Un survival-horror en vue subjective, adressé entièrement aux hardcore gamers pour le lancement d'une console de Nintendo ? D'un éditeur tiers ? Et qui a droit à son pack à lui ? Il n'y a encore pas si longtemps, j'aurais plaidé l'inconscience, autant de la part du constructeur japonais que d'Ubisoft. Mais voilà, ZombiU n'est pas n'importe quel jeu. Il n'a cessé de nous épater, depuis nos premiers instants en sa compagnie jusqu'à la toute dernière preview. Campagne solo bouclée, il apparaît clair que ceux qui recherchent une expérience de survie solide, âpre, viscérale et épuisante, ont tout intérêt à y jeter un oeil.
Je me sentais en confiance. Ma prudence et mon assiduité dans le dégommage de boîtes crâniennes - seul point faible - des infectés croisant ma route un par un, avait porté ses fruits. Trois armes différentes. Un petit gun, une arbalète, délicieusement silencieuse, et un gros shotgun, beaucoup moins silencieux. Quelques munitions pour en surprendre d'une bonne distance. De quoi restaurer ma santé. D'autres objets, un cocktail molotov, des fusées éclairantes pour distraire les meutes, en vue d'élaborer des stratégies d'attaque infaillibles. Et là, le faux pas. Une mauvaise lecture de mon environnement. Deux zombies immobiles et qui n'apparaissaient pas sur mon radar. Les vilains surgissent comme des trolls dans les commentaires d'un test. Hargneux et diablement vifs pour des décérébrés. Pris de panique, mon premier réflexe est d'essayer de les combattre. Mes coups de batte ne suffisent pas. Pas le temps de fouiller dans mon sac pour attraper quelque chose de plus efficace. Je fuis. Cul-de-sac. Un petit coup de crocs. Fini. Bisous Gianni ! Une mort bien dégueulasse. Je m'y étais attaché, moi, à mon scénariste quadragénaire aux faux airs de David Cage. J'avais survécu dans les rues et bâtiments mal fréquentés de Londres pendant plus d'une heure. Un record pour moi dans ZombiU en mode de difficulté normale.
YOLO... ou pas
Fort heureusement, je ne joue pas en mode Survie. Autrement dit, lorsque mon avatar claque la gueule ouverte, ce n'est pas fini. Je me réincarne dans un autre corps. Nouveau look, nouvelle vie. Mais je suis "à poil". Tout ce matos que j'avais récupéré a disparu de mon inventaire. Me revoilà avec une lampe-torche, un 9mm et une batte de cricket - so british - fournis par Prepper. Prepper, ou le Survivant comme il aime à se nommer, est un peu la voix de Secret Story. Il peut tout voir depuis la salle de contrôle des caméras de toute la ville. Et se faire entendre. Ancien de l'armée de sa Majesté, il a guidé chacune de mes incarnations vers un abri plutôt sûr, dans le métro. Sans explications, certes. Mais il y a une logique à cela, qu'on ne découvre qu'à la toute fin. Quoiqu'il en soit, vu la difficulté ne serait-ce que dans le tutorial, on se sent presque soulagé de reprendre sans détour le fil de ses missions. Première d'entre elles alors que je me remets à peine de ma vie antérieure : retrouver le contenu de mon ancien sac à dos, toujours à l'endroit exact où "je" suis mort. Mauvaise nouvelle : l'ancien proprio, il va falloir s'en débarasser. Maintenant, c'est un foutu zombie. Accessoirement, la route m'y menant a probablement été repeuplée. Si je clamse avant d'y parvenir, tout disparaît. Zeb, c'est pas vrai.
Tablette et sac à dos
Soulagement. Outre les quelques outils indispensables pour me défendre et distinguer quelque chose dans la pénombre ambiante, Prepper me file à chaque fois une tablette. Ce périphérique prenant physiquement place dans le Wii U GamePad constitue l'un de coups de génie du titre d'Ubi Montpellier, le couteau suisse qui renforce l'immersion par un soupçon de réalisme. Il y a d'abord l'aspect pratique. Faisant office de radar, la tablette permet de scanner les environs, à la lampe à sperme lumière noire, façon Detective Mode des Batman de Rocksteady, pour savoir si des objets traînent quelque part - parfois sur des cadavres qu'on espère achevés - où si des mangeurs de chair se tapissent dans un recoin sombre et qui sent pas très bon. Voire, plus tard, de décrypter des messages et indices invisibles à l'oeil nu. Elément essentiel à la survie et au repérage, elle autorise à pirater les panneaux de jonction des caméras d'une zone. Ce petit bijou technologique possède également le don de vous détourner de ce qui se passe sur l'écran principal. Parce qu'on y gère également l'inventaire, par glissement d'un doigt, entre différents contenants, la disposition des armes principales et annexes. Parce que des tas d'actions passent par la lucarne au creux de vos mains tremblantes. Vous voulez crocheter une porte (sous la forme d'un mini jeu où l'on doit trouver les bons angles d'approche), insérer un code digital, zoomer au fusil sniper, retirer une barricade ou remplir une seringue du virucide faisant office de seconde chance (des QTE à base de tapotement), fouiller un mort ou une armoire quelconque ? Eh bien attendez-vous à ne pas être tranquille. La pause ? Jamais quand vous manipulez la tablette. Et ne pas lorgner votre télé ne signifie en aucun cas qu'il ne s'y passe rien. Un ennemi peut se pointer à tout moment, prêt à vous dévorer les fesses. A ce moment-là, à vous de voir si vous essayez de vous magner de finir avant qu'il ne soit sur vous, ou d'abandonner votre tâche pour le confronter.
