Alors que plusieurs séries d'horreur cultes peinent aujourd'hui à continuer de déclencher l'angoisse chez les joueurs, certains développeurs indépendants montrent que sans un budget pharaonique, et avec du talent, le jeu vidéo peut faire peur dans le bon sens du terme. Inutile de tourner autour du pot : Lone Survivor, sorti en avril dernier sur PC et Mac, débarque aujourd'hui sur PS Vita/PS3 et donne une leçon aux jeux du genre.
Développé sur PC par Jasper Byrne et porté sur les consoles PlayStation par Curve Studios, Lone Survivor est une sorte de Silent Hill en pixel art. Et vous imaginez bien que proposer une aventure en 2D censée faire monter l'angoisse en 2013 est un pari risqué, mais Byrne sait de quoi il parle et Lone Survivor parviendra sans mal à vous faire perdre vos repères pour une délicieuse descente aux enfers... Explications.
Alone in the dark
Sans nom, le héros de cette aventure est seul, abandonné dans son immeuble, et doit partir explorer les couloirs, appartements et autres dédales de cette bâtisse démoniaque peuplée de monstres dont on ne connait pas la provenance. Sans que l'on sache comment il en est arrivé là - et c'est là une des forces du titre - notre survivant va nous faire vivre son histoire, à mi-chemin entre le jeu d'horreur classique et le conte sous acides, qui se dévoilera petit à petit. Mais si l'ensemble de l'aventure est un régal, c'est avant tout par la force de son immersion que Lone Survivor se distingue. Avec des jeux de lumières travaillés, une ambiance sonore extrêmement immersive et un indéniable talent pour manier le pixel, Byrne réussi à nous convaincre en quelques minutes que l'horreur n'a pas besoin de puissance graphique ou de réalisme. La moindre rencontre dans les couloirs sombres est source de stress, utiliser la lampe-torche (indispensable pour progresser) dans les ténèbres fera monter l'angoisse et se cacher dans les renfoncements pour contourner les ennemis décharnés risque de vous faire suer.
Peur, estimation, réflexion, action
Comme dans tout survival horror, car c'est bien de cela qu'il s'agit ici, vos denrées sont en quantité limitée. Chaque action effectuée, qu'il s'agisse de se nourrir régulièrement, d'utiliser son pistolet, d'allumer sa lampe-torche à la consommation soumise à la découverte de piles cachées dans les décors, ou de placer des leurres (on pose une viande avariée au sol pour attirer les zombies par exemple) doit être "rentable". On avance donc tout doucement, on jauge chaque situation, on élabore des stratégies, on réfléchi avant d'agir... La progression ajoute ainsi à l'angoisse une peur permanente de manquer, et il est préférable de fouiller tous les recoins de chaque pièce pour en récolter tous les objets utiles. Ainsi, l'exploration prend tout son sens et chaque sortie hors de son appartement, dans lequel il faut se reposer régulièrement (en sauvegardant) est un véritable périple. Notons par ailleurs que le héros se fatigue très vite et qu'il doit régulièrement dormir et s'alimenter pour ne pas perdre sa santé physique et mentale, ce qui oblige à des allers-retours fréquents susceptibles de fragmenter l'aventure mais qui, une fois encore, ajoutent au stress.
Une replay value qui fait peur
Au travers de ses 5 à 6 heures de jeu, Lone Survivor se révèle particulièrement subtil puisqu'outre le fait qu'il joue avec la santé mentale de son héros, qui part parfois dans des délires étranges participant à l'angoisse, on peut par exemple prendre part à des quêtes annexes, contourner certaines difficultés de plusieurs manières, découvrir plusieurs fins différentes en fonction de ses actions en jeu, etc. Il y a donc de fortes chances que vous reveniez sur cette aventure une fois terminée une première fois, afin d'en découvrir tous les secrets. Et c'est aussi cet élément qui rend l'ensemble attirant. En effet, savoir que malgré la vétusté de sa forme Lone Survivor offre souvent plusieurs options dans l'exploration, et ne suit pas simplement une ligne toute tracée, encourage le joueur à réellement se pencher sur son univers en récoltant les pages de journal disséminées dans l'immeuble et la ville, en discutant avec ses personnages étranges (ou pas) et en écoutant la moindre phrase lâchée par notre héros. Et lorsqu'on sait que Lone Survivor est vendu en mode "cross-buy" (on paye une fois pour les versions PS3 + PS Vita) un peu moins de 12,99€ (et qu'il est également "cross-save"), il devient alors difficile de lui résister. A ce propos, signalons néanmoins que si le rendu pixel art ne pose pas le moindre problème sur la portable, il passe un peu moins bien sur nos écrans HD, tout en restant tout à fait agréable à jouer pour ceux qui ne sont pas hermétiques au style. Dans le registre des détails qui peuvent gêner, soulignons tout de même que se repérer n'est pas toujours aisé et que le manque de précision des objectifs peut aussi mettre vos nerfs à rude épreuve, mais après tout, cela fait peut-être aussi partie du charme...
Lone Survivor est un vrai survival horror à l'ancienne, tant dans la forme que dans le fond, et il s'impose même comme une référence face à la concurrence. A la fois stressant mais encourageant l'exploration, le titre de Byrne nous a fait un effet boeuf, c'est une claque ludique qui prouve que l'immersion et la sensation de peur n'ont pas forcément besoin de graphismes réalistes ou de processeurs du futur. Et rien que pour ça, il mérite le respect. Enfin, la force de sa narration, sa "rejouabilité" et le talent avec lequel le développeur exploite les pixels finissent de nous convaincre que Lone Survivor est un incontournable du genre survival horror, qui mérite que l'on s'y attarde malgré la foule de titres de qualité qui pullulent en ce moment.