Soumettre le test de DJ Hero à un gars qui fait tourner des plaques dans les clubs depuis une vingtaine d'années, c'est une entreprise risquée. C'est un peu comme demander à un guitariste ce qu'il pense de Guitar Hero. Il y a toujours une possibilité de snobisme. Du coup, j'ai décidé de ranger au placard mes velléités de « pro » pour attaquer mon papier avec un peu de recul et de sobriété. Même si, pour la forme, je pinaille un peu à la fin. Parce que j'aime ça.
Une chose est sûre : les habitués des « rhythm games » ne risquent pas le dépaysement. DJ Hero fonctionne en effet selon un principe éprouvé : des « notes » de couleur descendent de l'écran et lorsque l'une d'entre-elle atteint le bord du bas, on vous demande (gentiment mais fermement) d'appuyer sur le bouton de couleur correspondante, tout en synchro.
Mais plutôt que de décomposer un morceau pour vous proposer d'en rejouer la ligne de basse ou la partie rythmique (comme ses petits camarades à guitare et batterie), DJ Hero vous offre, amis mélomanes, ce qu'on appelle des « mash-ups », c'est-à-dire le savant mélange de deux morceaux, que tout oppose parfois, pour en faire quelque chose de neuf. On se retrouvera par exemple à croiser la voix de Freddie Mercury hurlant « We Will Rock You » avec les synthés futuristes du « Robot Rock » de Daft Punk, ou le « Shout » de Tears for Fears avec le dernier Eric Prydz. Rigolo.
Le facteur poulpe
Trois boutons de couleur à presser au moment adéquat, rien de bien sorcier a priori, la méthode a déjà été largement testée et approuvée dans les autres jeux musicaux du genre. Sauf que ça se complique : le gameplay s'enrichit ici de nouvelles manipulations bienvenues qui risquent de mettre à forte contribution votre coordination (et vous empêcher par la même occasion de jouer bourré, ce qui est, j'en conviens, un peu dommage).
En premier lieu, la platine tourne. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Ça veut notamment dire qu'on aura, de temps à autre, à balancer une petite séquence de scratch pour marquer des points, ou un backspin (lecture arrière du morceau pendant un bref instant) pour rejouer une séquence et exploser son score.
Et ce n'est pas tout...
Autre nouveauté : la présence d'un « cross-fader », curseur horizontal qu'on déplacera pour couper le volume sur l'une ou l'autre platine et ajouter ainsi un peu de dynamisme à sa prestation. Et enfin, on pourra également faire mumuse avec un filtre passe-bande, pour jongler entre les basses et les aigus. Tout ça, comme vous vous en doutez, va demander une bonne dose de concentration.
Heureusement, les niveaux de difficulté sont plutôt bien pensés : au niveau le plus bas, on vous demandera juste de frapper les trois boutons en synchro avec ce qui défile à l'écran, le niveau suivant ajoutera la différenciation entre les couleurs et un peu de scratch, etc. Jusqu'au niveau le plus difficile où vous risquez bien de faire fumer quelques neurones et le bout de vos doigts.
L'autre bonne nouvelle, c'est la présence dans le jeu d'une confortable centaine de « mash-ups » différents, préparés par quelques cadors du milieu comme DJ Shadow, Jay-Z ou encore le légendaire Grandmaster Flash. Il y en a pour tous le goûts, de l'electro au hip hop, et même si les premiers morceaux qu'on débloque ne transpirent pas la grande inspiration, la plupart sont assez réussis. À tel point qu'on appréciera la possibilité de les écouter sans forcément jouer au jeu. Sans compter que, comme d'habitude, Activision proposera du contenu téléchargeable, histoire d'élargir la pléthore de titres déjà dispos. Et de se faire un peu plus de thunes aussi, soyons francs.
David Guetta, le parrain du jeu en France, a d'ailleurs promis (ou menacé, ça dépend du point de vue) d'offrir trois titres de son nouvel album en version « héro-ifiable » très prochainement. Niveau contenu, donc, c'est du solide.
Disque rayé
Mais je ne serais pas fidèle à moi-même si je ne prenais pas quelques lignes pour chouiner un peu. Deux défauts entachent à mon sens cette première mouture de DJ Hero... Tout d'abord, la position des boutons sur la platine est un peu étrange. Pendant les phases de scratch, il est nécessaire de maintenir enfoncé le bouton correspondant à la platine sur laquelle on veut intervenir et on réalise assez vite que l'opération est plus compliquée sur le bouton intérieur que sur l'extérieur. On se retrouve du coup à positionner sa main d'une manière assez peu naturelle et ça, c'est un peu pénible.
Deuxième grief : le « feedback » sonore que vous donne le jeu sur votre niveau de réussite n'est pas toujours très clair. Dans Guitar Hero, on entendait clairement les fausses notes et ratés. Ici, lorsqu'on se loupe, le résultat n'est pas toujours suffisamment moche pour vous le faire réaliser, surtout pendant les phases de scratch. Du coup, il est parfois un peu difficile de savoir quand on joue bien ou pas, surtout aux niveaux supérieurs, lorsque ça va très vite et qu'on n'a pas forcément le temps de lire le score en sirotant son café.
Pour un premier jet, DJ Hero s'en tire malgré tout avec les honneurs. La volonté d'élargir le genre à d'autres styles musicaux et de proposer un peu de fraîcheur au gameplay sont deux éléments qui devraient motiver les aficionados de la série à investir dans ce nouvel instrument étrange. En revanche, je doute franchement qu'il convainque les réfractaires au genre, étant donné que les principes de bases sont globalement les mêmes que dans les autres variantes. Pas une révolution donc, mais une évolution bienvenue dans un genre qui commençait tout doucement à ronronner. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle.