Je viens de finir Uncharted Drake's Fortune. Je matte le générique, typiquement ciné avec la simplicité de ses lettres blanches sur fond noir, la reprise orchestrale du thème principal... Alors ? Alors ces scélérats de Naughty Dog savent encore comment faire des jeux. L'aventure de Nathan Drake livre à la PS3 un titre solide, que le père Noël ferait bien d'apporter à tous ceux qui en ont une.
Si l'aventure de Nathan, descendant du célèbre Sir Francis Drake, commence sur des bases historiques certaines, c'est tout ce que la légende de ce corsaire du XVIe siècle comporte de zones d'ombres qui prend très vite le dessus. Personnage ayant largement contribué à la réputation de la marine anglaise (avec un premier tour du monde et le passage du Cap Horn), sa vie est largement documentée... mais Naughty Dog a su la détourner pour lui donner ce descendant passionné, dont on prendra le contrôle pour parcourir une aventure haute en couleurs, riche en action et à l'intensité croissante.
L'archéologie et ses surprises
La plus grande force d'Uncharted ne réside ni dans son originalité, à peine perceptible tant elle se cache en de petits détails de gameplay ou d'ambiance, ni dans son univers graphique, pourtant magistral, ni encore dans ses puzzles, rares et plutôt simples. Ce n'est pas non plus ses scènes d'action, qui représentent au bas mot 70% du jeu, qui me poussent à reconnaître malgré mes réticences initiales qu'il serait regrettable de ne pas s'y plonger. Ce qui est le plus séduisant dans cette nouvelle licence de Naughty Dog, on l'a senti venir dès nos premières impressions : un scénario qui à défaut d'être surprenant, est admirablement bien conté et mis en scène, et des personnages en marge des héros souvent trop caricaturaux du jeu vidéo. Si Drake a une gueule un peu passe-partout, ce n'est pas un hasard : c'est finalement un type crédible, qui trébuche par moments sur un saut délicat, couvre ses oreilles quand on lui tire dessus, chevrote de la voix quand il se balance au bout d'une liane... capable de prouesses incroyables, mais aussi d'imperfections. On s'identifie sans mal, du coup, et la poursuite des secrets de Francis Drake dans cette jungle luxuriante, ces ruines coloniales et ces sous-terrains humides, est à l'image du jeu lui même : des débuts laborieux, quelques embûches, puis une progression qui s'accélère, jusqu'à un final en apothéose duquel on ne peut décrocher.
L'intelligence de ne pas se faire remarquer
Pourtant, si l'on se sent tellement happé par l'histoire, toujours désireux de la faire progresser pour découvrir la suite de l'aventure, c'est sans aucun doute parce que chaque élément du jeu lui-même sait se faire oublier. Certes, les premières fusillades peuvent être laborieuses, mais on finit vite par ne plus prêter attention à quelques petits défauts, ça et là, pour devenir le plus naturellement du monde le héros de l'aventure. De nombreux détails contribuent à fluidifier l'action, et paraissent si naturels qu'on n'y prête finalement pas attention : c'est bien là que réside le génie de telles idées. Les vues de caméra des passages plate-forme, l'IA brillante des ennemis qui savent incroyablement bien vous déloger de vos couvertures et vous prendre à revers comme on s'y attend, les lignes de dialogue en pleine action qui poussent un peu la narration, et évitent de toujours recourir à des cinématiques, l'absence de loadings, de barre de vie, les détails d'une excellente animation qui servent le gameplay comme le bras tendu vers une aspérité indiquant un saut possible, l'excellence de la musique (ce qui ne surprendra pas les fans de Firefly, puisque c'est à Greg Edmondson qu'on la doit) qui sait ponctuer les bonnes scènes, au bon moment et de la bonne manière... bref : une myriade de petits détails que l'oeil non averti ne remarquerait peut-être pas. Pourtant, ce sont bien eux qui font d'Uncharted un titre "next-gen" : une aventure coulée dans laquelle on plonge petit à petit, de plus en plus, avec un niveau de finition de premier ordre.
0% de matières grasses
Vous l'aurez compris, plus on joue à Uncharted, moins on a envie d'en décrocher. Les fusillades de couverture en couverture deviennent assez rapidement très plaisantes, d'autant plus avec le contrepoids offert par les passages plate-forme et leurs sauts millimétrés, et en ajoutant quelques puzzles (un peu trop rares, certes), des scènes hollywoodiennes brillantes de fuite en jeep ou de seadoo, un poil de snipe, une aventure dont la tournure finale change l'atmosphère radicalement en faisant monter la pression plus encore, et toujours cette narration brillante (dont on pourra profiter en VO si on le souhaite), Uncharted devient un blockbuster incontournable, et une entrée en matière réussie pour cette nouvelle licence - exclusivité de poids pour la PS3. Ok, c'est super-archi linéaire, mais on ne s'ennuie pas un seul instant. Pas d'allers-retours rallongeant inutilement la durée de vie, laquelle semble parfaite pour un titre de ce type : entre 8 et 12 heures, disons, pour le joueur moyen. Assez pour ne pas regretter ses sous et vouloir y revenir pour débloquer les succès manquants, et pas trop pour que ça reste intense et qu'on ne s'en lasse pas. Rien de superflu, des ingrédients classiques mais de première qualité. Uncharted n'est pas un jeu industriel, mais une perle qui témoigne de la passion d'artisans du jeu qui ont su se concentrer sur le plus important : le fun !