Le voilà enfin, l'épisode d'Assassin's Creed qu'on attendait tant. Celui qui prend pour cadre notre belle Ville Lumière, baignée dans les flots de sang versés pour la Révolution, celui qui marque la véritable arrivée de la saga sur les puissantes consoles nouvelle génération, mais aussi, pour ne rien gâcher, celui qui se décide enfin à revenir aux sources en modifiant quelque peu sa formule... pour la révolutionner ?
Si j'attendais beaucoup de cet Assassin's Creed Unity, c'est comme beaucoup de Français pour son cadre historique et géographique. L'idée de se retrouver immergé dans le Paris du XVIIIème siècle, à un tournant de notre Histoire, en pleine Révolution, ça représente forcément quelque chose pour nous. Quand en plus cet environnement arrive dans le premier épisode dédié à une nouvelle génération de consoles, forcément, ça ne fait que plus envie... Mais Français ou non, quand on est fan de la série d'Ubisoft, c'est aussi et surtout la promesse d'un retour aux sources qui fait saliver. Avec le recul, Assassin's Creed s'est un peu perdu depuis la fin de la trilogie d'Ezio. Certains de ses éléments les plus intéressants ont même été abandonnés après le tout premier épisode, et l'idée de les retrouver ici est probablement ce qui compte le plus...
Mais je vous arrête tout de suite pour ne pas déclencher de fausse joie : non, la "méta-histoire" qui manque tant aux fans depuis la mort de Desmond et suite au rapprochement de la timeline du jeu avec la réalité, n'est pas de retour. Enfin pas pleinement. Concrètement, le joueur découvre Assassin's Creed Unity dans son propre rôle : celui d'un gamer qui lance la nouvelle console d'Abstergo et se fait rapidement "hacker" par le groupe des Assassins modernes. Durant l'ensemble du jeu, vous ne serez en contact avec eux qu'à quelques reprises, tout étant plus centré que jamais sur l'histoire située dans le passée, à savoir celle d'Arno Dorian.
Un aiglon pendant la Révolution
Et puisqu'on parlait de retour aux sources, les similitudes entre Arno et notre bon vieux Ezio sont tout de suite assez frappantes. Il est jeune, irrévérencieux, drôle, fougueux... et bien sûr animé d'un fort désir de vengeance, dont il aura du mal à se défaire même après avoir intégré l'ordre des Assassins. En revanche, ce n'est pas un coureur de jupons. Arno est en fait follement amoureux d'Elise de la Serre, qu'il côtoie depuis sa plus tendre enfance, et c'est autour de ces deux personnages, de ce qui les unis et les opposent, que le scénario tournera de bout en bout, avec bien sûr pour toile de fond la lutte entre Assassins et Templiers en pleine Révolution Française.
Le fait que la méta-histoire soit de plus en plus mise en retrait sera certainement pour certains, dont je suis, une petite déception. Et malheureusement, l'histoire d'Arno et d'Elise ne nous le fera pas oublier... Non pas qu'elle soit insipide ou catastrophique, mais juste sans grand relief. Elle ne sera pas votre moteur durant les 20 heures de jeu (environ) de la campagne principale. Elle a tout de même un avantage par rapport à celle - pas plus mémorable, loin s'en faut - de Black Flag : elle sait rester simple et ne pas perdre le joueur en route avec des événements inintéressants ou inutilement compliqués. Mais tout ça, depuis la tendre jeunesse d'Arno jusqu'à la fin légèrement expédiée du jeu, vous le découvrirez vous-mêmes, sans que je ne vous spoile plus que ça.
Révolution silencieuse
Alors parlons de gameplay, car sur ce point en revanche les réjouissances pointent rapidement le bout de leur lame... On découvre en effet dès les premières missions, et avec plaisir, un remaniement qui est à mon sens le plus marquant de cet épisode : l'infiltration. Tout a été fait pour qu'on aborde chaque objectif d'une manière discrète et silencieuse, et ça fonctionne.
Concrètement, Arno peut désormais passer en mode furtif et marcher à pas de loup quand il le souhaite, sur simple pression d'une touche, et il peut également se plaquer aux murs (quel dommage qu'on doive "décrocher" pour passer les angles cependant). Mais surtout, les règles de l'IA ont été modifiées.
En gros, vous n'êtes plus pris en chasse par des gardes qui, comme par magie, sont au courant du délit que vous avez commis 500 mètres plus loin. Ouf ! Et à cela s'ajoute une autre amélioration très appréciable : les "traces fantôme" d'Arno, à savoir la dernière position vue par les ennemis, un élément inauguré dans les titres Ubisoft par Splinter Cell : Conviction. Idéal pour "jouer à cache-cache".
