L'annonce d'Assassin's Creed III : Liberation a fait grand bruit. D'abord parce qu'Ubisoft a clairement affiché son ambition de proposer un titre à la hauteur de la série sur une console portable, et ensuite parce que c'est l'occasion pour Sony de disposer d'une vitrine technologique et ludique de premier rang pour sa Vita (mis à part le sublime Uncharted Golden Abyss). Bien entendu l'arrivée d'une franchise aussi prestigieuse que celle d'AC sur la portable est aussi une aubaine pour faire repartir les ventes encore aujourd'hui décevantes d'une machine en manque de titres prestigieux. Alors Aveline, la nouvelle héroïne proposée, est-elle à la hauteur de ses ancêtres et fait-elle honneur à sa lignée ou est-elle à ranger aux côtés des décevants spin-off DS, iOS et PSP ? La vérité est à portée de main...
Développé par Ubisoft Bulgarie sous la houlette de Montréal, ACIII Liberation a trois aspects majeurs à mettre en avant. En premier lieu il se veut comme un épisode complet, et parfaitement intégré à l'histoire de la saga, avec son monde ouvert, son sentiment de liberté et son caractère. Ensuite il propose une héroïne et non pas un héros, comme le veut la coutume, et enfin il est le premier opus qui développe un peu plus la perspective des Templiers dans leur combat contre les Assasisins. Liberation est donc un énorme challenge, tant sur le plan narratif que sur celui de la technique ou du gameplay. Mais à force de trop vouloir en faire, il y a forcément des errances...
Un vrai Assassin's Creed
On nous l'avait promis et c'est désormais chose faite ! Les possesseurs de PS Vita peuvent se frotter les mains, ils ont un véritable jeu Assassin's Creed sur la console portable la plus puissante du marché. Et s'il y a bien des choses à redire, on ne peut nier la générosité de ce Liberation. Les régions à explorer sont de très bonne taille, la réalisation tient largement la route malgré quelques baisses de framerate qui n'handicapent que rarement et le gameplay est globalement satisfaisant. D'autant que le scenario du jeu a parfaitement sa place dans la metahistoire globale de la saga et qu'Aveline, l'héroïne donc, profite d'un incroyable charisme qui n'a rien a envier à Ezio ou à Altaïr. Liberation est un Assassin's Creed comme les autres, avec ses qualités et ses défauts, qui fait d'ailleurs fortement penser au second volet de la saga par bien des aspects.
Aveline sur tous les fronts
Vous l'avez compris, Aveline est presque capable d'en faire autant que les autres assassins (sauts de la foi, mini-quêtes, prendre les armes des gardes, fouiller les cadavres, vol à la tire, Vision de l'Aigle pour chercher des indices, gestion commerciale et de l'arsenal, infiltration, combats dynamiques, filatures, exploration, tout y est ou presque !). Le Free Run fonctionne d'ailleurs parfaitement, autant dans la foule que sur les toits de la Nouvelle-Orléans ou dans les arbres desséchés du Bayou, un véritable terrain de jeu à la manière de la Frontier (la forêt d'AC III). Evoluer dans cet univers vaste, cohérent, voire vivant, et souvent très détaillé, est un véritable régal que les fans ne sont pas près d'oublier. Côté assassinats, on retrouve les mêmes sensations avec toujours plusieurs possibilités d'approche (en force ou en finesse via l'infiltration), si ce n'est qu'Aveline profite d'attaques à distance nettement plus intéressantes grâce à sa sarbacane et ses diverses fléchettes empoisonnées, son fouet ou encore ses pistolets. Si tout fonctionne plutôt bien à distance, avouons que les premières imperfections de la jouabilité se font sentir dans les combats, un peu comme dans Assassin's Creed II d'ailleurs. Alors même si les gardes se permettent de vous attaquer à deux ou par derrière, il faut reconnaitre que le système de parade ne fonctionne pas toujours parfaitement et que au corps à corps, les joutes sont souvent un peu brouillonnes malgré d'excellente sensations, notamment grâce à l'arsenal d'Aveline, particulièrement étoffé.
