Trop jouer du fusil à lunette dans un FPS est souvent mal pris. Pourtant, c'est un indescriptible plaisir et cela fait partie intégrante du jeu. D'ailleurs, c'est ce que vous propose de ressentir ce troisième opus de la série de TPS Sniper Elite. Le meilleur volet de la saga ? Sans aucun doute, même si de méchants nuages viennent obstruer la ligne de mire...
Karl est un américain spécialiste du fusil à lunette, un sniper d'élite. Il officie en Afrique pendant la Seconde Guerre Mondiale et pourrait bien renverser le cours de l'histoire avec ses balles à la fois discrètes et meurtrières. Voilà le pitch de ce Sniper Elite III, et si la campagne solo a le mérite de raconter une histoire, elle ne restera ni gravée dans les mémoires pour sa narration, ni pour son intensité. Pour autant, le TPS de Rebellion à d'autres balles dans son chargeur...
La guerre, c'est moche ?
Vous l'avez sans doute déjà remarqué sur les vidéos du jeu, Sniper Elite III n'affiche pas les plus belles textures du monde et ne profite pas non plus des plus beaux effets que nous ayons pu voir dans un jeu. Ceci étant, il est parfois loin d'être laid. En effet, au travers de jolis effets de lumières ou encore de jeux d'ombres subtils, il affiche un rendu correct sur PS4... sans jamais aller titiller les inFAMOUS : Second Son et autres Killzone ShadowFall. Mais le plus ennuyeux demeure son manque de constance. La réalisation est peu homogène, elle peut impressionner par endroits et apparaître quelconque ensuite. Sniper Elite III affiche ainsi son statut de "petit jeu", sans pour autant avoir totalement à rougir face à la concurrence. Mention spéciale néanmoins pour les ralentis, lorsque les balles pénètrent la chair des ennemis, détaillant alors les organes des corps pour des moments intenses qui feront rugir de plaisir les amateurs de sniping.
Afrika, me voilà !
La grande force de cet opus, comparé à son prédécesseur Sniper Elite V2, n'est autre que ses cartes, toutes particulièrement grandes et bardées de grottes, de bâtiments ouverts et autres villages, bases, plaines, etc. Bref, la recette instaurée précédemment est ici transcendée par la taille des environnements et un level design plutôt bon qui permet, le plus souvent, d'aborder les missions (principales ou annexes) un peu comme on le veut. Nous avons ainsi une impression de liberté particulièrement gratifiante. S'ajoutent à cela des objectifs variés (infiltrer un camp, détruire un char, trouver une cible, libérer des otages, escorte, etc.) qui assurent une campagne solo plaisante, de huit à dix heures, que l'on peut même parcourir en coopération avec un ami. Soulignons enfin que l'on peut augmenter la difficulté et désactiver toutes les aides afin de s'offrir des challenges extrêmement ardus.
La ligne d'horizon
Comme ses prédécesseurs, Sniper Elite III privilégie une approche discrète. Mais à vous de voir si vous préférez jouer du fusil à lunette au loin ou vous salir les mains en infiltrant, un peu à la manière d'un MGS (nous sommes loin de la finesse des jeux de Kojima néanmoins), les zones de combat. Certains diront que le jeu à le cul entre deux chaises (la partie snipe étant plus réussie que celle en infiltration), mais je préfère penser qu'avoir le choix est un luxe à adapter en fonction des situations. Blindé d'outils en tous genres (fusils à lunette à customiser, pistolets silencieux, dynamite, pièges variés, mines, mitrailleuses, bandages et balles perforantes), notre héros voit évoluer son arsenal tout au long de l'aventure. Et si l'on prend réellement son pied à explorer les zones aux jumelles pour marquer ses cibles (désormais hommes et véhicules), à planifier ses attaques en profitant des sons des machines pour couvrir les bruits de ses tirs, il faut avouer que certains éléments du jeu risquent dé déplaire...