Danger permanent
Les combats ont également été complètement repensés. Ça ne saute pas au yeux de prime abord, mais ils ont été rendus bien plus réalistes. Car si le système a été simplifié (une touche de contre et une autre d'esquive, qui sert aussi à charger, et c'est tout), vous n'êtes désormais plus le "Superman" des épisodes précédents, capable d'enchaîner les parades et les contres les doigts dans le nez contre 10 ennemis en même temps, avec des enchaînements tous plus classes les uns que les autres.
Les choses se sont en effet très clairement compliquées, car non seulement le timing est plus serré, mais les ennemis attaquent de manière plus fourbe lorsqu'ils sont en groupe, et parfois le bon coup de hache d'un mec balèze (on voit le "niveau" des ennemis grâce à des losanges au dessus de leur tête) vous mettra directement au tapis. Ce n'est pas Bushido Blade, mais presque ! Autant dire que par rapport à avant, vous y réfléchirez à deux fois avant d'attaquer de front. C'est un vrai choix des développeurs pour favoriser les approches furtives encore une fois, mais c'est aussi une bonne raison pour faire progresser votre personnage.
Arno peut en effet améliorer son équipement et ses compétences tout au long de l'aventure. C'est d'ailleurs agréable de découvrir une véritable montée en puissance au fil de l'aventure et des points gagnés qui, à la manière d'un RPG, vous permettent d'améliorer votre équipement et vos compétences. Il y a en effet une multitude de choix dans les vestes, ceintures, capuches, etc., qui ne sont pas là que pour faire joli, puisqu'ils apportent à chaque fois des modificateurs de statistiques (attaque défense, furtivité...) qui se ressentent sur le terrain. Une donnée à ne pas négliger. Il en va de même pour les compétences (double assassinat, déguisement, etc.) qu'il faudra débloquer petit à petit en utilisant des points de prouesses.
Prudence est mère de sûreté
Dans ce contexte, qui privilégie l'approche en douceur et les meurtres éclair, la vision d'aigle, le fameux sixième sens des Assassins, sera plus que jamais utilisée par les joueurs. Elle affiche désormais tous les détails et positions des ennemis, qu'ils soient à votre étage ou au dessus/en dessous de vous... mais pendant un temps limité.
Il faudra donc toujours attendre que la compétence se recharge avant de la réutiliser, et elle est tellement pratique que vous n'hésiterez pas à jouer de manière posée, à rester en place et à observer plus que jamais les rondes, etc. Bref : à tout faire pour éviter un combat frontal qui mettrait en péril votre mission. D'autant que certaines sont particulièrement longues et complexes (on y revient plus bas) et que chaque échec vous replace au début et vous oblige à survivre... à un temps de chargement de plus ! Oui, car c'est à vrai dire l'un des défauts les plus agaçants de Unity : les loadings sont interminables !
Profils actifs
Pour vous aider à ne pas connaître trop d'échecs frustrants, la navigation a d'ailleurs été améliorée elle aussi, avec trois modes de course différents qui évitent les fameux impairs bien connus de la saga, qui vous faisaient par exemple grimper sans le vouloir à certains éléments (même si cela se produit encore parfois).
Bref, on passe désormais d'un profil actif normal (gâchette droite seule) à un profil actif haut (gâchette + croix/A) ou bas (gâchette + rond/B). Ainsi, entre deux toits d'immeuble par exemple, ces deux derniers permettront soit de sauter sur le toit d'en face, soit de descendre de l'actuel, tandis que le profil actif normal pourra permettre de sauter directement à travers la fenêtre qui est en face. Au sol, le profil actif bas vous permettra de ne pas grimper sans le vouloir sur un mur lorsque vous passez trop près, ou même à vous faire passer rapidement au dessus ou au dessous de certains éléments sans perdre de vitesse ni hacher la fluidité de votre course.
Alors certes, des problèmes persistent et font que contrôler le personnage reste encore parfois déconcertant, mais disons que les choses s'améliorent nettement.
A l'ancienne
Réclamée par nombre de fans de la saga, la possibilité de planifier ses assassinats avait totalement disparue après le premier épisode, et elle revient donc ici, d'une nouvelle manière, dans certaines missions spécifiques. Pour les cibles les plus importantes (les "boss" en quelque sorte), on vous proposera en effet plusieurs approches possibles. L'environnement est à chaque fois plus grand, mieux gardé, et une petite mise en scène en début de mission vous donne des indices sur différents éléments à exploiter pour vous faciliter la tâche. Rien ne vous empêche de trouver votre propre porte d'entrée, d'y aller franco de manière plus directe, mais il est toujours plus gratifiant et plus fun de tenter une approche détournée, qui aboutira sur une façon bien spécifique d'effectuer votre assassinat. Attention toutefois : on est loin de Deus Ex, la liberté qu'on vous offre est assez illusoire et les choix se résument en général à trois options, mais ces "grosses missions" restent tout de même vraiment intéressantes et agréables à jouer.
