Devil May Cry est devenu le fer de lance des Beat Them All sur PlayStation 2 lors de sa sortie en 2000. Et si Capcom s'est loupé sur Devil May Cry 2, qui est du coup à passer sous silence, le troisième opus a quant à lui enfoncé le clou avec un système de combat d'une incroyable profondeur. Une caractéristique que l'on retrouve évidemment dans DMC 4 (de manière différente) malgré certains défauts d'architecture (syndrome aller-retour). Alors lorsque Ninja Theory (Enslaved, Heavenly Sword) a pris en charge le reboot DmC : Devil May Cry, tout le monde a commencé à flipper. Et pourtant...
La série DMC, c'est un héros charismatique à l'insolence jouissive qui éclate avec classe des légions entières de démons sanguinolents, le tout sur de la musique rock. Et à cela Capcom a ajouté un gameplay d'une richesse presque inégalée (pour DMC 3 et 4 en tout cas) qui a su faire le bonheur des plus grands techniciens du genre Beat Them All. Alors Ninja Theory et son Dante version emo jeune sont-ils capables de réitérer cet exploit ? Si nous étions en droit de nous poser la question, il n'y a plus à s'inquiéter une fois que la partie est lancée.
Diaboliquement correct
La première fois que j'ai vu le nouveau Dante, j'ai bondi tant il me paraissait désuet comparé à celui que nous connaissions. Mais maintenant que j'ai terminé le jeu, je peux vous le dire, je préfère cette nouvelle mouture. Doté d'un humour saignant, d'une répartie et d'une grossièreté inégalées, ce Dante moderne provoque et marque une rupture bienvenue avec celui des épisodes précédents. Rupture que l'on retrouve d'ailleurs sur l'ensemble de la direction artistique de ce DMC. Je pourrais vous décrire les lieux les plus marquants, les scènes le plus percutantes mais je vais faire simple : les artistes de Ninja Theory ont réalisé un travail dont il serait honteux de ne pas profiter si on apprécie les Beat Them All en général. Qu'il s'agisse du rendu à l'image, de la mise en scène ou des dialogues, les développeurs ont été courageux, couillus, même, ai-je envie de dire au regard de certaines séquences, et le résultat est un spectacle son et lumière de tous les instants. Mais attention, ces choix artistiques font parfois le grands écart entre des châteaux lugubres à l'ambiance pesante et les discothèques illuminées des jeunes d'aujourd'hui avec l'insupportable musique redondante qui va bien. Vous l'aurez compris, DmC joue constamment sur la rupture avec des ambiances aux antipodes les unes des autres pour un résultat souvent grandiose.
Encore plus étonnant, le scénario parvient même à nous surprendre. Ca reste du niveau d'une série B mais c'est franchement pas mal. Attendez-vous même à quelques rebondissements bien sentis, ainsi qu'à de belles critiques de la société moderne. Dans un jeu aussi porté sur l'action, j'irai presque jusqu'à dire que c'est assez osé ! Bref, si ce n'est pas le scénario de l'année, vous ne serez sans doute pas déçu, d'autant que la narration ainsi que les dialogues en français se révèlent savoureux et convaincants à la fois. Un bon boulot de la part des développeurs qui apprécient manifestement les situations surréalistes et les dialogues crus et efficaces. On termine en soulignant une réalisation qui se révèle correcte sans pour autant égaler les ténors de cette fin de génération. Heureusement, la direction artistique monumentale de DmC rattrape le tout pour un rendu qui flatte la rétine dans un déluge de couleurs à la fois agressives et apaisantes en fonction des situations. Le tout sur une bande son qui fait des merveilles entre rock/indus bestial et musique d'ambiance pour souligner les moments d'accalmie. Un cocktail démoniaque !
Voyage astral
Dante est un être particulier qui a le pouvoir de massacrer les démons qui se manifestent dans le monde des humains. Mais son aventure débute lorsqu'il est happé dans les Limbes, le domaine des créatures de l'Enfer. Il passera ainsi fréquemment d'un monde à l'autre pour châtier les monstres qui profitent des Limbes pour agir sur le monde physique et asservir des hommes. C'est Kat, une médium, qui permettra à Dante de migrer d'un univers à l'autre. Comme vous l'avez sans doute déjà vu en vidéo, les décors changeront en permanence durant l'aventure. Pour exemple, une belle rue bien droite bordée de gigantesques buildings deviendra une avenue destructurée sur laquelle les immeubles seront prêts à s'effondrer et qui se déformera sous vos yeux ébahis en plein combat. En jouant sur les perspectives et les architectures, les développeurs offrent ainsi un spectacle de tous les instants aux joueurs. Et ces deux mondes ne sont que la partie émergée de l'iceberg puisque le gameplay de DmC est lui aussi basé sur deux opposés, la puissance des anges et celle des démons.
