Call of Juarez est une série en dents de scie. Le premier avait du chien sans casser trois pattes à un canard alors que Bound in Blood, le second, réparait certaines erreurs du passé et offrait une lueur d'espoir aux fans d'ambiances Far-West. Mais The Cartel, le troisième sur la liste, et son changement d'époque incompréhensible sont venus casser cette conquête de l'ouest pour donner l'impression que les développeurs de Techland se tiraient une balle dans le pied. Alors autant dire que Gunslinger, le quatrième, je l'attendais comme une envie de me passer la corde au cou. Mais j'en suis ressorti avec une furieuse envie de tirer, non pas un coup, mais des milliers !
Présenté sous la forme d'un FPS classique Gunslinger se distingue, dans le far west qu'est cette catégorie, par une atmosphère héritée des meilleurs films de cowboys. Avec ses voix rauques (en anglais et sous-titres en français), la moiteur suave des déserts américains et une réalisation très inspirée de XIII, le jeu, en Cel Shading (rendu de dessin animé) qui fait mouche, le résultat est vraiment agréable à l'oeil et à l'oreille. Toute une ambiance à laquelle les amateurs des Sept Mercenaires ou Django Unchained, les films, ne pourront que succomber.
Il était une fois dans l'Ouest
Gunslinger est un jeu bien armé dans la forme pour un titre proposé en téléchargement. Tout d'abord il arbore fièrement un rendu "cel shadé" qui met parfaitement en valeur l'époque du Far West. Ceci même si dans le détail les textures sont loin d'impressionner et que certains trouvent que le rendu fait un peu vieillot. On ne peut guère leur en vouloir, et je pense que c'est voulu, mais, personnellement, j'ai vraiment apprécié. Cependant cela ne suffit pas pour faire un bon jeu alors les développeurs de Techland ont eu une grande idée : leur vieux héros, Silas Greaves le chasseur de primes, va raconter l'histoire de sa vie de cow-boy dans un saloon, au milieu des vapeurs d'alcool et de la fumée de cigarettes. Et si Silas a rencontré toutes les plus grandes figures qui ont fait la renommée de l'ouest américain, il aura parfois des absences et ses dires ne seront pas vraiment en accord avec la réalité. Des oublis ou des mensonges, en passant par les contradictions ou des retours en arrière, qui viendront modifier l'histoire ou même les situations en pleine partie, lorsque le joueur incarne un Silas plus jeune sur le champ de tir. Une excellente idée qui permet une narration mieux maitrisée, même si le scénario lui même ne fait pas forcément rêver. Quoi qu'il en soit, chapeau bas !
Il y a ceux qui ont le pistolet chargé...
Billy the Kid, Jesse James et les Daltons sont autant de héros que vous aurez à combattre, ou aider, dans cette aventure qui fait parler la poudre. Et c'est justement le coeur du sujet puisque comme je vous le disais Gunslinger est un FPS. Loin des standards du genre que sont Call of Duty et autres Battlefield il propose une jouabilité efficace qui requiert de la précision sans toutefois jusqu'au besoin d'être un sniper dans l'âme. Néanmoins, la difficulté se fait sentir lorsqu'on joue en hard ; malheureusement c'est surtout à cause d'un manque de lisibilité dans l'action. Entre les balles qui perforent l'écran, la poussière des décors variés (fermes, villes, mines, attaques de trains, etc.), et le choix du Cel Shading à cause duquel on peine à distinguer certains ennemis dans les décors, on a parfois du mal à s'y retrouver. Heureusement, Silas est bien armé et profite d'une panoplie d'armes plaisante (toutes avec des sensations de tir saisissantes) ainsi que d'un Bullet Time qui ralentit l'action pendant un certain temps. Efficace, ce talent permet de mieux distinguer les légions d'ennemis dans les décors et se charge de plus en plus à chaque balle qui fait mouche. Une arme dévastatrice qui va de paire avec un autre Bullet Time qui apparait sous forme de QTE pour éviter une balle censée être fatale. Silas pourra bien entendu booster ses capacités (augmenter la longueur des combos de tir pour améliorer son score, disposer de deux pistolets, etc.) en accumulant de l'expérience, histoire de donner une sensation de progression durant son périple.
... et ceux qui creusent
Afin de briser la monotonie qui peut éventuellement apparaitre lorsqu'on enchaîne 30 kills les uns derrière les autres, des QTE de circonstance et des duels face à quelques légendes viendront ponctuer l'action. Dans ces derniers, et lorsque les deux protagonistes se font face à face avant de dégainer, le gameplay propose de cibler l'ennemi pendant un certain temps à l'aide du stick droit afin d'augmenter la précision de sa visée. Il faut dans le même temps placer sa main au mieux, avec le stick gauche, pour gagner en vitesse au moment où les deux hommes dégainent. Ces petites séquences sont bien appréciables et renforcent l'atmosphère pesante des duels que l'on a connu dans les films du genre. Mais si le plaisir est au rendez-vous, avouons que malgré des décors de bonne taille, permettant pour certains de contourner les adversaires pour mieux les plomber, les trajets sont souvent assez linéaires. D'autant que le syndrome arène est là lui aussi et il faudra parfois dézinguer tout le monde avant de continuer. Ce ne serait pas tant un problème si les populations de l'ouest américain ne manquaient pas souvent de cervelle ; les éparpiller sur notre passage y gagnerait en effet en intérêt. C'est bien ce que je lui reproche : l'I.A est assez décevante même si ce défaut est compensé par le nombre toujours croissant de vilains. Le plus souvent ces méchants se contentent malheureusement d'occuper leur place en attendant que vous arriviez et rares sont ceux qui osent vous poursuivre lorsque vous prenez un peu de recul pour recharger par exemple. On termine avec les deux autres modes, en marge de l'histoire. L'Arcade permet de revivre les meilleures séquences du scénario pour améliorer son score et les Duels sont là pour vous faire revivre les affrontements entre deux légendes de l'Ouest.
Avec ses 4 à 5 heures de jeu et sa mise en scène, ainsi que son ambiance, Call of Juarez Gunslinger redore le blason de la série après un troisième épisode qui semblait creuser sa propre tombe. Un miracle à nuancer néanmoins à cause du manque de lisibilité dans certaines situations, d'une I.A. basique et de l'absence de multi. Pour autant et compte tenu de son prix, le FPS de Techland séduira sans mal les amateurs du genre qui recherchent un peu de fraicheur dans la catégorie. Et contrairement à ce que certains pensent, la palme revient à la direction artistique cel shadée à laquelle on prend vite goût et qui va comme un gant au Far West.