Crysis 2 ! Depuis le temps qu'on vous en parle, depuis le temps qu'EA et Crytek vous balancent des vidéos, des infos, des démos... Vous n'avez pas l'impression d'avoir déjà fini le jeu ? Moi si. Ah, mais moi c'est normal en fait, je l'ai terminé pour le test ! J'avais presque oublié... Quoi, pas mémorable, Crysis 2 ? Eh bien...
Son nom est Alcatraz, et c'est un Marine, un vrai, un dur. Un qui fait la teuf à la tequila la veille d'une mission super secrète super dangereuse et qu'a un peu la gueule de bois quand son sous-marin se met à faire des bulles en s'enfonçant dans les eaux de l'Hudson, à deux pas de Manhattan. Bref, tous les potes d'Alcatraz sont morts et le voilà qui se réveille avec une magnifique nano-suit design sur le dos et un message d'une certain Prophet qui lui demande de retrouver un scientifique du nom de Nathan Gould. Ça tombe bien, c'est le type qu'il est venu chercher. Pour refiler la combi, le Prophet en question s'est fait sauter le caisson, autant dire que ça ne rigole pas. Comme quoi Alcatraz serait son dernier espoir... Bah, en route !
Alcatraz le muet
Ça va être dur de vous parler de Crysis 2 sans vous spoiler l'histoire. Déjà, ça attirerait les foudres d'EA qui aimerait bien que tout acheteur du dernier FPS de Crytek puisse profiter de l'incrooooyâââble scénario SF échafaudé par un certain Richard Morgan, auteur du genre ayant quelques romans à son actif. De plus, c'est pas trop mon genre, le spoil. Alors comme les devs ont voulu Alcatraz muet comme un porte de prison (ahah), je vais vous retranscrire ce que je pense, moi, qu'il dirait face à certains événements de Crysis 2. Ça devrait vous en raconter assez long, sans rien dévoiler. C'est parti.
Toi t'es une croix en bois, t'as qu'à te taire
« Bon OK, donc les mecs du C.E.L.L., la milice aux ordres de la corporation qui possède la combi, veulent buter Prophet pour la récupérer. Et ils croient que c'est moi Prophet. Je pourrais p'têt leur expliquer que j'y suis pour rien et leur refiler le bébé ? Ah ouais, mais d'une, le fameux Nathan Gould me contacte aussi en pensant que je suis Prophet, et c'est ma mission de Marine de l'extraire (je crois). De deux, je ne peux pas parler. Alors bon. » Quelques heures plus tard. « Ok, le scientifique croit toujours que je suis Prophet même si je ne lui réponds jamais. Il ne doit pas être très malin pour une blouse blanche »... Les événements s'enchaînent : « Ils vont faire quoi ? Mais pourquoi ? Ça n'a aucun sens ! Oh bon tant pis » ou encore « Hein ? Mais... oh bon, si vous voulez. » Sans oublier « Pfff nan, mais à ce niveau-là je ne dis plus rien. D'ailleurs je ne dis jamais rien » et autres « Quoi ?? Mais pas question ! Fuuuuu ! » en passant par « c'est booooon ? On a fini avec lui, on peut passer à la suite ? Biennnn. »
Et donc le nectar... ah non, je me trompe de jeu.
Pas terrible hein ? Oh, le scénar, passe encore, dans le feu de l'action... durant lequel le jeu adore vous balancer des messages importants, soit dit en passant, avec un ratio audio pourri genre : « Alcatraz, c'est très important que tu BAOUM ! Tacacacatac ! sinon mort Pew Pew BLAM ! Bonne chance ! Ah et surtout Paf ! Bing ! Kaboum ! » Euh pardon, tu pourrais répéter ? Elle est où la fonction replay sur cette foutue combi ? Mais je pinaille, c'est pas si mal que ça au final, même si l'auteur a vraiment du se prendre la tête entre les éléments de Crysis premier du nom conservés (Prophet, la combi, la technologie alien) et ce nouvel opus tout de suite plus complexe. Les aliens eux-mêmes changent de look pour devenir assez anodins. Ils n'utilisent même plus la glace, ce qui au moins avait un certain impact visuel dans Crysis. On va dire que ces Ceph (et ça aurait pu être des Zblub, des Mouaiph, des Slurp ou whatever) doivent former une ethnie différente de celle déjà rencontrée, et basta. On en saura peut-être plus dans Crysis 3 (ou un DLC) ? Crysis 2 préfère s'intéresser aux êtres humains, à leurs motivations et à leurs objectifs. Entre les idiots puissants, les travailleurs de l'ombre, les manipulateurs manipulés et les amoraux bons perdants, il y a de quoi faire. Au lieu d'une série B des années 80, on se retrouve avec une série B moderne, quoi. C'est un progrès... mais bonjour les écueils de narration en chemin.
