Metal Gear. Une saga gargantuesque, de celle qui façonne le paysage ludique mondial depuis plus de 20 ans maintenant. Pourtant malgré toutes ses qualités, la série divise. Amour. Haine. En effet s'il est impossible de ne pas respecter le panache de la réalisation, difficile de ne pas souligner certaines errances narratives ou de gameplay ayant parfois entaché l'épopée de Snake. En se concentrant sur la PSP, Hideo Kojima et ses équipes ont souhaité revenir aux sources. Se focaliser sur la créativité, le gameplay, bien avant la prouesse technologique. Une approche salvatrice. Avec Metal Gear Solid : Peace Walker, Big Boss décroche son plus beau rôle...
Ce test est une mise à jour de nos impressions sur la version définitive française.
Au même titre que Dragon Quest IX, Monster Hunter ou Yakuza Project K, Metal Gear Solid : Peace Walker participe à une tendance lourde du marché du jeu vidéo japonais. De plus en plus de licences fortes connaissent ainsi le succès, voire développent leurs "vraies" suites non pas sur consoles de salon... mais bien sur portables. Si en occident, la réaction initiale serait de considérer ce mouvement comme un recul, au Japon, les ambitions des développeurs n'ont quant à elles pas été réduites par cette transition. Metal Gear Solid : Peace Walker en est le symbole le plus évident. En effet, au-delà des graphismes (du jamais vu sur PSP), c'est avant tout la richesse de gameplay et les nouvelles idées intégrées dans l'UMD qui feraient rougir Metal Gear Solid 4. C'est bien simple, en se plongeant dans Peace Walker et en découvrant heure après heure la densité de son contenu, on finit par réellement réaliser que Kojima avait raison. Oui, Peace Walker est bel et bien Metal Gear Solid 5 !
Metal Gear Solid 5 dans la poche
Les fans de la série sont donc prévenus, bien plus qu'un épisode parallèle comme l'était Portable Ops, ce volet étoffe l'histoire de la saga et lève le voile sur la période séparant Metal Gear Solid 3 et Metal Gear Solid. En un mot : indispensable pour tout fan qui se respecte. Alors bien sûr, pour ceux qui se poseraient la question, oui, Hideo Kojima est toujours aussi bavard. L'histoire est donc réellement longue (comptez plus de 20H pour la campagne solo), rentre dans les détails... du vrai MGS en somme. Vous saurez enfin réellement comment Snake a basculé et imposé Big Boss comme un ennemi légendaire suite à la création de Militaires Sans Frontières. Apprêtez-vous aussi à retrouver certains personnages de la mythologie des MGS, à en découvrir d'autres, et à vous prendre de belles révélations en pleine figure. Dès le premier quart d'heure par exemple, une révélation risque de vous laisser sur place. Sans spoiler, les fans pourront ainsi décrypter chacun des clins d'oeil... Kaz Miller, par exemple, ça ne vous dit vraiment rien ? Dans les faits, tout commence comme la démo... à quelques nuances près. La réalisation graphique impose d'entrée sa classe. Techniquement, hormis une très légère trame, l'impression visuelle est sidérante. On se situe quasiment au niveau de Metal Gear Solid 2 version PS2... mais désormais au creux de la main. Les environnements sont riches (jungle, temple, base, etc), les animations particulièrement coulées, l'ambiance sonore envoûtante (les musiques et les cris caractéristiques des boss mécaniques), les temps de chargement assez courts (si tant est que vous ayez installé le jeu, 2 méthodes étant proposées). Bluffant. Les cinématiques jonglent quant à elles habilement entre cut-scenes en 3D pré-calculée (avec un rendu quelque peu boosté) et séquences ultra dynamiques en dessins à l'image de Metal Gear Solid Bande-Dessiné. Le résultat se montre diaboliquement stylé et confère un cachet assez unique à l'ensemble... d'autant que ces séquences sont parfois interactives. Vous pouvez zoomer, mais surtout vous devrez parfois déclencher des actions dans un délai très court. Snake arme un bazooka et doit détruire une installation... Snake doit mettre hors de portée de nuire un garde... Pour la première fois, les longues cinématiques requerront donc attention... mais aussi réflexes ! Sans parler que l'humour fait son retour magistral dans Peace Walker... après avoir presque été oublié dans Metal Gear Solid 4. Blagues et situations comiques permettent ainsi d'alléger un contexte au demeurant particulièrement mature.
Prise en main, ou de tête ?
