Comme beaucoup de fans de la série God of War, j'avoue que je ne m'attendais pas à un épisode aussi marquant que les trois premiers pour cet Ascension. C'est peut-être ça, aussi, qui a participé à l'excellent moment que j'ai passé à découvrir les événements qui ont précédé le tout premier titre de la série. Car Ascension est loin, très loin d'être le "God of War de trop" auquel beaucoup pouvaient s'attendre...
Ce test est une republication de la critique originellement parue le 07/03/2013 à 19h00 tapantes.
Après avoir massacré toutes sortes de créatures, tué Arès, affronté Zeus, le Colosse de Rhodes, ou le Titan Cronos, que pouvait-il bien rester à raconter des hauts-faits de Kratos ? Tout simplement ce qui s'est passé avant qu'il n'entreprenne sa conquête sanglante de l'Olympe, au lendemain de la mort, par sa propre main, de sa femme et de sa fille. Tout commence dans une prison creusée à même le corps d'Egéon, l'un des hécatonchires aux cent mains, alors que Kratos, qui a tenté de briser son pacte de Sang avec Arès, est châtié et enchaîné par les Erinyes (les Furies dans le panthéon Romain).
Kratos dans le rôle de Nique Furies
Ainsi, le chauve cendré, 10 ans avant de partir à la conquête de l'Olympe et de son trône de Dieu de la Guerre en massacrant Arès, n'était pas au mieux de sa forme. Ascension, comme son nom l'indique, conte son combat contre Mégère, Tisiphone et Alecto, les trois Erinyes qui, chargées de capturer et torturer les traîtres qui ne respectent pas leurs pactes avec les Dieux, ont pris possession de son corps et de son esprit. Découpé en une trentaine de chapitres alternant par flashbacks ce qui s'est passé avant qu'il ne se fasse emprisonner par les Furies, et ce qui s'ensuit après sa libération au tout début de la campagne, God of War Ascension offre un rythme mieux maîtrisé que le précédent, tout en conservant les piliers de la série que sont bien entendu des combats brutaux, et des macro-puzzles inaugurant quelques nouvelles mécaniques.
Salades, patates, moignons*
Kratos n'étant qu'un mortel, son combat contre les Erinyes l'obligera par commencer à jouer de volonté pour ne pas se faire avoir par les illusions créées par les trois soeurs, qui exploitent tout naturellement l'amour du chauve pour sa famille tout récemment assassinée de ses mains, mais par la faute d'Arès. On y découvrira au passage un (tout petit) côté moins sociopathe de la brute sparte qui n'est pas pour déplaire. Aidé dans sa quête par le mystérieux Orkos, il devra réunir plusieurs éléments pour pouvoir enfin briser le pacte de sang qui le lie à Arès... mais les Erinyes ne le laisseront bien entendu pas faire aussi facilement. Depuis le village de Kirra, jusqu'à Delphes, puis aux quais de Délos où se cache la Lanterne d'Apollon, en passant bien entendu par la prison des martyrs construite à même le corps de l'Hécatonchire et la citadelle des Erinyes, le périple du Grec saura se montrer tout aussi passionnant et visuellement épique que les précédents.
Gameplays enchaînés, combats déchaînés
Si en surface, rien ne semble avoir vraiment changé dans les mécaniques du jeu, en réalité, le combat a fait l'objet de plusieurs révisions. Les problèmes à rendre les armes secondaires aussi intéressantes à jouer que les lames du chaos dans les précédents ont peut-être trouvé, avec cet épisode, leur meilleure solution. En effet, si elles existent encore, elles sont de l'ordre du gadget ; lance, fronde, bouclier, masse, épée, peuvent ainsi être récupérés sur le champ de bataille ou des mains des adversaires qui les utilisent, et peuvent se montrer utiles, mais elles ne feront pas partie de l'arsenal améliorable de Kratos. Ce dernier reste en effet centré sur les lames du chaos elles-mêmes d'une part, qui peuvent être empruntes de quatre éléments magiques différents à récupérer au fil de l'aventure (Feu, Glace, Foudre et Âmes), et d'autre part sur les artefacts, dont la fonction en combat s'en tient au soutien. Contrôler la masse d'adversaires en en emprisonnant un dans une bulle hors du temps, en étourdissant les ennemis proches d'un éclair éblouissant, ou encore en invoquant un double de Kratos qui saura les occuper, sont des capacités utiles mais pas directement offensives. L'essentiel du boulot, ce sont donc bien les lames du chaos qui le feront, les combos disponibles dépendant en partie de l'élément qu'on choisira d'utiliser (la croix digitale servant à passer instantanément de l'un à l'autre). Cet arsenal de base fonctionne admirablement bien, et dans la mesure où chaque élément doit être amélioré jusqu'au dernier niveau pour espérer pouvoir déclencher sa surpuissante magie associée, on est assez heureux de trouver autant d'orbes rouges que possible pour profiter de tout ça. Mais ce n'est pas tout.