Oh l'immeuble est tombé... OK. *Bâille*
Nan, je vais vous dire ce qui me chiffonne vraiment dans la campagne solo de Crysis 2 : c'est que je n'ai pas du tout accroché à l'ambiance. J'ai rien ressenti, rien. C'est très beau, Crytek essaye de nous faire quelques scènes ayant un gros facteur WOW. Mais pour moi aucune ne prend. Bon, peut être pas rien, je vais retenir deux passages, un assez anodin, mais oppressant (une histoire de baie vitrée et d'inondation) et un autre sur la plus grande carte du jeu, la seule où l'on conduit vraiment un véhicule d'ailleurs. La monotonie de New York, sa verticalité étouffante, le level design tout en couloir / arène / couloir / arène pourraient bien m'avoir refroidit totalement. Même la scène finale sensée être ultra HOLYSHIT s'est juste vue attribuer un « meh, OK » . Pourquoi ? Qu'est-ce qui cloche ? Certains mécanismes de manipulation des émotions auraient-ils été ignorés ?
Suis-je un vieux c... insensible ?
Par exemple, la mise en scène néglige terriblement les civils. Pendant une grosse partie de l'histoire, les rares civils que l'on croise ne sont que des loques humaines touchées par la fameuse épidémie d'origine « inconnue du grand public, mais vous avez bien compris que les aliens sont derrière tout ça » ! Il n'y aucune interaction possible avec eux. On peut s'arrêter deux secondes pour les regarder crever à petit feu, mais jamais le scénario ne demande à Alcatraz de leur venir en aide ou de leur dire un petit mot gentil. Et quand bien même il voudrait... Bref, c'est très froid, très distant. Et paf, on nous sort tout d'un coup la grande scène mélo avec les pauvres réfugiés qui vont bientôt être tout morts, bouh. Rien à foutre ! Pourquoi on les attend, ces boulets-là ? Ce ne sont même pas des Marines. Niveau émotionnel : Zéro. Alors au final, ambiance ratée pour moi ? Je ne peux qu'espérer que vous accrochiez plus si vous tentez l'aventure.
Mon nouveau jouet !
« Crysis 2, c'est surtout l'histoire d'une technologie. De désir technologique. » Comme c'est bien dit, Monsieur Crytek, et c'est tellement vrai, car si vous n'accrochez pas à au scénar, vous allez accrocher à la nano-suit, et elle à vous. Son maniement depuis Crysis a largement été simplifié et de manière logique, qui plus est. La super vitesse s'enclenche automatiquement à chaque sprint et la force augmentée s'utilise en chargeant des coups spéciaux ou les sauts. Sur ce point, je suis encore un peu déçu, comme dans Crysis à vrai dire : les bonds effectués devraient être plus impressionnants pour me convaincre. Quant au fameux coup de pied chargé dans une voiture pour écraser un ennemi, vous serez sûrement très content si vous réussissez à en placer un. Déjà, le contexte est important : soit vous avez du bol, soit vous tournez autour d'une bagnole et attirez un alien jusqu'à la position idéale. Ensuite il faut bien charger et bien taper sinon ça ne marche pas correctement. Et encore, rien n'est sûr. Au mieux, le poulpe se fait écraser par la voiture, victoire ! Au pire, cette dernière bouge de 20cm, tu regardes l'alien, l'alien te regarde, il te dit « wtf dude ? » et tu lui colles une rafale dans la tronche pour en finir avec cet embarras.
Si je saigne, c'est qu'on peut me buter
Mais sinon, c'est très bien cette combinaison. On ne fait qu'activer l'armure ou la furtivité, permutant de l'un à l'autre intuitivement, là où dans Crysis on changeait de pouvoir comme on passe les vitesses sur un vieux tracteur pourri. L'armure n'est plus le mode par défaut, ce qui fait qu'on l'oublie un peu parfois. Et la furtivité à la Predator est largement plus utilisée, surtout que la jauge d'énergie remonte très vite. On passe donc souvent d'un abri à l'autre en mode invisible, combinant même parfois avec un sprint court et un saut, mais là ça pompe de l'énergie, quand même. À ce petit jeu, certaines arènes ayant des objectifs autres que « tuer tout le monde » peuvent carrément être résolues en rush furtif sans buter qui que ce soit ! Quoique vous aurez du mal à ne pas faire une petite pause assassinat par-derrière en passant près de quelques cibles de choix.