L'une des principales interrogations restait de savoir comment Kojima Productions allait résoudre l'absence de second stick analogique (pour gérer les caméras). Et il faut avouer que dans les premières minutes, la prise en main se montre assez peu instinctive. Une sensation qui s'estompera pour finalement disparaître lorsque vous aurez pris le temps de chercher, puis paramétrer dans les menus le style de maniabilité qui vous convient le mieux. Sachez que 3 types de contrôle sont proposés : Tireur (caméra sur les boutons Croix, Carré, Rond, Triangle), Action (caméra sur la croix digitale), Chasseur (objets sur les tranches). J'ai pour ma part choisi le type Tireur, avec caméra sur les touches (Rond, Carré, Croix, Triangle). Cela n'a certes rien de bien naturel, mais cela fonctionne aisément avec un peu de pratique. Bien évidemment, dans les séquences les plus tendues, il n'est pas toujours évident de viser précisément. Un petit défaut que l'on peut partiellement améliorer en enclenchant une aide à la visée (mais je ne vous le conseille pas, elle fait parfois faire de lourdes erreurs). Mais sur ce point, avouons que la PSP n'offre pas le même confort qu'une manette. En ce qui concerne le changement d'armes et les équipements, on passe de l'un à l'autre d'une pression de la croix directionnelle... mais attention, le jeu ne se met plus en pause lorsqu'on passe dans ces menus. Vicieux. Quoiqu'il en soit, avec un peu d'habitude, se plaquer contre un mur, permuter les armes, et avancer à pas de velours s'avère suffisamment précis pour ne pas faire naître de frustration. Dans les combats rapprochés, un mode de combo a même été intégré. Une sorte de QTE apparaît lorsque plusieurs ennemis sont groupés. En validant au bon moment sur la touche droite de la tranche, vous enchaînerez les prises avec un joli effet de ralenti et désarçonnerez vos adversaires en un instant. Classe.
IA mon ennemi, multi mon ami
Metal Gear Solid : Peace Walker est véritablement pensé comme un jeu multi... dans lequel il est possible de jouer en solo. Et c'est un changement conséquent dans la série. Du coup, même s'il est tout à fait possible de finir le jeu sans jamais se connecter (en réseau local), je peux vous assurer que la difficulté risque d'en frustrer bon nombre. Je l'avais déjà souligné il y a quelques semaines, les combats contre les boss IA (oui, dans cet épisode les boss sont des robots chantants) sont d'une difficulté assez surréaliste en solitaire. En effet ils ont été conçus pour être abordés à plusieurs (manoeuvre de diversion, attaque groupée, etc). Seul, il vous faudra impérativement cerner vite leurs points faibles et optimiser votre arsenal. Vous serez d'ailleurs presque obligés de ratisser les missions annexes afin de faire progresser les soldats de votre Mother Base, et ainsi de développer un meilleur équipement. Qu'il s'agisse d'armes lourdes ou de soins puissants. Je vais donc être très clair : finir l'aventure en solo fait de vous en véritable Big Boss ! Dur, mais jubilatoire.
Puisque j'évoque l'IA, sachez qu'elle est loin d'être irréprochable. Elle n'est ni très réactive, ni très stressante. Elle se contente de faire le job. Une erreur ? Certains diront que oui, et ils n'auront pas forcément tort. Mais rappelons que comme dans tous les MGS il s'agit avant tout de "jouer avec les adversaires". Vous cernerez donc vite leurs limites (ils sont globalement assez sourds), et vous vous amuserez ainsi à composer avec leurs rondes. La difficulté du jeu est donc ailleurs. Sur console HD cela serait sanctionnable, mais pour du jeu portable dont la lisibilité et la jouabilité sont moins évidentes, quelque part, c'est un choix qui peut se comprendre... ludiquement parlant.
Et puis il y a le multi. Le simple fait que l'ensemble des missions a été conçu pour être accessible jusqu'à 4 joueurs en simultané est une indication de son importance. L'ensemble se joue en réseau local. Une connexion rapide. Des possibilités multiples. Vous pouvez échanger vos soldats, vous pouvez créer des clans, et en plus du co-op, il existe quels aspects compétitifs, jouables eux jusqu'à 6 (pas les plus intéressants cependant). Incontournable.
Tactical Espionnage Operations
À noter aussi que pour la première fois dans un MGS, le jeu n'est pas sous-titré Tactical Espionnage Action... mais Tactical Espionnage Operations. Un changement de nom qui souligne bien l'orientation nouvelle du titre avec sa campagne solo (Ops Principales) et tous ces à côtés (Ops Bonus), sans oublier le multi pur (les Co-Ops). D'ailleurs, chaque mission, même la campagne principale, peut à tout moment se jouer de 2 à 4 joueurs (il nous tarde de l'essayer pour pouvoir en profiter en bonne et due forme). Pour conclure, information d'importance : sachez qu'en solo, la difficulté a tendance à monter assez vite. Je vais être clair : il s'agit sans conteste du MGS le plus dur de la série ! En cas de Game Over, vous ne recommencerez pas dans la zone où vous êtes mort... mais bien en tout début de mission. Et contre certains Boss aussi gigantesques que redoutables, vous allez crier. Reste que ces derniers mettent vraiment en valeur le game design du titre, vous demandant des approches plutôt subtiles et l'obligation de vraiment élaborer vos tactiques d'assaut... d'autant que si vous ne les détruisez pas, vous pourriez bien récupérer de sympathiques bonus.