Mi-ange, mi-démon
En effet, Dante est capable de profiter des pouvoirs des créatures des deux mondes au travers d'un arsenal d'une impressionnante variété. On retrouve ainsi Rebellion, l'épée magique, Ivory et Eboni, les deux pistolets, et tout un tas d'autres armes : la hache enflammée, la faux glacée, les gants brûlants, le fusil à pompe, les fouets de feu et de glace, etc. Chaque outil est affilié au côté ange ou démon de Dante, lui octroyant de fait des pouvoirs particuliers. Et toute la force de ce DmC est de jongler entre ses multiples armes pour casser du démon avec souplesse et construire des enchaînements à la chorégraphie parfaite. Ceci dans le but de se sortir des situations périlleuses mais aussi, et surtout, pour accumuler plus de points afin de booster ses caractéristiques et d'augmenter les possibilités offertes par ces armes. Les panoplie de coups et d'actions de Dante s'étoffe ainsi tout au long de l'aventure pour gagner en puissance et en subtilités. Les amateurs de combos en auront donc pour leur argent même si je doute que l'on arrive à la hauteur de DMC 4, ou même de Bayonetta. Néanmoins la profondeur demeure impressionnante et suffisante pour y passer de nombreuses heures.
Les sauts de l'ange
Si DmC fait la part belle aux rixes variées, soulignons un premier point noir en rapport avec ces joutes. Elles se présentent trop souvent de la même manière, dans des arènes délimitées. Dante débarque dans un nouveau lieu, les portes se ferment et il doit faire place nette afin de poursuivre sa progression. S'il s'agit là de la marque de fabrique de la série, il faut avouer que ça devient redondant à la longue. Heureusement, les développeurs ont eu l'ingénieuse idée d'alterner les phases de combat avec des séquences de plate-forme variées. Du coup vous passerez presque autant de temps à en découdre avec les démons qu'à tenter de passer des précipices pour ne pas tomber dans les Limbes. L'équilibre est respecté et permet de varier les activités, d'autant que ces séquences de saut profitent aussi d'un gameplay étoffé : double saut, possibilité de planer, de se rattraper grâce au fouet glacé, de tirer des plates-formes vers soi au moyen du fouet infernal, etc. Là encore, il y a de quoi faire, et même de quoi se prendre la tête durant certains passages (rien de méchant cependant). Mais même si les développeurs ont manifestement fait l'effort de proposer des situations qui se renouvellent, il faut tout de même souligner le manque de précision de la jouabilité à certains moments. En effet, il arrive que Dante "bugge" sur un rebord ou ne se rattrape pas comme vous l'auriez voulu. Tout ne peut pas être parfait mais sur la fin les séquences de plate-forme sont nombreuses et cela peut devenir agaçant.
L'Enfer des scores
A l'image de Bayonetta ou des précédents DMC, ce volet est un jeu à score. Une option permet d'ailleurs d'envoyer ses meilleurs résultats dans un niveau sur le serveur pour les comparer avec ceux des autres joueurs. Alors si ce DmC ne propose pas de multijoueur, il contentera au moins ceux qui aiment se mesurer aux autres au travers de leurs actions dans le jeu solo. Ceci étant, si vous n'êtes pas de cette race là, sachez que l'aventure principale est assez courte. En effet, on termine son premier run en moins d'une dizaine d'heures environ. C'est tout de même léger si vous ne comptez faire l'aventure qu'une seule fois... Pour les autres, amateurs de scores impressionnants, sachez que trois modes de difficulté sont disponibles dès le début et que quatre autres, à débloquer, viennent relever le challenge si vous refaites l'aventure plusieurs fois. Nous vous recommandons d'ailleurs de jouer dès la première fois en difficile (mode Nephilim) si vous êtes un joueur aguerri, car le mode intermédiaire (Chasseur de démon) n'est pas vraiment corsé. Par contre, les quatre modes de difficulté supérieurs sont de plus en plus ardus puisque les ennemis sont beaucoup plus nombreux et puissants. On peut même dire que les derniers sont carrément destinés aux fous furieux puisqu'il suffit d'un seul coup encaissé pour que Dante aille rejoindre ses ancêtres. Stressant ! Pour ceux qui préfèrent jouer dans des conditions viables, il reste les modes challenges qui permettent de refaire un chapitre du jeu au choix dans le mode de difficulté souhaité. Pour finir, ajoutons que l'on trouve, en fouinant dans les Limbes, des défis au sein même de l'aventure principale et que la campagne recèle quelques secrets aux récompenses angéliques pour les chercheurs de trésors.
Ninja Theory a réussi son pari : hisser son DmC à la hauteur des meilleurs volets de la série. Le lifting de Dante est un régal, le rythme du jeu est diabolique, le rendu visuel exceptionnel et le gameplay tutoie celui des références du genre. Vous l'aurez compris, DmC est un régal destiné aux amateurs de Beat Them All. Pour autant, l'aventure est un peu trop courte (moins de 10h), les temps de chargement (seulement entre les niveaux) un peu trop longs et les séquences de plate-forme, nombreuses, manquent parfois de précision. Quelques ombres à ce tableau de maître made in Ninja Theory qui entame de manière paradisiaque une année 2013 qui s'annonce pourtant démoniaque en termes de sorties de jeux.