La combi-suisse
La nano-suit peut aussi être améliorée au fil des combats, dans quatre grands domaines : armure, puissance, tactique et furtivité. Vous débloquerez d'abord des modifications basiques dans chaque, sauf si vous voulez économiser pour vous payer les plus balèzes de chaque branche. Au bout d'un moment, vous posséderez tout, mais un seul « module » est activable par branche. Certains sont franchement utiles, d'autres carrément pas, ou si peu. Ça dépend aussi un peu de son style de jeu... La plupart sont passifs, mais on trouve une attaque "aérienne" utile pour disperser la piétaille. Difficile à placer, cependant, et parfois aussi mortelle pour vous que pour l'ennemi. Votre combi possède une vision thermique qui vous sera très utile lorsque certains niveaux vous plongeront dans le noir absolu. À moins que vous ne préfériez vous éclairer avec le flash des tirs de votre arme, ce qui offre une très jolie ambiance stroboscopique.
Prendre un Marine par la main...
Le dernier atout de votre seconde peau reste bien entendu la vue tactique. Et là on aborde un sujet sensible, une sorte de niveau de difficulté ajustable ingame : soit vous l'utilisez, soit vous l'ignorez. La vue tactique, c'est un peu comme les jumelles dans Crysis, mais en HUD. Le jeu vous recommande souvent son utilisation lorsque vous arrivez dans une nouvelle arène (après un couloir donc). Elle sert à repérer les ennemis présents sur place (pas ceux qui apparaîtront plus tard ou les éventuels renforts) et les différentes options stratégiques de la carte. Oui, on vous dira directement : « là il y a des munitions », « ici, c'est pour les furtifs », « et pourquoi n'utiliseriez-vous pas cette grosse tourelle, là ? », « Ici tu peux faire caca entre deux voitures », « ah ceux-là, faudrait tous les tuer, ils t'ont vu faire caca »... sécuriser, infiltrer, contourner, utiliser, toutes les options prévues par le level design sont étalées comme dans un menu de restau. Le fait est que sans cela, on passe à côté de beaucoup de détails une fois dans l'action. Les graphismes sont tellement riches et denses qu'un petit repère de temps en temps, ça aide énormément... Rien ne vous y oblige, cela dit. Vous n'avez pas à afficher ces points d'intérêts ou les ennemis sur le radar. À vous de gérer votre propre niveau de surprise et de tension.
Elles sont où, les ADM ?
Tout ça c'est bien beau, mais elle ne tire pas de balles, cette foutue nano-suit, alors il faut aussi se doter d'un bon arsenal de flingues en tout genre. Et de côté là, Crytek fait son boulot habituel sans sourciller. Du Feline au SCARAB en passant par le Grendel, à moins que vous ne soyez plus shotgun, avec le Marshall ou le Jackall, vous vous équiperez parfois selon la situation tactique, avec divers mods utiles (silencieux, lunette de visée, etc.), et souvent par feeling pour une arme plus qu'une autre. Au rayon un peu exotique, on trouve le K-volt, entre le pistolet mitrailleur et le taser, et qui balance de l'électricité. Ou bien le fusil Gauss, qui surclasse tous les autres outils de snipe. Et même un canon à micro-ondes, idéal pour faire du poulpe en gelée, mais peu spectaculaire. Moi, il me manque une bonne grosse arme extra terrestre... pas de cadeau de ce genre de la part de Crytek ce coup-ci, dommage.
Vétéran ou super soldat ?
Avec ça vous avez de quoi enchaîner vos couloirs et vos arènes, que vous soyez séduits par l'ambiance ou non. La difficulté n'est pas mauvaise... pas mauvaise du tout. Forcé d'y jouer au pad sur PS3, j'ai trouvé la prise en main excellente. Plus le niveau de difficulté est élevé, plus le jeu s'affine sur plusieurs tableaux : l'autolock disparaît, les ennemis sont plus coriaces, vous êtes moins solide, les tirs se font plus précis plus vite... En revanche, l'IA ne change pas radicalement, chaque adversaire ayant un peu déjà sa spécialité. Certains aliens viennent au corps à corps, d'autres jouent la carte du harcèlement à courte distance, pendant que le grunt de base vous arrose de loin. On repère quelques soucis dans l'IA parfois : c'est pas toujours facile de se balader dans cette jungle urbaine pleine de débris, mais d'une manière générale ça bouge bien et l'action se maintient correctement tout au long d'une arène. Avec le système de renfort utilisé par l'ennemi si vous avez décidé d'y aller comme un bourrin, les choses peuvent même devenir très très compliquées, très vite... mais c'est peut-être ce que vous voulez ? Dans ce cas-là, vous serez servis.