Aveline mon amour
La belle Aveline est une métisse Franco-africaine affranchie par le sang de son père blanc et de sa mère esclave. Liberation n'hésite donc pas à explorer des thématiques sensibles comme l'esclavagisme, la place des femmes dans la société expatriée du XVIII siècle en Louisiane, les luttes de pouvoirs entre les colons, les autochtones, et les empires Français, Espagnol et Britannique. Et il le fait plutôt bien, malgré une narration qui manque parfois de crédibilité dans les jeux d'acteurs ou de clarté avec pas mal de zones d'ombres. Ne vous méprenez pas, les cut scenes sont superbes et regorgent de cliffhanger qui satisferont sans mal votre faim de surprises scénaristiques, même s'il faudra souvent aller fouiller dans les bases de données de l'Animus pour comprendre tous les tenants et les aboutissants de l'histoire. Liberation offre donc un point de vue interessant sur l'époque mais aussi sur la vision des Templiers et celle des Assassins, le tout avec une héroïne toute particulière qui en a dans le pantalon. Que du bonheur pour les fans en somme !
La grande aventure ?
Aveline vous fera voyager, aussi bien à travers les nombreuses régions que les différents aspects du gameplay. De la Louisiane au Mexique en passant par le Grand Nord (où elle croisera d'ailleurs Connor, le héros de AC III), Aveline montrera ses diverses compétences qui passent tout d'abord par la capacité à endosser plusieurs rôles qui changent à la fois les relations avec les personnages mais aussi ses capacités physiques. Un peu partout en ville, des magasins rachetés par la belle, feront office... de dressing et permettront à Aveline de revêtir les traits d'une Esclave, d'une grande Dame ou de l'Assassin, qui définit finalement au mieux sa vraie nature. Elle est un véritable caméléon et toutes les facettes de sa personalité et de son look doivent être exploitées en fonction des situations. En esclave elle se glissera discrètement parmi ses semblables, incitera aux émeutes et sera capable de combattre ou de se balader dans les hauteurs mais n'aura que peu de santé. En Assassin elle sera en possession de toutes ses capacités mais sera nettement plus susceptible d'attirer l'attention des gardes et sera donc plus exposée. Vêtue de sa plus belle robe, en bourgeoise, elle ne pourra pas réellement courir, sera peu résistante mais pourra tout de même se battre. Heureusement, elle peut alors user de ses charmes pour attirer les regards des soldats et ainsi les soudoyer, ou entrer officiellement dans des zones interdites pour tuer en toute discrétion. Chacun de ces costumes aura sa propre notoriété, qui excitera plus ou moins les sentinelles. Vous pouvez par exemple être sans danger pour les soldats espagnols en Esclave et activement recherchée en tant que Dame, ou inversement. Il faut donc user de différents moyens pour faire baisser la notoriété de chacune de vos personnalités en tuant des témoins (Dame), en arrachant des avis de recherche (Esclave) ou en soudoyant des notables (Assassin). Bien entendu, les costumes permettent d'aborder les missions de différentes manières, même si certains sont nettement plus appropriés en fonction des missions et même souvent imposés ! Cette garderobe permet surtout de varier les gameplay et si l'Assassin ou l'Esclave sont grisant, la lourdeur et la lenteur de la Dame en dentelles peut s'avérer agaçante à la longue, surtout lorsqu'il faut traverser une zone entière pour démarrer une mission/mémoire.
La Vita dans tous ses états ?
Il ne pouvait en être autrement, les fonctions spéciales de la Vita ont été mises à contribution. Si elles font pour la plupart gadget, on en apprécie certaines, dont les kills multiples en ciblant plusieurs adversaires au doigt pour assister ensuite a une superbe cut scene sanglante. De même, déplacer la console dans l'espace pour certaines énigmes ou voler les passants en glissant délicatement son doigt sur le dos de la portable est bien pensé, tout comme pour pagayer en pirogue dans la Bayou. Pour autant, certaines autres fonctionnalités sont mal exploitées. On pense à l'appareil photo à amener près d'une source lumineuse pour déchiffrer des parchemins, et qui demande (trop) de patience ou bien encore l'ouverture des lettres avec deux doigts, comme si on les déchirait. C'est amusant mais pas toujours pertinent, ni même fonctionnel, tant le manque de précision agace parfois. Et c'est d'ailleurs l'un des points noirs de cet Assassin's Creed, le manque de précision et de finition qui se font sentir un peu partout. Un peu comme si Liberation était le AC II de la Vita avec quelques bugs par-ci par-là, qui finissent tout de même par diminuer le plaisir, voire carrément énerver !