Le premier concerne les ennemis qui gardent les zones. Pour résumer, lorsque vous tirez sans couvrir le bruit de votre tir, les soldats vont d'abord tenter de cerner la zone dans laquelle ils supposent que vous êtes. À vous alors de partir au plus vite pour éviter le danger, et en quelques pas vous serez tiré d'affaire puisqu'il faut bien le dire, le gros point noir de Sniper Elite III n'est autre que l'I.A des opposants. Même devant un tas de cadavres, si vos adversaires ne vous ont pas clairement vus, ils repartiront rapidement à leur poste de garde sans crier gare. Un côté trop permissif que certains déploreront mais qui facilite grandement la progression.
Finition décevante
Autre point noir du jeu, et ceci malgré ses qualités en termes de plaisir : son manque de finition flagrant. On ne va vous lister tout ce qui ne va pas, mais sachez que les points de respawn sont souvent mal placés, que certains ennemis ne vous voient pas à dix mètres alors que d'autres arrivent à vous apercevoir à cinquante (et à travers d'un mur, allez comprendre...), qu'on ne peut pas fouiller un cadavre après l'avoir déplacé, que certains scriptes mettent un temps fou à se lancer, qu'on bute fréquemment contre des murs invisibles, qu'on ne peut pas nager, que des soldats marchent parfois contre des structures sans les contourner, que certains sons disparaissent sans prévenir, que les collisions ne sont pas très bien gérées, que les déplacements manquent de précision, ou encore que certaines textures sautent (même si c'est rare). Une accumulation de petits détails qui finalement cassent trop souvent l'immersion, même dans les niveaux de difficultés élevés avec des I.A soit disant plus élaborées. Je n'irai pas jusqu'à dire que cela rend le jeu inintéressant, mais plutôt que ça risque de mettre votre tolérance à rude épreuve...
Et puis soyons clairs : Sniper Elite III n'arrive jamais à casser la barrière entre jeu et réalité alternative. Je m'explique : vous aurez constamment l'impression d'être devant de gigantesques niveaux s'apparentant à de gros puzzles à résoudre, et pas en Afrique en train de changer l'issue de la guerre. Il y aura toujours quelque chose pour vous faire douter. Ce char qui parcourt inlassablement le sentier entourant un village, nous invitant presque à placer une mine sur son chemin, ou encore ces deux gardes qui se font face, comme pour nous dire : "une seule balle suffit pour nous abattre tous les deux, t'as vu ?" en sont deux parfaits exemples. Vous l'aurez compris, l'ensemble du jeu et des situations manquent de crédibilité et ressemblent plus à un camp d'entrainement pour apprentis sniper qu'à autre chose... Ca n'empêche pas forcément de prendre son pied, mais je dois avouer que côté immersion, Sniper Elite III manque le coche.
La dernière cartouche qui rattrape le tout ?
Heureusement, les développeurs de Rebellion nous proposent une excellente offre de jeu online. Outre la campagne à partager à deux joueurs en ligne, ou les vagues d'ennemis à dézinguer avec un ami ainsi que le mode de jeu asymétrique (un joueur marque les cibles alors que l'autre les abat), Sniper Elite III est une véritable alternative aux jeux de tir classiques en multijoueur. Au travers de cinq cartes bien conçues, il propose plusieurs modes de jeu efficaces. Du match à mort en équipe ou chacun pour soi, en passant par le mode "Roi de la Distance" (qui récompense le joueur ou l'équipe dont les balles parcourent le plus de mètres cumulées avant d'atteindre leur cible), il y a de quoi s'amuser. Mais le must demeure le mode "Séparés", qui permet à deux équipes de six snipers de s'affronter sans jamais se retrouver au corps à corps. De vrais duels dignes du film Stalingrad qui laisseront de sacrés souvenirs aux amateurs de tirs à distance, tant ils sont intenses.
Sniper Elite est une des rares séries qui démontre que l'on peut proposer une alternative intéressante aux classiques jeux de tir, et en cela elle est excellente. Malheureusement, et malgré le plaisir que j'ai ressenti durant mes parties de Sniper Elite III, j'ai trop souvent pesté contre un manque de finition flagrant et une I.A peu crédible. Des défauts difficiles à pardonner qui sont compensés par des environnements plus vastes, mieux conçus, et des tirs à distance absolument jouissifs, même si l'on a du mal à avoir le moindre sentiment d'immersion, la faute à des mises en situations difficiles à gober.