Eminent membre du club des vedettes poilues de la plateforme, Sly Cooper reste pourtant moins populaire que ses plus proches confrères, Daxter et Ratchet (d'autres lointains cousins de Crash Bandicoot, paraît-il). La discrétion est certes de rigueur quand on mène une carrière de "raton voleur", mais à trop se terrer dans l'ombre, Sly risquait de sombrer dans l'oubli, lui qui mérite pourtant de jouer les tout premiers rôles.
Feindre l'amnésie, le stratagème idéal pour tracer un trait sur des années de cambriole, qui plus est avec une inspectrice de police en guise de dulcinée : Carmelita Fox, aux trousses de Sly depuis toujours. Cependant, des instincts hérités d'une longue lignée de voleurs ne s'effacent pas si facilement... Encore que les pages du Volus Ratonus - le précieux recueil du savoir familial - s'effacent toutes seules, et à un rythme alarmant. Ce mystérieux phénomène pousse Sly à reprendre ses activités nocturnes, compliquant encore ses relations forcément conflictuelles avec Carmelita. Son passé le rattrape inexorablement, ou plutôt le contraire, puisque Sly s'embarque dans un voyage à travers le temps aux côtés de ses vieux compères, Murray et Bentley. Leurs virées en van rappelaient déjà celles de Scooby Doo, une inspiration soulignée par les séquences narratives façon cartoon. Et cet opus y insuffle une étincelle de Retour vers le Futur, le scénario multipliant plus que jamais les rebondissements et autres clins d'oeils. Beaucoup d'allusions se destinent néanmoins aux connaisseurs, car le préambule suffit à peine à se rafraîchir la mémoire. Sly n'a pour sa part rien perdu de ses talents de voleur fugace, qu'il s'agisse de se glisser le long d'un rebord de fenêtre, de gambader sur une corde tendue ou de se poser au sommet d'un toit, le tout avec une maniabilité au poil. N'oublions pas sa fameuse serpe, qui lui sert à la fois de crochet d'escalade, d'outil à pickpocketter, et d'arme.
Sur la pointe des pattes
Il vaut mieux éviter les confrontations en théorie, une approche facilitée par le champ de vision restreint des nombreux gardes, décidément peu alertes tant que l'on ne court pas à proximité. Faire preuve de prudence permet de les estourbir d'un coup, ou de les délester de quelques pièces, voire d'objets de valeur, histoire d'acheter de nouvelles capacités sur "VoleurNet" grâce au butin amassé. En dépit d'un certain recyclage, l'arsenal de techniques a d'ailleurs été substantiellement étoffé. Le paradoxe, c'est que ces évolutions se situent davantage du côté offensif. Une telle tendance s'oppose en effet à la philosophie du gameplay, malgré l'efficacité éprouvée de ce cocktail de furtivité et d'action. Idem pour Murray, Bentley et Carmelita, qui se retrouvent en prime nettement relégués aux seconds rôles très spécialisés. Chacun dispose toujours de ses propres missions, mais leurs camarades interviennent souvent en cours de route, à commencer par Sly. Cette alternance renforce la notion d'esprit d'équipe et ajoute de la variété aux opérations, tout particulièrement lors de celles planifiées à grande échelle pour conclure les épisodes. On n'en regrette pas moins la quasi absence de choix dans l'ordre des missions, et la linéarité qui en découle. Surtout qu'elles consistent globalement à reproduire les mêmes tâches, heureusement plaisantes au demeurant : repérage du terrain via la prise de clichés, filature, infiltration et piratage, le crochetage de coffres à l'ancienne ayant hélas presque disparu. Heureusement, chaque chapitre comporte son lot d'élucubrations délicieusement déjantées afin de rompre toute monotonie.
L'habit ne fait pas le voleur
En outre, cette intrigue habilement ficelée n'empêche pas de profiter d'une grande liberté et de diverses occupations optionnelles dans les lieux visités. Au delà des trésors à ramener en temps limité jusqu'au refuge, des emblèmes et les irremplaçables bouteilles sont dissimulés aux quatre coins de la carte. Or ces environnements se montrent assez touffus, à l'image du héros. Leur envergure somme toute respectable n'atteignant pas celle des cadors du monde ouvert, ils adoptent une structure emberlificotée assortie d'une époustouflante densité, notamment sur la version PS3 qui bénéficie d'un lustre graphique supplémentaire à la faveur d'un surcroît de détails et de résolution. Et cette richesse est astucieusement exploitée par les aptitudes des ancêtres que Sly ne manque évidemment pas de rencontrer au fil de ses pérégrinations. Il serait fort dommage de les dévoiler (les bandes-annonces ne s'en sont pas privées), tout comme de révéler le merveilleux programme de cette croisière inter temporelle. On se contentera donc de préciser que ces pouvoirs s'avèrent aussi extravagants que la personnalité des aïeux de Sly. Ce dernier s'octroie toutefois les capacités les plus utiles, sous forme de truculents costumes, confortant son omniprésence par la même occasion. Une idée issue du précédent épisode que Sanzaru a développé de manière à motiver les allers et retours d'une époque à l'autre, suivant le principe de Zelda (chaque capacité permettant d'y découvrir de nouveaux éléments). L'exploration en 60 images par secondes de ces décors magnifiques, fussent-ils parfois familiers et sujets à de rares ralentissements, n'en est que plus exaltante. De quoi convertir quiconque au chapardage, y compris ceux qui considéraient ce noble métier comme un vulgaire passe-temps.