La Formule 1 de mon enfance me rappelle ces longues siestes digestives du dimanche. Celles où j'admirais d'un coin de l'oeil les courbes de la magnifique Benetton Renault. Celles où l'on pariait, en famille, sur le virage qui allait envoyer Jean Alesi dans le gravier. Celles aussi où le générique de "Top Position" réveillait le plus ivre de mes oncles. En jouant sur cette corde nostalgique, Codemasters a réussi son coup : me faire scotcher à sa nouvelle simulation de F1, moi qui était resté cloitré dans les stands depuis la disparition des paddocks de la sublime Karen Minier.
Ça ne vous aura pas échappé: dans les kiosques comme dans nos dressings, le vintage est partout. Un peu comme si notre vie s'était mise à ressembler à une vieille pub Bic tournée en Super 8. Cet élan nostalgique réactive chez certains le désir de s'immerger dans une période où tout semblait plus facile. Tout, sauf le sport automobile. Pour vous en persuader, courez dans les salles obscures y découvrir le travail de Ron Howard dans l'époustouflant «Rush». Le réalisateur nous raconte un temps où la mort guettait les pilotes à chaque tournant, où le talent et non la puissance financière de l'écurie déterminait la hiérarchie de course. James Hunt et Niki Lauda, dont la rivalité est mise en scène dans ce biopic, ne sont pas de la partie dans F1 2013. Cet épisode nous permet néanmoins d'incarner (presque) toutes les légendes de l'asphalte, celles, du moins, qui ont squatté les podiums dans les 80's et les 90's.
Dans ce mode "Classique", les spécialistes pourront revivre les plus belles batailles de l'époque (Mansell/Prost, Schumacher/Hill, etc.) sur les bolides et circuits d'origine. Un casting grand luxe (22 champions disponibles d'entrée) auquel beaucoup déploreront l'absence de l'immense Senna... et la présence de certains d'entre eux sur des DLC intempestifs. Car la version simple du titre ne proposera que le contenu tiré des années 80. Il faudra passer à la caisse pour se projeter dans la décennie suivante ou alors investir dans la "Classic Edition" du jeu, plus onéreuse. Comme s'il n'y avait aucun moyen de tout mettre sur une seule galette... Bref, passons. De toute façon, après des saisons entières à tenter l'impossible avec Jean Alesi, je n'ai plus la force de me rebeller contre quoi que ce soit.
Joue-la comme Mansell
Cette possibilité de se plonger dans le baquet de ses idoles de jeunesse ne relèverait pourtant que de l'effet cosmétique s'il n'était accompagné d'un travail de dingue au niveau des sensations de pilotage. C'est sur ce point précis que Codemasters, expert en la matière, a frappé un grand coup dans ce F1 2013. Si les jeunes talents d'aujourd'hui ne jurent que par le DRS ou le KERS, soit autant d'aides bien précieuses pour faciliter la vie des pilotes, leurs aînés ne pouvaient compter que sur leur unique maestria au volant. Concrètement, ce retour en arrière se traduit sur la piste par une difficulté accrue (présence du patinage) mais aussi une façon plus naturelle de piloter. Et bien sûr, un plaisir de doubler sans équivoque. Et comme la conduite s'est encore affinée dans ce volet, avec une physique toujours plus réaliste, tous les feux sont au vert pour rouler des mécaniques.
Car notre marge de progression est totalement indépendante des performances des véhicules. Ici, seule la dextérité au volant sera récompensée. Ou la F1 réduite à sa plus simple expression, à sa vision la plus noble. L'enrobage a néanmoins été soigné avec un rendu graphique différent selon les époques, un filtre sépia faisant foi pour refléter la qualité des retransmissions TV du temps des écrans cathodiques. Niveau immersion, le studio des premiers (et meilleurs) Colin McRae va donc très loin, et ce souci du détail symbolise l'extrême qualité de ce mode. Un mode qui, d'ailleurs, aurait presque pu se suffire à lui-même.
Riche et généreux, pas comme Ecclestone
Car ce dernier, aussi excellent soit-il, ne représente qu'une infime partie de ce qu'offre F1 2013 en termes d'expérience de jeu. Pour ceux qui ont tâté de la bête dans ses versions précédentes, ce nouveau contenu représente l'argument massue du titre. Le petit plus de la maison Codemasters qui titille la fibre des passionnés. Des passionnés qui repartiront en terrain connu avec toujours cette impression de vitesse grisante et cette forte capacité d'immersion rendue possible grâce au bruit réaliste des moteurs ou à la remarquable gestion de la météo. Tout a encore été peaufiné dans les moindres détails pour coller au plus près à la réalité d'un week-end de Sebastian Vettel : de la perte de grip sur les pneus à la répartition du freinage en temps réel, jusqu'au passage stressant par les stands. Et les ingénieurs en herbe en auront pour leur diplôme avec tous les réglages à effectuer sur les monoplaces.
Maillon faible de la licence à ses débuts, l'intelligence artificielle, calquée sur la dernière réglementation, a encore été poussée dans certaines situations précises comme les dépassements. Si tout n'est pas encore parfait, malgré les différents degrés de difficulté paramétrables, nos concurrents réagissent désormais avec bienveillance ou agressivité selon notre position, notre trajectoire et surtout notre rythme. Un bon point auquel il faut ajouter la possibilité de sauvegarder au beau milieu d'un long week-end de course. Ce qui est un moindre mal tant les étapes préalables à la préparation d'un Grand Prix sont nombreuses. Cette option montre bien l'aspect chronophage d'un opus extrêmement riche en challenges solo, coop et multi. Croyez-moi sur parole, vous en avez pour des dizaines et des dizaines d'heures avant d'en faire le tour. Et ce ne sont pas les quelques baisses de frame rate ou la relative déception de ne pas voir les graphismes faire un bond en avant qui vous inciteront à faire la grève de la F1.