A côté de ça, des missions scénaristiques plus classiques s'enchaînent sans grande surprise par rapport à ce qu'on connaît déjà (escorte, espionnage, vol...), dévoilant les limites du "renouveau", de la "révolution" qu'on attendait (globalement, la formule Assassin ne se voit pas chamboulée), mais il faut noter tout de même quelques surprises dans les missions annexes, comme les failles temporelles (qui vous transportent dans des époques plus proches de la nôtre, à Paris), les enquêtes proposant de résoudre des meurtres, les "Récits Parisiens" impliquant des personnages comme Madame Tussaud ou le fils du Roi décapité, les missions du café-théâtre (qui permettent de s'occuper de son domaine, façon Monteriggioni), ou encore les Mystères de Nostradamus.
Ces missions annexes ne se valent pas toutes, clairement, mais elles sont en tout cas extrêmement nombreuses et offrent des heures et des heures de gameplay supplémentaires.
Quatre Arno valent mieux qu'un
Mais la nouveauté qui engloutira certainement le plus d'heures de jeu à côté de la campagne principale, et accessoirement l'ajout le plus rafraîchissant de ce nouvel épisode, reste le mode multijoueur. Pas de multi compétitif cette fois, on en mange depuis Brotherhood et il est enfin temps de passer à autre chose : la coop'.
Il n'y a d'ailleurs plus de frontière entre solo et multi, pas de mode séparé à proprement parler. Les missions coop sont des missions scénarisées comme les autres, elles apparaissent sur la map aux côtés des autres et il suffit de les sélectionner pour se lancer de deux à quatre joueurs sur une même map. Plus difficiles que les missions solo et de deux types (vol ou assassinat), elles obligent à des actions coordonnées si l'on veut les réussir avec les honneurs.
A ce titre, il vaut vraiment mieux jouer avec des amis et en activant le chat vocal, ça change tout... car contre des inconnus et sans se parler, ça tourne vite au bourrinage sans intérêt et c'est dommage. Cette nouveauté apporte en tout cas de nouvelles sensations et c'est clairement l'un des points forts d'Assassin's Creed Unity.
Double visage
Côté technique et réalisation, vous ne tarderez pas à reconnaître ce que l'on serait tenter d'appeler "la patte Ubi"... Concrètement, le jeu est tout simplement magnifique à regarder. Dans ses habits next-gen, il affiche un Paris franchement splendide, aux monuments gigantesques, aux rues bondées de révolutionnaires en colère (le moteur affiche des centaines et des centaines de personnes à l'écran). Ca grouille de partout, les devantures, les pavés et les intérieurs (plus nombreux que jamais et accessibles sans temps de chargement la plupart du temps) nous font plonger avec bonheur dans cette ambiance... et puis pouf, un bug "rigolo" vous réveille d'un coup. Idem, le frame-rate placé sous les 30 images/secondes connaît effectivement quelques hoquets, plus sur PS4 que sur Xbox One d'ailleurs, mais rien de totalement handicapant, même si on aurait forcément souhaité mieux.
Personnellement, j'y ai passé plus d'une trentaine d'heures sur Xbox One sans rencontrer plus d'une dizaine de bugs, dont deux bloquants "seulement", mais il suffit d'aller voir la liste des correctifs à venir et les images/vidéos qui pullulent sur le net pour se rendre compte qu'une fois de plus la question se pose : Ubi finira-t-il un jour ses jeux Assassin's Creed pour le Day-One ? Comment ceux qui se procurent et jouent au jeu dès son lancement doivent-ils prendre le fait que sa version complète et "finie" n'arrive que des semaines plus tard via à des patchs successifs ?
Les critiques fusent depuis quelques jours, et l'éditeur français va "prendre l'aggro" pour tout le monde, ce qui n'est pas foncièrement juste, de nombreux éditeurs semblant tomber dans ces travers depuis que nos chères consoles sont reliées au net et découvrent ce que les PC connaissent depuis des années... mais bon. En attendant, j'ai tout de même eu affaire à beaucoup moins de couacs qu'avec Assassin's Creed III... C'est une maigre consolation, certes.
Plus évolution que révolution, comme d'habitude victime de bugs et instabilités techniques, Assassin's Creed Unity n'en demeure pas moins un très bon jeu, qui nous plonge dans l'un des plus beaux mondes ouverts jamais vus. En dehors de ce festin pour les mirettes, ses deux plus grands atouts restent sa nouvelle approche tout en furtivité et l'arrivée de ses missions coopératives jouables jusqu'à 4. Elles annoncent espérons-le un nouveau souffle dans une saga qui a certes encore besoin de dépoussiérer ses fondamentaux.