Ne vous y trompez pas : sous ses airs de FPS, Gone Home est avant tout une expérience narrative. Oui monsieur. Donc si vous cherchez un bon défouloir ou un petit survival-horror à installer aux côté d'Amnesia ou d'Outlast, passez votre chemin. Merci d'être venu et à bientôt sur Gameblog.fr. Bien, maintenant que nous sommes entre personnes de goût, installons-nous confortablement, ouvrons-nous un Scotch Irlandais bien tourbé et regardons de plus près ce que Gone Home a d'intéressant à dévoiler.
L'orage gronde. En ce mois de juin 1995, la pluie s'abat sans relâche sur cette partie de l'Oregon et la nuit promet d'être longue. Dans Gone Home, on incarne une jeune femme qui rentre chez elle en pleine nuit pour rejoindre sa famille, après avoir passé pas mal de temps à l'étranger. Mais dès notre arrivée, quelque chose ne tourne pas rond : tout est fermé et personne n'est là. Il va donc falloir fouiller la demeure aussi soigneusement qu'un huissier contrarié, pièce par pièce, pour comprendre où sont passés les membres de la famille. Il faudra passer la maison au crible, lire tout un tas de notes, écouter des enregistrements et n'avoir absolument aucun scrupule vis-à-vis de leur intimité pour espérer percer ce mystère.
On joue à domicile
Gone Home fait partie de ces titres qui s'apprécient avant tout grâce à leur ambiance et à leur capacité à nous immerger au coeur d'un univers atypique. Pas d'obscurs mécanismes Inca à enclencher, pas d'objets à combiner pendant des heures pour trouver la recette du Grog, pas de dialogues à choix multiples... non, rien de tout ça. Juste un inventaire limité à sa plus simple expression et la possibilité de se déplacer comme dans un FPS traditionnel. J'en profite d'ailleurs pour préciser aux psychorigides de tous bords et aux intégristes du score et du challenge que oui, Gone Home est bien un jeu vidéo à part entière, avec un véritable gameplay, simplement différent des productions habituelles. Pour ceux qui auraient besoin d'approfondir le sujet, je vous invite à aller faire un tour ici. Bref, revenons à nos moutons. Les premières minutes de jeu sont savoureuses et on débarque dans cette grande demeure comme un enfant déboule au pied du sapin le matin de Noël : on court partout, on touche à tout, on découvre la multitude d'objets manipulables, on admire le souci du détail des développeurs et on se délecte de l'immensité des lieux. Certes, Gone Home n'a pour unique décor que ce grand manoir, mais malgré tout, les pièces à explorer ne manquent pas. Pour vous donner une idée de la taille du terrain de jeu, imaginez le manoir du premier Resident Evil entièrement remis au propre après le passage d'une équipe d'entretien zélée et vous aurez une idée de la topographie des lieux.
Mi casa es su casa
La volonté des développeurs du studio The Fullbright Company a clairement été de ne jamais entraver notre progression, de façon à ce que l'on puisse profiter de l'histoire, de l'ambiance et se délecter à chaque instant de nos investigations. Et il faut avouer que ça marche. Que l'on soit en train de vider les tiroirs d'une chambre ou de retourner un carton à la cave, on se surprend en train de parcourir de vieilles cartes postales en prenant tout son temps, avec amusement et curiosité. Un peu comme quand on retrouve les vieux dessins de notre enfance, un dimanche après-midi pluvieux chez mamie Danièle. Et la grande force du jeu, c'est d'arriver à nous impliquer profondément, tout au long de notre progression. À force de recouper des documents et de s'immiscer dans la vie intime de ces personnes, on s'y attache et on finit par se sentir concerné par leur petite vie privée. Détail appréciable : les objets ne se mettent jamais à clignoter avec une grosse flèche rouge pour nous indiquer s'ils sont important à ramasser ou non. Il faudra donc faire preuve d'un sens de l'observation aigu et ne pas hésiter à explorer la maison de fond en comble pour trouver les détails les plus croustillants.
Maniac Mansion
L'aspect graphique de Gone Home est surprenant. Sans être une grosse baffe technique, le moteur est à la hauteur de la direction artistique : les jeux d'ombres et de lumières sont subtils et crédibles, les objets modélisés sont très variés et je trouve que les photos apposées sur les cartes postales ou les posters sont parfois sidérantes de qualité et d'authenticité. Globalement, on sent que les développeurs ont fourni des efforts pour nous offrir un rendu technique qui sert admirablement la narration, par sa sobriété et sa pertinence. L'ensemble tournera également sans anicroches sur un large panel de configurations : peu importe que vous ayez siphonné votre PEL pour ça, ou que vous ayez acheté votre matos au supermarché du coin, du moment que vous avez une config honnête, vous pourrez profiter de cette belle expérience. L'ambiance sonore, bien que discrète, est tout à fait remarquable et elle saura apporter cette petite touche de véracité qui renforce grandement l'immersion.
Bulle immobilière ?
Bon, maintenant qu'on a passé en revue toutes ces belles choses, il est temps d'aborder les quelques points qui fâchent. Tout en haut de cette petite liste incommodante se trouve bien entendu la durée de vie du titre. Rapportée au prix, c'est même assez désolant. Voyons voir... moins de 2 heures de jeu pour presque 19 €, ce n'est pas vraiment un ratio idéal. À moitié prix, ce serait toujours cher mais déjà plus cohérent. Ensuite, c'est peut-être un détail pour certains, mais le manque total de body awareness reste regrettable en 2013. Pour ceux qui sont sensibles à ce genre de raffinement (et j'en fais partie), ça fait un peu tâche dans un univers aussi immersif. Enfin, la "rejouabilité" est inexistante, et même si ce n'est pas forcément un défaut dans l'absolu, je préfère prévenir tous ceux qui risqueraient de venir ensuite hurler leur frustration sur les forums du monde entier. Voilà qui est dit. Dernière mise en garde : le jeu est pour l'instant uniquement disponible en anglais. Malgré tout, il est très facile de se procurer des sous-titrages français sur le net grâce au travail remarquable de quelques passionnés.
Gone mad
Quoiqu'il en soit, même avec ces handicaps, Gone Home reste une formidable opportunité de voyager dans un contexte atypique pour le monde du jeu vidéo. L'histoire est contée avec brio et l'expérience est mémorable, même si avec un peu de recul, elle ne me marquera pas non plus ad vitam æternam... Mais si vous faites partie, comme moi, des personnes qui ont traversé avec émerveillement des titres tels que Journey ou Dear Esther et que le tarif ne vous refroidit pas trop (ou que vous pouvez attendre les soldes sur Steam), retenez une chose : la probabilité que vous puissiez apprécier l'expérience est extrêmement élevée.