Quand ça ne veut pas... ça ne veut pas
Voilà pour le bilan général de la campagne solo : c'est bien, mais hum, bof. Je pourrais rajouter des détails ici et là, genre l'incroyable inutilité de certains passages en QTE : LR pour bouger la main droite, LG pour avancer la main gauche, encore, encore, allez, quelle intensité, ouiiii ! Vas-y rampe et basta, on est pas dans Heavy Rain... Ou encore la déception du combat final ? Ah, pas de spoilers ! Au moins Crytek ne nous a pas refilé un niveau entier d'ennui absolu comme ça a été le cas pour le passage dans le vaisseau alien de Crysis « oh je flotte ZzzzzZz ». Bref, moi, Crysis 2 en solo, je lui aurai collé un 3. Heureusement, il y a le multi, et pourtant, je n'ai pas pu y jouer énormément dans les conditions du tests. Je ne vous en ai pas encore parlé ? La presse était conviée à essayer Crysis 2 dans une chambre d'hôtel pendant trois jours (une chambre par personne hein). Dont une après-midi consacré au multi, ce qui s'est révélé trop court. Pour le reste, les conditions étaient impeccables ! Voire mieux que chez soi, mais je ne dirai pas de mal de mes enfants, qui sont adorables et pas du tout collants quand j'essaye de bosser.
Tu peux pas Nano-test
Le multi de Crysis 2, donc, est constitué d'un lot de douze cartes toujours sur le thème de New York, de six différents modes opposant deux factions (l'armée et le C.E.L.L.), de quatre classes (mais vous voudrez probablement customiser la vôtre), d'une tonne de modifications pour votre nano-suit, avec le système d'expérience qui va avec. Exit les grandes cartes et les véhicules (déjà qu'il n'y en a pas dans le solo...), Crytek verse dans le classique et l'efficace. C'est de toute façon obligatoire pour tourner sur console : 6 vs 6 et pas plus. Ne pleurez pas les grandes étendues, soyez des hommes : change, it's what we get. L'important, c'est que le multi de Crysis 2 s'avère fun, avec des faux-airs bourrins cachant des tactiques subtilement fourbes pour ceux qui manient correctement les forces de leur nano-suit, avec ses mouvements surhumains, les joies du furtif et la toute puissante nano-vision... Ah ça, ça va crier au cheater ! Crysis 2 en multi est typique du jeu où l'on termine une session avec une histoire ou deux pour saouler quelqu'un avec. Vous l'avez peut-être déjà essayé un peu non ? On va dire qu'il reste peut-être un peu d'équilibrage à faire, le sniper m'a paru bien désavantagé pour le coup, mais les bases sont bonnes pour du fun à long terme.
Come out & play !
De plus, les cartes sont belles et intéressantes. Bon, les graphismes, si vous êtes un joueur sérieux, vous aurez tôt fait de les mettre au minimum sur PC pour fragger plus fluidement, mais le level design, ça, c'est important. Et les maps de Crysis 2 offrent de chouettes terrains de jeux, entre les parcs couverts de ruines où s'égaye le sniper prédator et les bâtiments éventrés où l'on ne peut faire confiance à aucun couloir tant le shotgun y règne en maître. Sans compter les rues rectilignes de New York, les toits exposés des buildings, les parkings bien trop accessibles... Rah, j'ai envie de m'y remettre là. Quelqu'un à une version PC pour moi ?
Confiant, mais prudent
PS3, oui, c'est bien aussi. Enfin, pas pour le multi, moi, hein, je suis pas si doué que ça au pad. Mais sinon OK, c'est beau, fluide. Sur console, vous aurez moins d'éclat dans les couleurs, une moins bonne gestion des lumières, bien plus d'aliasing. Mais sur PC ne comptez pas non plus coller tout à fond, d'autant plus si Crytek se décide à filer la version DirectX11. Sauf si vous avez des cartes graphiques en SLI et beaucoup de RAM, là, rien à redire. Personnellement, je n'ai pas noté de problème majeur sur les versions jouées, sauf une carte multi (sous une pluie battante magnifique) qui plantait grave. Apparemment, il y a eu des soucis avec la démo multi PS3. Alors si vous préférez la jouer méfiant et recueillir plus de retours sur l'aspect technique, je comprendrai parfaitement.
Si vous attendiez Crysis 2 pour le solo, j'espère sincèrement que vous ne serez pas trop déçu. Au-delà de l'action très correcte et d'une nano-suit vraiment sensuelle, le jeu m'a laissé froid bien malgré moi. Le multi offre davantage de sensations et de fun, pour ceux qui aiment s'y adonner, grâce à ses bases classiques, mais solides, et épicées par les pouvoirs de la combinaison. À partir de là, c'est vous qui décidez selon vos affinités, on est quand même loin du mauvais jeu ! Les très bons FPS ne courent pas tant les rues de toute manière. Et puis on peut arracher les mitrailleuses lourdes de leur socle et dégommer des hélicos avec, bon sang ! Rien que pour ça...