Depuis les dernières minutes - ô combien déchirantes - du quatrième épisode, les joueurs attendaient avec fébrilité le dénouement de The Walking Dead. On se retenait, un peu, pour ne pas trop s'enflammer non plus, peut-être, tant on sait qu'une fin d'histoire est importante. On se demandait ce qu'allait réserver Telltale à Lee, le héros, Clémentine, sa jeune protégée, et au reste des survivants de ce road-trip post-apocalyptique. On se demandait si le studio comptait aller au bout de ses idées noires ou se fourvoyer dans un happy-end aussi improbable que décevant. Désormais, je sais. Et je crois pouvoir affirmer qu'il n'y a aucune crainte à avoir. Sauf, peut-être, celle de ressentir une tristesse infinie au moment de dire adieu.
Me voilà revenu au menu principal. The Walking Dead vient de s'achever. Je suis sonné, bouche bée, les yeux humides. Comme après avoir fini un bouquin, un film ou une série de génie. Je repense à ces personnages que j'ai cotoyé, à ces émotions que j'ai ressenties, à ces décisions que j'ai prises - sans tricher avec moi-même - et qui ont dessiné, en grande partie, les contours de ce chapitre final. Au menu de celui-ci, une simple question, que les développeurs avaient par ailleurs lancée sur les réseaux sociaux : jusqu'où iriez-vous pour Clémentine ? C'est par le biais de Lee que vous allez tenter de répondre à cette question. L'objectif est simple : mettre la petite puce hors de danger. Mais, une fois de plus, la route sera semée d'embûches, de pièges, de détours peu joyeux.
Pour Clémentine
Pourtant de base point and click, The Walking Dead a toujours eu tendance à minimiser cet aspect ludique tel qu'on le connaît, autrement dit le fait de trouver ou associer les bons objets dans un tableau pour résoudre un puzzle. C'est encore plus affirmé ici, où les choix purement humains, au travers de prises de décisions en temps limité, vont modeler votre expérience. Il est vrai que l'on trouve davantage d'action, comme dans l'épisode précédent, à base de shoot ou de combat. Mais là n'est pas le propos. Tout ce qui compte, c'est comment vous allez réagir à une situation extrême, comment vous allez vous comporter avec les autres, ce que vous allez donner, sans rien espérer en retour, pour qu'une gamine haute comme trois pommes puisse être en sécurité et le rester dans un monde infesté de zombies et de personnes assez peu recommandables. Vous n'en sortirez pas indemne. Surtout lorsque, pour la première fois, un bilan moral sera dressé. Vous pensiez avoir agi comme une personne droite et juste, jusque là ? On vous rejettera vos faiblesses dans la gueule, de manière à ce que vous doutiez forcément. Quand bien même vous traverseriez certaines séquences avec la sensation d'être héroïque, d'être un cow-boy désintéressé et qui n'a plus à rien perdre.
Humain après tout
On pourra encore reprocher des tas de choses à ce cinquième épisode. Les mêmes choses qu'aux précédents. Les errances techniques, l'absence de bon challenge pour les doigts et le cerveau... Sauf que cette dernière ligne droite fait montre d'un rythme ultra maîtrisé, d'une écriture sans faille, d'une puissance narrative qu'on ne peut que chérir. La mise en scène de chacun des moments vécus par Lee, pénibles au possible, se voit renforcée par un jeu d'acteur impeccable. Que vous soyiez au milieu d'une horde de zombies à éradiquer, tentiez de sauver l'un des vôtres ou finissiez dans un huis-clos suffocant à vous remémorer vos actions passées avant de vous débattre pour votre survie, vous resterez immergés. Jusqu'au bout. Jusqu'à cette fin qui pourra vous tirer les larmes des yeux par son incroyable justesse, sa pudeur émouvante. Cette fin à laquelle vous êtes parvenu pour Clémentine. Et juste elle.
Pas besoin de vous faire un dessin : No Time Left achève comme il faut une série qu'on n'escomptait pas aussi forte, prenante et mature lorsqu'elle a été annoncée. Du début à la fin, l'esprit des comics a été respecté. Du début à la fin, on aura eu l'impression d'accompagner tous ces personnages de pixels essayant tant bien que mal de survivre dans notre écran. En plaçant les relations humaines au coeur du jeu, Telltale a réussi ce que peu de développeurs ont réussi auparavant : créer une profonde empathie. Les dernières paroles que j'aurai entendues avant que ne déroulent les crédits auront été "toi aussi, tu vas me manquer". Et, bordel, c'est vrai. Mais qui sait, une saison 2...