Magic : The Gathering est aux jeux de cartes à collectionner ce que les échecs sont au jeux de plateau. Un fondamental indémodable. Il y a eu de nombreuses tentatives pour l'adapter en version jeu vidéo, sans jamais vraiment égaler, bien sûr, l'original. Mais ce n'est pas à cause d'une seule question de feeling : c'est surtout pour deux raisons. D'abord parce qu'en l'automatisant par souci d'accessibilité, on nuit à certaines stratégies aussi élégantes qu'efficaces, et ensuite parce que le coeur du jeu, ce sont bien sûr les cartes et les "decks" qu'on se construit avec... et qu'aucun (en dehors du vieillissant Magic Online) ne permet de jouir de l'immense collection de cartes créées depuis les origines. Deux écueils qu'on retrouve ici encore...
Pour ceux d'entre vous qui ont déjà craqué pour la précédente et première version de Magic : The Gathering, Duels of the Planeswalkers, sachez que cette version 2012 reprend 80% de la formule. Même présentation, même ergonomie, même gameplay, mêmes principes fondamentaux. Et mêmes défauts. elle apporte cependant quelques améliorations notables.
Pour ceux qui sont complètement novices de Magic : L'Assemblée, résumons le principe : des mages s'affrontent au tour par tour avec des jeux (decks) de cartes. Chaque carte est un sort (ou un terrain, qui fournit le mana pour jeter les sorts). Il y a cinq couleurs de sorts, chacune avec ses styles : rouge, noire, blanc, bleu, vert. Le but du jeu est de tuer les mages adverses en réduisant leurs points de vie de 20 à zéro. Mais évidemment, chaque carte apporte ses propres règles, ou modifie celles d'autres cartes. Et c'est tout bonnement l'un des jeux les plus parfaits, en termes de règles, qui aient jamais été créés.
Tout est dans le deck
Or donc, les améliorations par rapport à la précédente version : pour commencer, les 10 decks disponibles ont été dépoussiérés. Plus malins, plus versatiles, ils sont plus agréables à jouer et offrent des possibilités plus profondes, même pour ceux qui n'ont qu'une seule couleur. Ensuite, l'IA de l'adversaire a été renforcée. Si elle fera toujours une ou deux erreurs dans des cas bien particuliers, elle se révèle globalement surprenante d'intelligence et d'efficacité. Enfin, de nouveaux modes ont fait leur apparition, à commencer par la possibilité de jouer en ligne en coopératif local, par exemple avec un ami chez soi et contre d'autres joueurs sur le Live ou dans les modes Géant à Deux Têtes (2 vs 2), et Archenemy. Ce nouveau type de partie propose à plusieurs joueurs d'affronter l'IA (et malheureusement uniquement l'IA, un joueur ne peut incarner l'Archenemy). Evidemment, celle-ci dispose de ressources magnifiées par les cartes de "Machination". A chacun de ses tours, une carte Machination est tirée, et lui octroie des pouvoirs incommensurables. Côté réalisation, c'est un peu plus joli dans les menus, et les temps de chargement sont moins longs, mais c'est à peu près tout. Maintenant, passons aux choses qui fâchent.
Mais ce sont MES terrains, bordel !
Tous les défauts du précédent sont de retour, alors que beaucoup pouvaient être résolus très, mais alors très facilement via des options et un peu d'efforts. Il est ainsi impossible de gérer soi-même son mana, ce qui peut parfois empêcher de jouer ce qu'on peut pourtant bel et bien jouer, tout ça parce que l'IA qui s'occupe de la gestion du mana engage des terrains de la mauvaise couleur, privant le joueur de certaines possibilités. Quand on domine, ce n'est pas grave, mais quand on perd des matchs, surtout des matchs avec classement en ligne, à cause de cette couillonne qui tape une île (mana bleu) au mauvais moment, ça fout la rage. De même, dans les challenges solo, qui sont de retour : il n'y a qu'une et unique solution, et si votre génial cerveau en trouve une autre, même plus simple, l'IA s'arrange pour que vous ne puissiez pas la mettre en oeuvre en tapant les terrains n'importe comment. En dehors de ce défaut, ces défis restent pourtant (pour ceux qui sont de difficulté moyenne ou difficile) très agréables à résoudre, comme autant de petits puzzles où il faut tuer l'adversaire en un tour avec une situation très précise et toujours désespérée. À côté des challenges, la campagne reste une succession d'affrontements contre d'autres Decks, chaque victoire permettant de débloquer petit à petit les 16 cartes de chacun des decks. Il est aussi possible de débloquer les decks en payant, pour les flemmards richissimes.
Vous appelez ça un Deck Manager ?
Cette histoire de mana n'est pas le seul défaut majeur du jeu. L'autre, c'est évidemment ce simulacre de "Deck Manager", l'interface qui est censée permettre aux joueurs de modifier leurs jeux. Alors, oui, on peut retirer certaines cartes, mais c'est tout. Impossible de mélanger deux decks, encore moins de s'en faire un avec toutes les cartes incluses dans le jeu - ce qui serait un minimum vu que, bien entendu, Duels of the Planeswalkers 2012, comme le précédent, ne propose qu'un nombre de cartes très limité, en oubliant évidemment au passage 8 ans d'éditions et extensions successives. Alors sans aller jusqu'à nous coller les 11.000 cartes (oui, oui, ça fait beaucoup) ayant été créées depuis la naissance du jeu en 1993, il y avait moyen de proposer quelques modes rétro, par exemple, avec les premières extensions comme Arabian Nights ou Legends, ne serait-ce que pour permettre aux joueurs de voir et de jouer certaines cartes qui valent aujourd'hui une fortune et que seuls les joueurs des tous débuts ont déjà touchées. Ça n'a pas empêché, au moins, les développeurs d'inclure une ou deux cartes mythiques pour le fun, comme la Mox Sapphire par exemple. Enfin, bouclons cette rubrique des reproches en s'interrogeant sur la disparition dans les matchs personnalisés de la possibilité de modifier quelques règles de base, comme le nombre de cartes en mains ou le nombre de points de vie de chaque joueur, alors qu'elles étaient présentes dans la version précédente.
Une bonne mise en bouche
Vous l'aurez compris, si vous êtes un joueur de Magic, Duels of the Planeswalkers 2012, et ses futurs DLC de cartes qu'on ne manquera pas de nous agiter sous le nez, risque de vous agacer sur de nombreux points. En revanche, pour ceux qui n'ont jamais joué à Magic, c'est une entrée en matière pas trop chère (8 euros), et qui permet de maîtriser les règles et certaines cartes typiques de manière accessible et fun. Quoiqu'il manque sans doute un tutorial un peu plus fouillé pour ses aspects les plus compliqués comme les priorités entre sacrifices de cartes, résolution des sorts "Instant" et ce genre de choses. Mais rien d'insurmontable. Enfin, pour les anciens joueurs de Magic comme moi, qui ne sont pas aussi attachés que je le suis aux possibilités très faciles à implémenter et qu'on nous refuse une fois encore, Duels of the Planeswalkers 2012 reste une alternative très valable au véritable jeu, chronophage et cher, tout en proposant grâce au jeu en ligne, d'affronter des tonnes de mages de part le monde.