoirement au sein du tentaculaire bois perdu. L'endroit idéal pour les parties multijoueurs, une fois ces séances de chasse en toute liberté répertoriées parmi les quêtes spéciales de la guilde. Malgré l'aide que procurent les Felynes et leurs pouvoirs évolutifs, tout particulièrement en matière de diversion, rien ne vaut la compagnie de camarades en chair et en os pour se débarrasser des monstres les plus vicieux qui s'y terrent.
Le réseau local demeure bien entendu plus convivial et simplifie la communication, des points non négligeables qui ne s'arrêtent pas au plaisir de ripailler ensemble pour se préparer au combat. Cependant grâce à l'ajout du monde en ligne, la sélection de chasseurs de haut niveau en provenance de toute l'Europe rend l'accomplissement des missions de rang G (un peu) moins ardu, surtout qu'aucun lag n'est à déplorer (au moment de ce test du moins). Comme d'habitude, les quêtes scénarisées sont séparées de celles potentiellement vouées au multi, rassemblées au sein de la guilde et de l'arène.
Perdons nous dans les bois...
Mais le caractère aventureux de Monster Hunter 4 Ultimate s'exprime pleinement dans cet amalgame de forêt et de ruines, dont la structure est naturellement sujette aux acrobaties. Un territoire résolument instable où l'on ne sait jamais quelles créatures on va rencontrer, ni les trésors qu'il renferme. On y trouve notamment de mystérieuses reliques rouillées, qu'il faut faire restaurer afin de récupérer des armes ou des pièces d'équipement aux caractéristiques parfois exceptionnelles, voire uniques.
Revers de la médaille, la récompense n'en est que plus hasardeuse et l'expérience plus chronophage. Sans parler de l'échange et du téléchargement de quêtes additionnelles, ni de la montagne de DLC plus ou moins cosmétiques qui ne manqueront pas d'être publiés par la suite, dans l'optique de ne laisser aucun répit aux chasseurs assidus ! Les plus aguerris le savent, cette existence de traque perpétuelle requiert un investissement colossal qui se mesure non pas en dizaines, mais en centaines d'heures. Pas certain que tout le monde puisse s'y consacrer de manière aussi inconditionnelle, même si le jeu en vaut indéniablement la chandelle.