Sans me fouler, le chapô de ce texte devrait énumérer les nombreux personnages de chez DC Comics, gentils comme méchants, avec lesquels on peut se taper dessus dans Injustice : Les Dieux Sont Parmi Nous avec une démesure sans limite. C'est vrai qu'avec des méta-humains à la force titanesque, capables de courir à la vitesse de la lumière ou encore de matérialiser concrètement leur pensée, les développeurs de Netherealm, auxquels Warner Bros. Games a confié ses justiciers, auraient tort de s'imposer une limite. Pas même celle du bon goût ?
Le sanguilolant Mortal Kombat l'atteste : le mauvais goût, ça marche tant que c'est accompagné d'une pincée de dérision. Avec un peu de recul, tout passe toujours mieux, et ce qui est moche, stupide, d'une violence ostentatoire, peut devenir cool, amusant, parfois même réflexif (il en va de même pour ce que l'on considère "de bon goût" d'ailleurs). Le problème d'Injustice, c'est que même si ses combattants peuvent s'envoyer mutuellement dans la stratosphère à coups de bourres-pifs, ce jeu proposé sur 360, PS3 et Wii U reste coincé dans un premier degré affligeant, presque autant que la pauvreté de sa mise en scène et l'ignominie de sa direction artistique.
"Fan", diminutif de "fanatique"
On pourrait se dire que peu importe, qu'en se procurant son exemplaire d'Injustice en bon petit fanboy de la JLA & cie ou amateur de la baston façon MK, on va pouvoir, sur un plan 2D, fataliser Superman avec des batarangs dans sa face de clando ou faire bouffer à Hal Jordan sa lanterne à coup de crosse d'épée d'Amazone et que c'est bien tout ce qui compte. Un point de vue qui tiendrait si comme dans la série Marvel vs Capcom, le scénario n'était qu'un prétexte pour une joyeuse farandole dans laquelle s'animent nos héros de papier préférés, portés sur l'écran avec grand soin et cette petite touche d'humour qui fait la différence. Mais non, car Netherealm Studios a bossé son mode solo comme jamais, un film avec les graphismes du jeu, durant environ cinq grosses heures et dans lequel on incarnera successivement Batman, Le Joker, Green Lantern, Cyborg, Deathstroke, Lex Luthor et j'en passe. Le souci, c'est que pour en venir aux mains, il faut la suivre cette histoire navrante, mix d'éléments classiques des récits DC, avec un Superman dictateur et des dimensions parralèles. De loin, du Kingdom Come mélangé avec du Crisis on Infinite Earths en quelque sorte mais bien salopé par une intrigue forcément malmenée, tributaire des combats que l'on veut offrir au joueur, et surtout proposant une mise en scène risible (le ralenti du début quand Le Joker tient un détonateur, la tiepance...) et d'une direction artistique dégueulasse. On ne s'improvise pas Chris Nolan ou Zack Snyder, et même sans se comparer aux cadors, un épisode de Xena vaut mieux que ça. Difficile d'être crédible quand Bruce Wayne ressemble à Bernard Tapie et que les costumes des Power Rangers, dans leur version la plus ridicule (avec les épaulettes dorées et tout) passent pour des modèles YSL comparés aux affreux costumes des héros de ce Injustice. Car si l'idée de se bastonner avec des héros DC est séduisante, pas avec ceux-là, pas dans cet état-là.
Deux camps s'affrontent
Nous voilà à ce moment désormais classique, une loi dans la "critique" vidéoludique, qui consiste à balayer la forme qui ne serait que secondaire pour se concentrer sur ce que communément on détermine comme étant le fond, le gameplay. Personnellement, j'ai du mal à dissocier la forme du fond en évoquant un titre comme Injustice dont l'intérêt premier est de retrouver des super-héros que l'on chérie et massacrés à l'écran mais force est de reconnaître que si je vomis l'enrobage, le système de baston pur, une variante de Mortal Kombat, tient à peu près la route. Si l'équilibre entre les différents personnages est à revoir (avec la même combo de trois coups vous pouvez gagner bien des combats...) certaines idées sont bienvenues, comme celle qui consiste à s'écarter de MK pour proposer trois boutons, faible, moyen et fort, et un quatrième déclenchant un pouvoir caractéristique à chaque personnage, la possibilté de passer du lasso au bouclier et l'épée pour Wonder Woman, celle d'activer sa super vitesse (de ralentir le temps du coup) pour Flash ou encore de tirer des flèches, pour Green Arrow bien sûr. Mais le truc à sauver, c'est vraiment la surpuissance qui se dégage des affrontements avec des décors inégaux mais qui pour certains sont réussis (la rue de Gotham avec le club du Joker par exemple) et qui par la manière dont on peut intéragir avec eux (on choppe des éléments pour les balancer sur son adversaire, de la statue à la voiture, en passant par l'activation de lance-missiles), rende le tout assez spectaculaire. Dans le grand spectacle, dans la démesure et même si une première fois vue, c'est un peu pénible de se retaper toute la scène à longueur d'affrontements, les super attaques qui avec Superman vous envoie dans l'espace ou avec Aquaman dans la gueule d'un requin, il y a moyen de glousser, enfin un peu de second degré, dans ce jeu à l'intrigue qui se prend bien trop au sérieux et en est ridicule.
L'ambition pour le jeu de combat Injustice était, outre de proposer les classiques modes versus (local et en ligne), entraînement et celui à défis, S.T.A.R. Labs, un vrai mode Histoire, scénarisé et central. Mais entre la laideur des protagonistes, la pauvreté des situations, la mise en scène ridicule, les QTE nullisimes entre certains combats, l'extension artificielle de l'aventure avec des héros qui combattent leur double d'une autre dimension (sauf d'aspect, les persos sont identiques...), on en vient à regretter l'intrigue de DoA 5. Vous bouchez le nez ne servirait à rien et je ne peux pas vous demandez de fermer les yeux pour jouer à un jeu vidéo, mais Injustice ne rend pas hommage aux personnages DC Comics, ni même vraiment au jeu de baston, dans cette raideur propre à MK mais plus adaptée dans cette série au second degré assumé. Reste la destruction des arènes de jeu et les super attaques qui restent amusantes mais franchement, sur la longueur, ça ne tient pas vraiment.