Come here !
Alors que le bouton rond, affecté à l'attaque de corps à corps, déclenchera désormais un coup de pied pour désarmer les adversaires, ou l'utilisation d'une de leurs armes si elle a été ramassée plus tôt, c'est le bouton R1 qui remplacera avantageusement les projections. Désormais, Kratos peut, grâce à lui, accrocher une de ses lames du chaos sur un adversaire insuffisamment protégé, et tout en le gardant accroché par sa chaîne, choisir de taper sur les autres, de jouer de ses esquives (toujours sur le stick droit), ou de projeter le malheureux enchaîné sur ses comparses. Plus dynamique, et encore plus brutal et sanglant qu'auparavant, le combat use toujours des fameux QTE traditionnels sur certains des adversaires les plus massifs, mais s'enrichit également de sortes de "QTE dynamiques" : tout en étant au plus proche d'un ennemi sur le point d'être fatalisé, au lieu d'appuyer sur des touches inscrites à l'écran pour le finir, il s'agira à travers eux de planter à répétition l'ennemi avec Carré ou Triangle, tout en restant vigilant afin d'esquiver avec le stick droit ses tentatives pour se libérer de la poigne de Kratos. Efficace et spectaculaire, ce nouveau système à mi-chemin entre QTE traditionnels et combat ordinaire offre des séquences de finish dont on a bien du mal à se lasser. Enfin, le système de Rage motivera les plus acharnés à jouer correctement de la parade (L1) et de l'esquive pour ne jamais se faire toucher, afin de faire grimper cette jauge et de pouvoir déclencher en pressant les deux sticks quatre "rages" différentes, suivant l'élément "équipé" sur les lames du chaos au moment choisi. On retrouvera également ça et là la possibilité de charger les ennemis en se servant de l'un d'entre eux comme bélier pour les renverser, ou encore celle de contrôler un cyclope à coup de poignards pour qu'il bouscule et massacre les plus petits ennemis. En ajoutant les capacités secondaires des armes adverses et des artefacts, on obtient une panoplie complète de stratégies, mais surtout un ensemble peut-être plus homogène et mieux équilibré de capacités pour briller au combat... même si ce dernier n'est que rarement difficile sorti du défi d'Archimède (habitués, commencez par la difficulté la plus élevée), ni très long (une dizaine d'heures tout au plus).
Sir fix-a-lot
Sans trop en dévoiler, ces trois artefacts serviront certes en combat, mais avant tout à la résolution des énigmes du jeu. En étant capable de déconstruire ou reconstruire certains objets et sections de décor, en se dédoublant, ou en bénéficiant des yeux de la vérité de l'Oracle de Delphes, Kratos se mesurera bien entendu à nouveau aux traditionnels macro-puzzles de la série. Toujours réussis et savoureux, ces moments passés à cogiter ne posent guère de grosses difficultés aux fins observateurs un tantinet futés, mais montrent toujours d'une autre manière que God of War n'est pas qu'un jeu de brutes, tout en mettant en valeur la grandiloquence si particulière et savoureuse de sa direction artistique toute emprunte de démesure. Car même si depuis le temps, des Bayonetta sont passés par là, cette démesure si bien incarnée par la série reste tout de même impeccablement maîtrisée par Sony Santa Monica. Certes, les quelques séquences de glissade aux commandes d'un Kratos qui devra surtout veiller à ne pas s'encastrer dans le décor ou chuter dans un ravin, où à sauter au bon moment pour s'accrocher avec ses chaînes et valdinguer d'un bout à l'autre du décor, sont bien moins spectaculaires que le reste, mais je ne les échangerais pour rien au monde contre les scènes d'ascension avec les ailes d'Icare du 3.
Plus on est de brutes, plus on rit ?
