Un jeu à petit prix, dans la catégorie des FPS, la plus populaire, avec une proposition centrale inédite (se concentrer sur le snipe de manière réaliste) avec des valeurs de production qui n'ont pas à rougir des gros titres à prix coûtant : Sniper Ghost Warrior a, sur le papier en tout cas, du répondant. Mais une fois dans la console, la réalité de la galette nous ramène vite à un constat implacable : ce n'est pas parce qu'il est moins cher qu'un jeu peut se permettre d'être moins fun.
Dans la peau de notre sniper envoyé en mission pour abattre un dictateur de petit pays fictif d'amérique du sud, on se laisserait facilement surprendre lors des premières minutes de SGW. Les décors semblent travaillés, avec une végétation dense, l'ambiance sonore (en VO, recommandée) et notamment le travail de la voix de votre binôme (les musiques sont moins réussies) qui vous guide dans votre approche d'une bonne position de tir, s'avère de haute volée (et pour cause, c'est par la même boîte qui a travaillé sur les Modern Warfare), bref : on n'a pas l'impression d'être dans un jeu "budget", mais bien dans un shooter "à niveau". Puis on avance et on remarque bien vite les petits détails qui ne trompent pas : visages de cire, mise en scène datée, binôme qui ne réagit pas lorsque la mission tourne au vinaigre, ennemis qui peuvent passer de l'ignorance totale du canon de fusil qu'ils ont sous le nez, à la vision et à la visée bioniques faisant fi des hautes herbes dans lesquelles on est pourtant allongé et camouflé... Ça ne trompe pas, donc : les finitions du jeu de City Interactive sont un premier indice de sa modestie. Faut-il néanmoins persévérer ?
Un problème d'exécution
Cher ou pas cher, un jeu doit avant tout éviter de frustrer et d'énerver le joueur. Et malheureusement, SGW et ses 16 missions a beau proposer un Game Design intéressant, avec des niveaux de difficulté adaptant le gameplay au réalisme souhaité en matière de snipe (influence des battements du coeur, du vent, de la distance de tir, etc.), il se retrouve bien vite plombé par une foule d'éléments qui font grincer des dents. Le Chrome Engine 4, d'abord, qui propulse le graphisme de Sniper Ghost Warrior, lui permet d'afficher des jungles étonnamment luxuriantes, c'est vrai, mais au prix d'un scintillement qui se marie très mal avec la nécessité de précision et d'observation attentive liée au rôle de sniper. Les scènes d'infiltration offrent de bonnes sensations, mais sont horriblement punitives. L'échec peut survenir aisément à cause de la jauge de furtivité totalement inefficace : mal située en bas de l'écran (il faut baisser les yeux du réticule de visée pour la tenir à l'œil), et souvent remplie bien trop vite pour qu'on puisse éviter d'être découvert en cas de faux pas, elle ne sert pour ainsi dire qu'à fruster le joueur. Frustré, il le sera aussi lorsque l'IA ennemie le débusquera à 500 mètres, immobile, planqué, se mettra à courir contre un mur dans l'espoir de le traverser tôt ou tard, ou ne réagira pas alors qu'à 3 mètres un soldat tombe dans une gerbe de sang. Il le sera encore lorsqu'il verra un soldat s'élancer en travers de sa position en parvenant malgré tout à lui tirer dessus comme si le canon de son fusil était tordu à angle droit. Il le sera enfin lorsque sur un pont de cordes et de planches en sal état, il glissera par Dieu sait quelle bug vers une chute mortelle, au travers d'un trou qu'il cherchait pourtant à éviter avec précaution. Puis il y a les choses qui agacent plus qu'elles ne frustrent : les ralentis suivant la balle sur les tirs à la tête réussis après avoir retenu sa respiration, ça va bien 5 minutes, puis on s'en lasse. De même, c'était une bonne idée de permettre au joueur d'utiliser un grappin de lui même pour descendre en rappel ou grimper plus facilement sur une corniche, mais manette en mains, ça ne fonctionne pas bien du tout (on se fait donc repérer par la faute du gameplay). Agaçante aussi, la disposition des checkpoints dans le level design, mal pensée et trop punitive elle aussi. Agacé, frustré, c'est donc ça le quotidien du sniper ?
Pour les puristes obstinés, patients et peu regardants
Il reste bien à Sniper Ghost Warrior quelques cartouches à faire valoir. Outre son prix préférentiel, donc, qui ne l'empêche d'ailleurs pas de proposer un peu de multi (3 modes, 6 cartes, mais que de la Campe entre snipers donc c'est un peu mou), le traitement du cœur du jeu, le tir à la lunette, est assez réussi. Il y a bien des moments de grande satisfaction, en jouant au moins en normal et non en facile, à constater l'efficacité d'un tir lointain qui fait mouche. D'autant plus lorsqu'on est en mode difficile, pour lequel les assistances à la visée sont désactivées. Il tente aussi d'introduire un peu de variété en proposant quelques missions dans la peau d'un soldat classique, mais montre au passage ses limites lorsqu'il s'agit, du coup, de fusillades axées action. On sent une certaine bonne volonté, donc, de proposer quelque chose qui sorte de l'ordinaire du FPS, mais un joueur frustré ou agacé ne pardonne pas les développeurs... Autant le scénario couru, les cinématiques un peu merdiques et la modélisation des personnages peuvent trouver clémence à nos yeux, si le gameplay et l'expérience suivent, autant quand on passe plus de temps à grincer des dents qu'à les découvrir en un sourire, on se dit qu'il vaut vraiment mieux dépenser 30 euros de plus pour avoir un vrai jeu.
Petit prix ou pas, il y a des écueils capitaux à éviter dans le jeu vidéo. A commencer par les bugs et autres approximations d'un gameplay amené à frustrer, voire à énerver le joueur. Malheureusement, malgré sa proposition solide sur le papier, Sniper Ghost Warrior commet les impairs impardonnables. Même à 40€, donc, mieux vaut compter un jeu de moins dans sa collection et garder ses sous pour un autre, plus tard, mieux fini, mieux foutu. Car du FPS de qualité avec du snipe, ça ne risque pas de manquer dans les années à venir.