Fallait bien que ça arrive un jour. Après des siècles passés à botter le fondement du Comte Dracula, la dynastie Belmont a raccroché les fouets et autres crucifix. Notre bestiau aux dents longues étant décidément increvable, qu'allait-il advenir de l'humanité lors de la prochaine érection subite du fameux donjon maléfique ? Et plus important encore, va-t-il enfin demander un permis de construire ?
Rassurez-vous, un ordre du nom d'Ecclesia a repris le flambeau avec une jolie brune, Shanoa, en guise d'arme absolue. Je vous vois venir... Mais non, en dépit de son charme, l'objectif de notre héroïne n'est pas de faire perdre la tête à l'affreux vampire, du moins pas au sens figuré. Shanoa est en effet la seule à pouvoir absorber le Dominus, un glyphe surpuissant à même de renvoyer Dracula dans son cercueil. Dans le sillage de l'alternance paritaire de Portrait of Ruin, cet opus se dote ainsi pour principale protagoniste d'une donzelle, n'en déplaise aux machos. Un personnage qui n'échappe hélas pas aux clichés, à commencer par une malencontreuse amnésie doublée d'une nature peu volubile. Soit belle et tais-toi, voilà par conséquent ce que l'on retiendra de notre héroïne, à peine tiraillée par les évènements d'un scénario aux ficelles assez grossières. La sublime Shanoa ne manque pourtant pas de classe et rappelle même un certain Alucard, notamment à travers sa démarche quasiment mimétique. Le nouveau Character Designer, Masaki, n'y est évidemment pas étranger, Order of Ecclesia arborant un aspect visuel moins cartoon que son prédécesseur. De la bonne vieille 2D dessinée à la main, des scrollings parallaxes à foison et une palette de couleurs éclatantes, un spectacle que les fans apprécieront, sans l'ombre d'un doute, à sa juste valeur. Castlevania s'enliserait-il pour autant dans le conservatisme ? Que nenni, et ce pour de multiples raisons.
Le Castlevania de l'ubiquité
Tout d'abord les claustrophobes apprécieront de ne plus se retrouver emprisonnés dans un immense château, puisque Order of Ecclesia offre une vingtaine de lieux à explorer, avec pour copieux dessert l'inévitable demeure du sieur Dracula. Certes les tableaux de Portrait of Ruin avaient déjà apporté une touche de dépaysement, mais il s'agit véritablement cette fois d'un petit univers composé de multiples zones connectées les unes aux autres. En son centre se situe Wygol, une petite bourgade dont les habitants vous confieront moult missions annexes à accomplir, comme récupérer des matériaux, des ingrédients, exterminer voire même photographier des ennemis bien précis. Naturellement on sera récompensé en conséquence, la plupart du temps avec de nouveaux objets et un équipement plus efficace. Des tâches à ne pas négliger donc, et pas seulement dans l'optique de finir le jeu à cent pour cent, car ces petits bonus pèseront de tout leur poids face à l'adversité. En effet, si se livrer au Leveling et aux quêtes optionnelles permettait d'avancer très confortablement dans les précédents opus, c'est un passage vivement conseillé pour le cas d'Order of Ecclesia. Ce dernier renoue parfois avec une difficulté du temps jadis, au point d'ailleurs que quelques zones se résument à une simple section linéaire où l'action prend clairement le pas sur l'exploration. Autre exemple, les Boss, qui succomberont rarement dès la première confrontation, l'élaboration d'une stratégie adaptée étant fondamentale. Bien sûr, il faut s'imprégner des mouvements de la bête, mais il est aussi nécessaire de déterminer avec quel(s) glyphe(s) la rosser.
Dur dur, l'art de "glypher"
Tiens donc, des glyphes ? Et pourquoi pas des âmes ou des Skills ? Du pareil au même pensez-vous. Pas faux, dans la mesure où il est toujours question d'absorber les pouvoirs des ennemis pour s'en servir ensuite. Cependant, il ne faut pas trop se fier aux apparences, puisque ce système évolue très largement dans cet épisode. D'une part, les glyphes sont les seules armes dont Shanoa dispose. Attribuées aux boutons X, Y (un pour chaque bras) et R (souvent pour les sorts de soutient), les glyphes englobent également les vénérables haches, dagues et eaux bénites traditionnelles à la série. Quant aux cœurs, ils servent à lancer les surpuissantes unions de glyphes. D'autre part, les glyphes consomment des points de magie à chaque coup porté, de telle sorte que les frénétiques du martelage de bouton ne soient pas tentés de battre des records en la matière. Le rythme des combats, plus posé, s'en ressent indéniablement. Enfin la détermination des glyphes optimaux selon la situation et les combos qui en découlent ne sera pas utile que face aux Boss, loin s'en faut... Il en résulte un gameplay d'orfèvre, encore mieux calibré qu'à l'accoutumée. Et ce n'est pas peu dire quand on connaît l'excellence de la série en la matière. Si l'on y ajoute une quête moins linéaire du fait des différentes régions et des missions optionnelles, Order of Ecclesia s'impose comme un excellent cru. D'autant que la durée de vie s'avère solide, qui plus est avec les modes bonus (Boss Rush et Race en multi entre autres) et le retour du shopping en ligne. Reste quelques anicroches qui l'empêchent de détrôner le mythique Symphony of the Night, et en premier lieu les musiques. À l'exception du thème principal, les mélodies semblent un tantinet moins travaillées qu'à l'accoutumée. Privée de Masahiko Kimura et de Yuzo Koshiro, ses collaborateurs respectifs dans Dawn of Sorrow et Portrait of Ruin, la compositrice emblématique de la saga, Michiru Yamane, aurait-elle souffert de sa solitude ? Autre regret, le nombre relativement réduit de glyphes et surtout de reliques, la plupart de ces dernières étant en prime obtenues presque d'emblée. Dernier point, le challenge résolument corsé d'Order of Ecclesia risque d'emmurer encore davantage la franchise dans sa philosophie pro-Gamer, mais ça, nous ne nous en plaindrons pas...