Les fans ont toujours une petite méfiance lorsque pointe un Castlevania en 3D. Malgré quelques qualités dans les tentatives les plus récentes, ce sont bel et bien les traditionnels épisodes 2D qui les font encore et toujours vibrer. La délicate mission de Castlevania : Lords of Shadow est donc de tenter une nouvelle fois de balayer ce préjugé d'un revers de fouet, et franchement... il le fait mieux que jamais. Avec classe, avec talent, en changeant beaucoup de choses... mais en gardant aussi un véritable esprit Castlevania !
Les versions étant similaires, les tests le sont également. La version 360 occupe deux DVD.
Certes Lords of Shadow ne vous propose pas de parcourir pendant des plombes un gigantesque château bourré de salles secrètes, et certes il s'apparente de prime abord à un God of War-like... mais il est très loin de singer bêtement Kratos sans se préocuper de toute la mythologie Castlevania. Qu'on parle d'ambiance, de design ou de gameplay, c'est en effet à un vrai Castlevania qu'on a affaire ici. Mais un Castlevania qui vous surprendra tout de même par sa variété et ses idées, un Castlevania qui ose s'émanciper, se détourner du chemin tout tracé pour tenter de nouvelles choses... tout en y revenant subtilement, par petites touches, avec humilité et respect. C'est d'abord cette démarche de Mercury Steam, développeur espagnol qui avait une lourde responsabilité sur les épaules, que je retiens au moment d'aborder ce test.
Gabriel le dieu de la guerre
Tout commence donc au moment où Gabriel Belmont, héros grand, baraqué et classe, membre de la Confrérie de la Lumière muni d'une "croix de combat" dont la longue chaîne fait office de puissant fouet, déboule à cheval dans un tout petit village, éclairé par la pleine lune et détrempé par une pluie torrentielle. Un village qui ne tarde pas à être attaqué de toutes parts par une armée de loups-garous qui nous plongent immédiatement dans l'action et nous proposent de découvrir le système de combat de Castlevania : Lords of Shadow. Une caméra fixe, deux types de coups (horizontal et vertical), un bouton de saut, des chopes... et déjà pas mal de possibilités de combos. Mais n'oublions pas la touche de garde, qui permet aussi de contrer avec le bon timing, ou d'esquiver une attaque d'une habile roulade, deux éléments essentiels du jeu, car les ennemis ne sont pas là pour se faire charcuter sans résistance, ou pour vous donner simplement un sentiment de surpuissance. Non, les bougres sont même sacrément coriaces ! Je suis allé trois fois vérifier le niveau de difficulté, mais j'étais bien en "normal"... Le ton est donné : le jeu ne sera pas une promenade de santé et il faudra rester concentré pour rester en vie !
On découvre bientôt également les armes de jet, avec d'abord les traditionnels couteaux, auxquels s'ajouteront bientôt les fées, les fioles d'eau bénite et les cristaux noirs. Des tonnes d'autres choses s'ajouteront d'ailleurs tout au long de l'aventure, pour densifier le système de combat. Il y a d'abord les (très) nombreux combos, qu'on débloque à la chaîne pendant tout le jeu grâce aux points d'expérience récoltés, mais il y a aussi les pouvoirs magiques d'ombre ou de lumière, qui tiennent un place de plus en plus importante, mais aussi les charges, les coups de poing au sol... Vous découvrirez progressivement un système de combat tout simplement hallucinant de variété, grâce auquel on débloque en permanence de nouvelles choses qui serviront à un moment ou à un autre, au combat ou hors-combat...
Gabriel le touche-à-tout
Comme le veut la tradition des Castlevania, il ne s'agit pas seulement ici de pourfendre du monstre à gogo. La variété est de mise côté gameplay et vous retrouverez ainsi, en plus des nombreuses phases de combat, des séquences d'exploration et de plateforme, mais aussi différentes énigmes, très localisées ou bien étalées sur l'ensemble d'un niveau. Côté exploration et plateforme, votre précieux fouet servira bien entendu de "grappin", à la manière d'un Super Castlevania IV par exemple (mon épisode préféré au passage, et celui de Dave Cox aussi d'ailleurs, comme il nous disait en interview le producteur du jeu), pour se balancer entre deux plateformes, pour grimper ou descendre le long d'une falaise... À cette mécanique s'ajoute celle de la grimpette à mains nues aussi, dans des séquences d'escalade qui font irrémédiablement penser à Uncharted. Côté énigmes, il pourra s'agir de petits casses-têtes plus ou moins corsés, casés dans un écran fixe, ou encore de phases plus intégrées au jeu, dans lesquelles il faut par exemple frapper sur des interrupteurs, déplacer des miroirs pour faire circuler un rayon lumineux, etc.
Ce qui est très agréable, c'est que ces scènes sont super bien balancées, qu'elles donnent toujours des zones de respiration et évitent avec brio ce sentiment de répétitivité qu'on ressent tout de même dans beaucoup de jeux d'action du genre. D'autant que de nombreuses scènes cinématiques, belles, classes et hyper bien intégrées, viennent également équilibrer le tout, et évidemment donner du corps à l'histoire et aux personnages. Sans vous en dévoiler trop d'ailleurs, sachez simplement que Gabriel tentera durant cette aventure de récupérer le "masque de lumière" dans les terres les plus dangereuses de la région, dans le but de ressusciter sa femme Marie, dont il était éperdument amoureux et qui a été tragiquement assassinée... Le personnage principal affiche d'ailleurs une tristesse et une mélancolie palpables, un charisme certain qui va de paire avec un univers "castlevanien" des plus efficaces qui force d'autant plus le plaisir d'immersion dans cet univers. Charmant.
Gabriel le roi du clin d'oeil
Je comparais un peu plus haut les phases de grimpette avec celles d'Uncharted, mais la saga de Naughty Dog ne représente certainement pas la seule source d'inspiration de Castlevania : Lords of Shadow, loin de là. C'est comme si Mercury Steam avait pioché dans tous un tas de grands titres, récents ou non, pour nous offrir un gameplay aussi varié que possible. Le plus gros choc reste ces duels contre les titans, qui se jouent exactement comme dans l'extraordinaire Shadow of the Colossus... Qu'on parle de clin d'oeil, d'hommage ou de repompe, ce que j'en retiens, ce sont des scènes superbes et grisantes, qui apportent vraiment quelque chose à la formule. Bienvenue à elles donc, dans ce jeu bourré de gameplays divers et variés. Pour le reste, il est amusant de déceler une cascade d'autres clins d'oeil plus discrets à d'autres grands jeux, comme Portal par exemple (si, c'est possible !), mais aussi à certains films (Le Labyrinthe de Pan) et bien entendu à d'anciens jeux Castlevania... avec par exemple cette scène dans une boîte à musique, dans laquelle on peut retrouver avec joie le thème principal de la saga, ou encore ce niveau dans un beffroi à la Super Castlevania IV. Certains verront peut-être en ces emprunts un certain manque d'inspiration, j'y vois au contraire des hommages qui se conjuguent très bien dans l'ensemble du jeu, sans le dénaturer.
Gabriel le généreux
Le plus frappant dans cette aventure, qui au passage est bien plus difficile et plus longue qu'on l'aurait cru (plus de 40 niveaux pour une durée de vie au delà de la douzaine d'heures), c'est donc dans cette avalanche de choses à débloquer, de situations de gameplay et d'environnements tous différents qu'il s'exprime. Un déluge presque enivrant. Les développeurs on vraiment fait preuve d'une énorme générosité, et il n'y a franchement quasiment rien à jeter dans le tas. D'autant que malgré ses petits airs old-school (la caméra fixe et les nombreux murs invisibles n'y sont pas pour rien) le résultat graphique et technique est vraiment somptueux. La découverte de chaque nouel environnement est à chaque fois un régal, tandis que les musiques, superbes, et les dialogues (en anglais sous-titré français), d'excellente facture, enrobent le tout à merveille, de même que les éléments secondaires d'une interface pleine de charme, articulée dans les pages d'un grimoire qui offrira informations sur les monstres (avec leurs faiblesses et leurs résistances), les personnages principaux, la carte du monde et ses secrets.
Tout cela n'est évidemment pas dénué de petits défauts, parfois très, très crispants. Et là je pense principalement au manque de finition du gameplay dans certains passages bien précis, qui auraient dû être facilement corrigés après un playtesting efficace. Une scène qui aurait pu être mythique, comme ce combat contre le titan de glace, devient vite un cauchemar dans lequel votre salut viendra de votre capacité à contourner un passage mal réglé. Crispant, je vous dis, comme certains autres niveaux durant lesquels vous maudirez ces caméras fixes, qui soit vous empêchent de trouver une issue, soit vous font totalement perdre votre orientation dans des niveaux labyrinthiques. Le level design est pourtant très, très bon parfois.... mais bon, sachez que vous pesterez forcément durant quelques passages. Ces réserves ne m'ont pour autant pas empêché de triper des heures durant sur Lords of Shadow, et de retenir surtout cette longue aventure comme mon meilleur moment ludique de la rentrée. Carrément.
Castlevania : Lords of Shadow est un jeu d'action-aventure profondément généreux, bourré de contenu, de cadeaux pour les fans de la saga, mais aussi pour les fans de jeu vidéo tout court. Il offre des clins d'oeil en pagaille, il offre une avalanche de combos, de gameplays différents, d'environnements superbes... le tout dans un emballage terriblement "castlevanien", qui tente plein de nouvelles choses mais respecte profondément ses aïeux. Un grand bravo aux espagnols de Mercury Steam donc, malgré les quelques problèmes de finition et de réglages de gameplay... On leur souhaite en tout cas beaucoup de succès sur ce coup, parce que mine de rien, on ne dirait pas non à une suite !