Est-ce un hasard si Machinarium a remporté le prix de l'Excellence Graphique (Excellence in Visual Art) au cours de l'Independant Games Festival 2009 qui avait lieu en marge de la GDC de San Francisco en mars dernier ? On verra dans la suite du test que si cette récompense est tout sauf usurpée, la créativité du titre ne s'arrête pas uniquement aux graphismes. Machinarium va bien au-delà de cet aspect purement visuel. Voyage dans un monde irréel sans strass ni paillettes. Plutôt boulons et écrous.
Depuis longtemps, Gameblog suit cette œuvre de près. Une production signée du studio indépendant Amanita Design, qui avait tôt fait de nous émerveiller, au fil des écrans de jeu distillés au cours des derniers mois. Le développeur, d'origine Tchèque, avait jusqu'ici réussi de véritables prouesses en matière de jeux flash, dont certaines perles sont à découvrir sans attendre sur leur site internet. Après avoir fait ses premières armes sur sa série de jeux Samorost, aux qualités graphiques et narratives indéniables, les tchèques d'Amanita Design ont voulu tenter l'aventure sur un titre plus porteur, reprenant les codes graphiques de ces précédentes œuvres. Avec cette fois un univers totalement "robotisé", et représenté avec une jolie cohérence, du début à la fin, aussi bien dans son univers global qu'à travers ses jeux de réflexion.
WALL-E en flash
Machinarium est un petit bijou d'animation, d'univers Tim Burtonesque et de casse-tête toujours sacrément bien pensés. Ici, point d'intro en CG, nous avons affaire à un jeu flash dans toute sa splendeur. Et ce, dans la "peau" d'un mignon petit robot qui fait indéniablement penser à Wall-E. Il ne parle pas, émet juste quelques sons lors de situations précises et devient très vite attachant. Ce personnage robot a été banni de sa ville et jeté dans une décharge. Sa dulcinée, quant à elle, est retenue prisonnière dans la ville en question. Il va donc devoir rassembler son esprit et les éléments éparpillés de son corps métallique, entrer dans la ville-forteresse et enfin trouver un moyen de la délivrer. Et bien entendu, éliminer les trois méchants qui causent des ennuis à tout le monde, et menacent de faire sauter la plus haute tour de la cité. Ce scénario quelque peu simpliste sert de prétexte à ce jeu aux charmes visuels dessinés entièrement à la main par l'équipe d'Amanita Design. Graphismes d'une finesse rare, poésie omniprésente lors des pérégrinations du robot sans nom, musiques et sons superbes sont à l'avenant. Sans oublier des énigmes parfois bien prise de tête. En tout cas suffisamment compliquées pour vous tenir en haleine quelques heures.
Un jeu bien huilé
Même si Machinarium est un jeu en point & click somme toute classique dans son déroulement, dans le sens où il vous faudra aussi récolter des éléments pour vous en servir à bon escient, si vous n'êtes pas proche d'un objet ou d'un personnage vous ne pourrez en aucun cas interagir avec. Un gameplay intelligent donc, qui met l'accent sur la réflexion plutôt que d'espérer découvrir, au détour hasardeux d'un clic aveugle, le petit pixel caché qu'il fallait actionner. Malin et tellement jouissif pour le joueur... Mais ce qui fait la force de Machinarium, outre ses qualités visuelles, ce sont bel et bien les multiples casse-têtes disséminés au fil de votre avancée, passages obligés pour pouvoir passer à la suite. Des moments de réflexion intense (un Puissance 5 ici, des jeux de logique pure par là...) tout est extrêmement bien ficelé. Les énigmes confinent parfois au génie, comme celle du ventilateur-Sphynx ou de l'oiseau métallique perché sur son fil. Vraiment énorme. Si vous pensez être réellement bloqué, deux types d'aide s'offrent à vous. L'aide classique qui vous indique le but à atteindre. Et l'autre, plus complète, mais qu'il vous faudra "gagner" après avoir fini une sorte de shoot avec une... clé. Une sorte de planche de BD vous fournit alors pas à pas la marche à suivre pour finir le tableau. Sympa.
Un charme fou
Les personnages sont également très attachants. Outre notre héros, capable de s'étirer ou de rétrécir à loisir grâce à son corps extensible qui lui permet d'aller chercher des objets en hauteur ou à ras du sol, nous avons également toute une ribambelle de comparses, fort agréables à l'œil. La fiancée, les trois musiciens qui ne peuvent plus jouer, la femme qui cherche son chien, le tétraplégique à la recherche d'huile de tournesol, etc. Bref, tout ce beau monde merveilleusement bien animé, se fond parfaitement bien dans l'univers créé par Amanita Design. Les saynètes diverses, notamment celles du robot sous forme de bulle, lorsque ce dernier est plongé dans une semi-somnolence, sont une autre trouvaille muette de toute beauté. Le seul point négatif pour beaucoup, c'est sa durée de vie, bien trop courte. Mais sincèrement, cela n'entache en rien la qualité du titre, les émotions qu'il dégage et le plaisir qu'on a à y jouer. Bref, la réussite que l'on entrevoyait depuis quelques mois est bien là. Vous pouvez succomber à son charme, sans aucun problème.
Poétique, accrocheur, sublime et blindé de bonnes trouvailles et d'énigmes retorses, Machinarium est une excellente surprise sur PC. Le genre jeu d'aventure en point & click vient de se trouver là un nouveau gameplay, qui change forcément beaucoup des jeux classiques. Seul petit reproche, mais eu égard à son prix (17€ avec les musiques sur le site d'Amanita Design), on lui pardonnera aisément : sa durée de vie. Comptez deux bonnes soirées, sans regarder la solution bien évidemment. Vivement une suite !