Pour la première fois, un multijoueur fait aussi son apparition avec ce nouvel épisode. Premier élément jouant en sa faveur : les titres d'action multi qui ne soient pas des shooters ne sont pas légion, c'est donc une expérience forcément différente que God of War Ascension propose. Les modes de jeu se divisent ainsi : Faveur des Dieux (soit chacun pour sa peau entre 4 à 8 joueurs, soit par équipes en 2v2, 3v3 ou 4v4), Epreuve des Dieux (à 2), et Capture de Drapeau (en 4v4). Epreuve des Dieux est une sorte de mode Horde simple, dans lequel les deux joueurs (ou un seul si on choisit de s'y confronter en solo) devront survivre et massacrer le plus de vagues d'ennemis possible en temps limité. Chaque ennemi tué prolongeant l'horloge. Des pièges et mini-boss corsent ces arènes jouables en coop. La capture de drapeau est un type de parties lui aussi assez classique, agréablement revisité par le gameplay de God of War. Très clairement, ça reste toute de même le mode Faveur des Dieux en équipes qui ressort comme étant le plus amusant. Il s'agit d'y gagner... de la faveur, soit en ouvrant des coffres, soit en conquérant des autels, soit, bien sûr, en tuant des adversaires. Mieux vaut d'ailleurs adopter dans ce mode une approche plus stratégique que brutale. Capturer et maintenir le contrôle des autels, bien sûr, mais profiter aussi des spécificités de chaque arène. En suivant une liste de tâches à accomplir, on peut ainsi donner à son équipe une victoire plus facile en réveillant et en contrôlant une Gorgone, en jouant avec l'agencement des salles du labyrinthe de Dédale, en tuant l'énorme Polyphème, etc. Avec leurs téléporteurs, leurs niveaux différents, leurs pièges à activer et autres modifications de configuration en cours de partie, les arènes témoignent d'un level design soigné. Elles sont choisies en fonction du nombre de joueurs dans la partie pour accommoder un rythme aussi dynamique que possible ; mais les parties à 8 en deviennent aussi, toujours, les plus intéressantes, et on regrette vraiment qu'il n'y ait pas plus d'arènes différentes.
Massacres entre amis
C'est agréablement surpris que je ressors de mes parties en multijoueur. Non seulement la brutalité des combats, avec les fatalités typiques de la série qui sont proprement jouissives quand elles sont placées contre des humains, exalte les affrontements, mais tout le système de progression du personnage s'avère aussi riche que profond. Trois catégories d'armes au choix (lance, marteau de guerre et épée), avec à l'intérieur différents "modèles" à débloquer et à faire progresser, certaines dépendant d'une des quatre allégeances possibles (Poséidon, Hadès, Zeus et Arès), trois pièces d'armures qui fonctionnent de même (Casque, Plastron et Jambières), plus trois capacités spéciales (magie, objet, et relique) constituent l'essentiel de l'arsenal. Bien entendu, chaque allégeance augmente de niveau séparément. Pour l'instant, Hadès, qui joue surtout sur la furtivité et le vol de santé, semble avoir la faveur des premiers joueurs (donc de la presse et des développeurs), mais nul doute que les trois autres ont aussi de quoi séduire, dans des registres différents. Pour en avoir fait les frais, les capacités d'Arès ou de Poséidon ont elles aussi du répondant. Quoiqu'il en soit, entre les médailles de fin de partie pour différents accomplissements, les "Travaux" à compléter, les quatre allégeances à développer, et les équipements et magies à débloquer et améliorer également, il y a largement, que dis-je, très largement de quoi faire.
Si en termes de pur gameplay, les débuts s'avèrent très difficiles parce que c'est tout de même vite un beau bordel à l'écran quand les joueurs se tapent dessus en masse, on finit par améliorer son perso et comprendre les enchaînements de base, quand bien utiliser la parade, les attaques rapides ou fortes, et le jeu aide à cela en teintant les adversaires de différentes couleurs : rouge indique l'arrivée d'une attaque imblocable, bleu et blanc une vulnérabilité ou une invincibilité temporaires, respectivement. L'esquive peut sauver d'un enchaînement meurtrier, mais ouvre une courte seconde une vulnérabilité au grappin. Bref, on finit par y voir plus clair tôt ou tard, et même si les magies, armures, armes, et autres pouvoirs déblocables avantagent clairement les personnages de plus haut niveau (c'est normal), il n'est pas rare pour autant de voir un personnage de niveau 2 ou 3 s'en goinfrer un autre de niveau 15 ou 16 qui ne se sera pas montré aussi adroit dans ses timings et ses combos, qui n'aura tout simplement pas récupéré de mana pour pouvoir utiliser ses magies, ou bien même qui sera propulsé dans le vide par un enchaînement adroit. Enfin, la progression s'avère relativement rapide, puisqu'on peut facilement atteindre le niveau 15 dans une des allégeances en 3-4 heures de jeu. Bref, de ce point de vue aussi, c'est plutôt réussi, en revanche, je le répète, ça manque probablement un peu de contenu (surtout d'arènes et de modes) pour vraiment passionner dans la longueur et varier les parties suffisamment.
Avec un multijoueur surprenant de fun et de richesse, qui ne pêche que par son manque de cartes et peut-être de modes de jeu, et une campagne solo bien rythmée, dotée de quelques trouvailles intéressantes mais surtout d'excellentes révisions du combat, ce God of War Ascension est bien loin de décevoir : au contraire. Les fans replongeront avec plaisir en compagnie de Kratos dans cet univers épique, et pourront mesurer enfin leur brutalité à celle des autres. Un réussite.
*Je rends la paternité de la meilleure part de ce jeu de mot à Trazom, avant qu'il ne m'assassine. (NDTraz : et Dieu sait si on m'en a piqué, sans copyrighter, bitches !).