Macchabée Road
Revenons maintenant à la progression. Si la caméra à la première personne a tendance à laisser penser à un FPS, il n'en est rien. Nous avons là un pur survival. Des artères souterraines au Palais de Buckingham en passant par la Tour de Londres, vous comprendrez rapidement que votre avancée devra s'opérer avec précaution. Un tout petit trajet peut provoquer une crise de nerfs. La désolation se trouve dans le moindre lieu traversé et l'atmosphère sonore, faite de bruitages alarmants et de violons qu'on croirait presque agonisants, n'hésitent pas à vous plonger dans la paranoïa la plus profonde. Vous ne voulez pas vous retrouver nez-à-nez avec des zombis. Vous comprenez très vite que foncer tête baissée dans la mêlée est déconseillé. Un mort-vivant reste gérable. Mais à partir de deux simultanément, les chances d'en réchapper sont très minces. Dans les rangs adverses, même un bétain de base résiste très bien et tue en trois ou quatre coups, s'il ne vous choppe pas parce que vous n'avez pas su garder vos distances. Alors les cracheurs, les hurleurs qui en ramènent d'autres par brouettes, ceux en combinaison anti-émeute ou encore les explosifs... Vous pouvez toujours employer un pistolet, un fusil à pompe ou une mitraillette (tous upgradables dans l'abri). Voire user de grenades, de mines, de cocktails molotov. Mais les munitions sont rares. Quant à la discrétion... Et puis, souvenez-vous : vous êtes dans la peau d'un civil. Aucune formation dans les armes à feu. La visée pose un vrai problème, surtout quand on sait qu'il faut un minimum de deux bastos dans la tête pour annihiler un affreux. A tenter, puisque l'on peut améliorer sa précision en faisant des victimes, en priant pour garder son avatar en vie. Reste qu'il faut une certaine patience. Ou bien préparer sa fuite.
Debout les morts
Et c'est là qu'intervient l'un des gros points noirs du titre. Pour bien faire, et pour ne pas qu'on ait à trop pointer du doigt une maniabilité pas top, les développeurs aurait sûrement dû laisser moins de place à l'action. Or, elle est bien souvent imposée. Des séquences entières tournent même autour de l'éradication de zombies. Certaines, en particulier celle dans une sorte d'arène et à la toute fin, présentant une difficulté à s'arracher les cheveux. Alors que l'on imaginait pouvoir se faufiler en esquivant des hordes entières, juste en éteignant sa lampe et balançant des torches pour détourner l'attention, on constate qu'il manque quelque chose : la furtivité. Eh oui, pas moyen ne serait-ce que de s'agenouiller pour masquer un chouïa sa présence. Tout se passe debout. Pas équipé et obligé d'entrer dans le périmètre d'un rôdeur, vous devez vous retrousser les manches et vous préparer à quelques éclaboussures. Là on privilégiera la batte. Parce que plus facile, plus rapide, plus séduisante. Donner sept ou huit coups, en prenant soin de se mouvoir et de rester à portée, mais pas trop : les premières fois, on y va de bon coeur. Mais vite, cela devient mécanique, redondant, barbant. La faute au peu de possibilités offertes au corps-à-corps, à la rigidité du personnage qui, en cas de mauvais timing, risque sa peau. Remarquez, d'un côté, cela contribue en partie au traumatisme causé pendant les 15 à 20 heures offertes par la campagne solo...
In your heeeeeeeeeeeeaaaaaad
J'ai utilisé le mot traumatisme ? Ah oui. Eh bah c'est normal. Se lancer dans ZombiU revient à chercher la dépression nerveuse. Cette aventure apocalyptique, assez bien réalisée, même si l'on devine, sous les jolis filtres, des coutures moins glorieuses, accompagnées de quelques bugs de collision et de chargements de zones pénibles, épuise le joueur tant elle se montre oppressante, imprévisible et exigeante dans ses moindres détails. Tenez, rien que les sauvegardes ou les checkpoints : ça se passe uniquement à l'abri, en dormant. Mais n'est-ce pas ce que l'on cherche lorsqu'on s'intéresse à ce genre de production ? Se faire peur, plonger dans l'horreur la tête la première, en baver jusqu'au la dernière goutte de salive ? Bien sûr que si. Alors on peut dire qu'il n'y a pas erreur sur la marchandise. Ubi n'a pas menti. Et puis n'oublions pas le multi, mine de rien bien pensé. Un joueur avec la tablette, qui place ses petits zombies sur une carte pendant que l'autre, sur la télé, incarne un survivant, au pad, devant soit capturer des drapeaux soit simplement survivre. Fun et relaxant, pour le coup. Mais limité, puisque à deux et offline uniquement. Votre connexion servant surtout à échanger des indices sur les murs pendant la campagne, façon Demon's Souls...
Je sais que ZombiU n'est pas parfait. Je sais aussi, pour l'avoir parcouru en entier, que même ceux qui plaçaient en lui de grands espoirs risquent de passer par quelques bons moments de frustration, liés à des choix de gameplay discutables. Mais que les choses soient claires : je voulais un vrai survival-horror et je l'ai eu. Preuve en est de la nervosité qu'il a provoqué chez moi. Oui j'ai sursauté plus d'une fois. Senti la tension dans les moments plus calmes et moins éclairés, alors que des bruits bizarres semblaient perceptibles au loin. J'ai fini épuisé de ne jamais me sentir reposé, où que je sois, à la façon d'un véritable survivant. Et puis, il ne faudrait pas oublier ces petites idées liées à la tablette qui, à mon sens, montrent assez bien le potentiel de la Wii U. Pour tout ça, je pense qu'Ubisoft Montpellier a réussi son pari. Restera à confirmer, pourquoi pas avec une suite un peu plus élaborée.