Depuis son annonce en grandes pompes pendant une des conférences Nintendo les plus ridicules de toute l'histoire de l'E3, Grand Theft Auto Chinatown Wars est resté relativement discret. Sans doute parce que Rockstar Leeds travaillait d'arrache-pied pour livrer à la DS un titre digne de la série, ce qui n'était pas gagné sur un tel hardware. Mais le pari est réussi : ce GTA sur DS est une pépite inattendue, dont les quelques petits défauts sont éclipsés par des qualités techniques et ludiques qu'on aurait jamais cru voir sur la petite portable.
Qui l'eût cru ? Un tel concentré de GTA tenant dans le plus petit hardware de cette génération ? Même en renouant avec la vue du dessus des deux premiers épisodes de Grand Theft Auto, ce Chinatown Wars parviendrait presque à nous faire oublier qu'on est sur la console reine du Casual Gaming, sur le hardware le moins "puissant" du point de vue graphique, dans un univers habituellement trusté par les mondes acidulés de Mario et consors...
Liberty City en poche
Vous le savez déjà si vous avez lu nos premières impressions, Rockstar a mis les grands plats dans les petits. En d'autres termes, ils ont casé presque tout Liberty City, version Grand Theft Auto IV, dans cette minuscule cartouche DS. À l'exception de la troisième île, tout y est, et les familiers de son grand frère retrouveront une version cel-shadée de chacun des recoins marquants de Bohan, Dukes, Brooker ou encore Algonquin. Les grands classiques, missions en taxi, voiture de police, et ambulance, cascades, courses illégales sont de retour, ainsi que la centralisation de messages et autres données ou services utiles. Le tout via un PDA tactile sur l'écran inférieur pour les emails, le GPS, commander des armes sur internet via Ammu-nation, et tout un tas d'autres options. À tout cela, il faut ajouter des missions Carnage (flinguer un maximum de gangsters), des livraisons de bouffe, trouver les 100 caméras de surveillance et les détruire pour dealer tranquille, le détournement des fourgons d'Ammu-nation ou des vans transportant les arrivages de drogue, et surtout une myriade hallucinante de mini-jeux tactiles très rapides et très bien foutus, intégrés aux missions ou non. Démarrer des voitures volées, fabriquer ses cocktails Molotov, fouiller des poubelles, tatouer des nouvelles recrues, désamorcer des bombes, gratter des tickets de loterie, j'en passe et des dizaines de dizaines. L'utilisation des spécificités de la DS, qu'il s'agisse du bi-écran ou des capacités tactiles, est tout simplement exemplaire, à l'exception peut-être du système de lancer des grenades / cockails Molotov, au stylet, qui n'est ni très naturel, ni très pratique.
Retour au comique de comic
Si vous regrettiez l'ambiance nettement plus sombre et mature de GTA IV, Chinatown Wars vous réconciliera sans doute avec le ton plus décalé d'un Vice City. L'histoire de Huang, le fiston de riche patron des triades fraîchement débarqué aux USA à la mort de papa, est contée dans Chinatown Wars avec une galerie de personnages et des dialogues plus frivoles. Évidemment, ça cause toujours de putes, de drogue, de bagnoles de sport et autres trucs "pour adultes", mais avec une écriture nettement plus légère et axée sur un humour potache et souvent facile, à grand renfort de vannes salaces, sans doute pour mieux accompagner le visuel cel-shadé et les cutscenes façon comic-book que forcent un hardware qui n'aura jamais de quoi jouer la carte du réalisme. L'histoire est donc peut-être plus faible, mais aussi plus fun. C'est aussi grâce à des missions incroyablement variées et bien trouvées ; d'une richesse ludique époustouflante, ces missions se paient même le luxe de surprendre les chevronnés de la série, à l'image de notre premier contact avec les courses illégales qui plutôt que de nous mettre au volant, nous demande de saboter la voiture du favori avant d'envoyer valser les autres dans le décor pour assurer la victoire de notre cher employeur. Surprises que l'on retrouve jusque dans les armes, avec des choses comme le lance-flammes ou la tronçonneuse. Pensée mobile, la maniabilité en véhicule ou à pied est quasiment impeccable (si ce n'est quelques soucis de lock en chipotant), tout comme le découpage des missions qu'on peut recommencer facilement en cas d'échec sans se retaper un trajet pénible pour y aller.
Sur DS, il n'y en a pas deux comme lui
Presque exempt de reproches du point de vue ludique, Chinatown Wars se paie le luxe d'être techniquement l'un des jeux les plus aboutis de la machine. Fluide et impressionnant de détails et de qualité visuelle, on ne peut pas lui reprocher grand chose non plus de ce point de vue, si ce n'est la difficulté parfois à reconnaître les flics d'autres piétons, ce qui conduit souvent à se retrouver avec la police aux fesses pour une "broutille". Le nouveau système de recherche demande au joueur de mettre hors d'état un certain nombre de voitures de police le poursuivant, dépendant du nombre d'étoiles de l'indice de recherche, et il est tout bonnement jouissif. Heureusement, car cette mini Liberty City grouille littéralement de keufs, bien plus que sa grande sœur. Enfin, impossible de conclure sans évoquer le deal de drogue, aussi addictif que son sujet. Complet avec ses territoires plus propices à telle ou telle substance, ses dynamiques d'offre et de demande, ses petits trophées à poser sur les étagères de la planque quand on excelle au deal, et son occasionnel échange qui finit par une course-poursuite avec les flics, j'y ai passé des heures sans même avoir le temps de m'en rendre compte autrement qu'en souriant devant mon compte en banque bien rempli. Acheter et vendre aux quatre coins de la ville en fonction des tuyaux et des opportunités, c'est en effet incroyablement lucratif : de quoi acheter des planques, des voitures de sport, et autres joyeusetés de nouveau riche, et ce, rapidement, pour ceux qui choisiront de s'y consacrer. Et ils feraient bien tant les missions payent peu. Côté multi, enfin, on devra se contenter de parties en local assez limitées. C'est un peu dommage, d'autant qu'il faudra une cartouche par joueur. Mais on n'aurait sans doute pas acheté ce GTA pour ça, de toutes façons.
Au final, ce Chinatown Wars est à classer dans les excellentes surprises. Si du point de vue scénario, il ne brille peut-être pas autant que certains prédécesseurs, ludiquement, il excelle tant à s'emparer des spécificités de la DS et à corriger même certains écueils tout en offrant une orgie de contenus qu'on n'espérait vraiment pas sur une si petite cartouche, qu'il est impensable de ne pas féliciter Rockstar Leeds pour ce travail exceptionnel. Après une telle réussite, on se prend même à imaginer le même degré d'inventivité pour un GTA Wii...