Metal Gear Solid ++
De son côté, le game design se montre aussi des plus généreux. Au fil des missions, une impression s'installe. Celle voulant qu'en s'étant débarrassé de la lourdeur d'un développement HD, les équipes de Kojima Productions semblent avoir pu se concentrer sur les nouveautés de gameplay. Et comparé à Metal Gear Solid 4, la différence se fait sentir. Pour être franc, au début, l'avalanche est telle que je me suis senti presque submergé. Entre le nouveau système de gestion de la Mother Base (plate-forme au large du Costa Rica dans laquelle vous allez gérer votre milice après recrutement sur le champ de bataille), les modes multi-joueurs (Co-Op, VS, etc), le nouveau système de codec (qui se déclenche in-game sans coupure), l'absence de pause en activant les menus (augmentation du stress), l'ajout des ballons Fulton pour exfiltrer les gardes, les assauts ultra stratégiques (et très durs) face aux boss, parfois près de 15 fois plus grands que vous, le découpage en mission, le tuning d'équipements, la conception de véhicules, le piratage des boss... n'en jetez plus, ce MGS : Peace Walker fait souffler un réel vent de fraîcheur sur la saga. C'est sans conteste possible l'épisode dans lequel il y a le plus d'interactions et finalement... de jeu.
Il y a toujours quelque chose à faire, une sous-mission à découvrir, un élément de la Mother Base à gérer (c'est une sorte de vrai mini-jeu de gestion complet, dans le jeu). Cette dimension gestion engouffrera en effet à elle seule des heures de jeu. Vous dépenserez l'argent acquis sur le terrain (les GMP) pour allouer des tâches précises à vos soldats (ingénieurs, médecins, informateurs, cuistos, etc). Attention, à l'image d'un RPG, chacun possède des points de compétences répartis selon les postes. Pour être le plus efficace possible, vous devrez donc optimiser leurs compétences, et ne pas déséquilibrer les rôles. N'oubliez pas non plus de bien gérer la bonne santé de vos hommes si vous ne voulez pas subir de désertion. Bien évidemment, mieux vous gérerez vos hommes, plus vite vous gagnerez de nouveaux équipements, perfectionnerez vos armes et développerez de technologies qui vous serviront plus tard en mission. Car par la suite, vous pourrez les échanger avec vos amis (l'aspect Pokémon) et vous pourrez même les envoyer en mission avec hélicoptères, tanks & co (que vous aurez récupérés sur les champs de bataille). Sans parler de la construction de votre propre Metal Gear (vous volerez des composants sur les boss) qui, pour les fans de la série, représentera un moment forcément unique eu égard à l'histoire de la saga. Lorsqu'on sait que le développement s'est bouclé en un peu plus d'un an seulement, la performance peut être saluée.
Pour tout ceux qui en doutaient, soyez définitivement rassurés : Metal Gear Solid : Peace Walker s'impose bel et bien comme un vrai MGS... mais surtout un vrai jeu ! Le code génétique de la saga est ici respecté mais il s'est tellement étoffé que l'aventure dispose d'une saveur personnelle. Moins film interactif, plus ludique. Il y a tant de modes, tant de bonus ou d'éléments qui se débloquent au fur et à mesure, d'aspects de jeu à gérer... L'inspiration Monster Hunter est évidente et elle a fait clairement du bien au jeu de Kojima. Au point qu'entre la gestion d'effectif de la Mother Base et celle d'équipements, le jeu devient vite addictif pour autre chose que sa campagne solo. Pas de doute, voici un épisode majeur dans l'histoire de la série de part l'ampleur de son contenu, l'exigence de qualité dont il fait preuve, la force de son histoire... mais aussi la console sur laquelle il arrive. Un signal fort pour l'industrie du jeu vidéo qui devra définitivement compter de plus en plus avec les consoles portables. Du Japon à l'Occident. Les temps changent, Metal Gear fait désormais partie des pionniers de cette révolution.
En exclusivité mondiale, retrouvez d'ores et déjà notre reportage vidéo au coeur des studios de Kojima Productions afin de tout savoir sur les coulisses de ce MGS : Peace Walker, et rendez-vous vendredi 11 juin pour l'interview intégrale de Hideo Kojima.