A trop vouloir en faire Aveline se prend les pieds dans le tapis
Je ne vous le cache pas, j'ai adoré cet épisode. Prenant, séduisant, original dans son gameplay et proposant les mêmes sensations que les versions de salon, il fait honneur par bien des aspects à la PS Vita. Mais il y a bien plusieurs soucis qui entachent parfois trop l'expérience de jeu. Des problèmes techniques d'abord avec des personnages qui popent un peu trop souvent (remarquez, en ville ils sont nombreux...), des baisses régulières du nombre d'images par seconde dans les cités, des bugs de collisions, un manque de précision récurrent en combat, ce qui explique sans doute que les attaques à distance aient été tant mises en avant dans ce volet, ou encore des passants qui crient à l'assassin alors qu'ils n'étaient pas présents lors de votre méfait, des voix qui sortent d'on ne sait où comme dans certains épisodes précédents, des partenaires qui peinent à vous suivre dans les arbres et qui s'embourbent dans le Bayou, des gardes qui vous voient comme par miracle alors que vous êtes cachée, une caméra qui se place parfois mal ou des tuto qui se déclenchent au mauvais moment...
Pour bien comprendre l'ampleur du problème, il faut comparer : Liberation a les mêmes soucis que certains épisodes mal finis de la saga Assassin's Creed. C'est gênant, voire carrément agaçant, mais ça ne condamne pas le jeu pour autant. D'autant que certains passages sont vraiment épiques, comme traverser le Bayou à toute vitesse de branche en branche sans le moindre souci, le tout sous les tonnerres d'une pluie battante, ou constater les effets du poison qui rend dingue un garde, ce qui aura pour conséquence de déstabiliser les autres soldats, que vous pourrez alors achever par derrière dans un saut en tombant des toits, machette à la main tel un redoutable prédateur. Vous l'aurez compris, ACL est un bon Assassin's Creed qui pêche par un manque de finition flagrant mais quoi qu'il en soit passer à côté demeure une hérésie pour tout possesseur de Vita, que ce soit clair !
Les autres vies d'Aveline
L'aventure d'Aveline regorge de secrets à découvrir et de révélations mais il faut en passer par les deux premières séquences de mémoire qui peinent à lancer l'aventure, cette dernière commençant à réellement décoller à partir de la séquence trois. Il faudra donc faire preuve de patience avant de réellement sentir la moiteur de la Louisiane ainsi que la liberté qui caractérise la série. Et cette liberté passe par plein de petits à-côtés, comme les sauts de la foi des hauteurs ou des challenges dans les missions pour être parfaitement synchronisé avec Aveline, des quêtes annexes telles la collecte d'oeufs de crocodiles, de pages d'un journal ou des mini-missions pour combattre les concurrents dans le domaine des affaires, etc. D'ailleurs, Aveline pourra faire prospérer le commerce d'import-export de son père, ceci au travers d'un mini-jeu de gestion tactile dans lequel on déplace des navires de transport en chargeant, et déchargeant, des denrées dans différents ports pour augmenter sa trésorerie. C'est accessoire mais cela peut se révéler amusant et utile sur la longeur pour acheter plusieurs magasins en ville, récupérer toutes les tenues d'Aveline et améliorer son arsenal.
Un multi pas très libéré
Pas d'AC aujourd'hui sans un multijoueur efficace. Liberation se devait donc de proposer quelque chose dans le domaine. S'il nous a été difficile de le tester en profondeur (les serveurs ne fonctionnent correctement que depuis hier), sachez qu'il s'agit d'un jeu de gestion et pas d'action. Sur une carte du monde les joueurs choisissent leur faction, Assassin ou Templier, et tentent de dominer des zones clés pour le contrôle de la planète sur une certaine période de temps. On gagnera en expérience, tout comme ses soldats, qui défendront ou attaqueront des points importants du globe au travers de petits duels animés dont l'issue dépendra des statistiques des personnages impliqués. Tout cela est sympathique, et sans doute profond, mais sans pour autant nous avoir scotché des heures durant. Bien entendu, la fonction Near de la Vita est aussi mise à contribution pour s'échanger des cadeaux ou des objets rares, qui n'influencent cependant pas le déroulement de l'aventure solo. Un gadget là encore à destination des collectionneurs.
Les développeurs d'Ubisoft Bulgarie ont vu grand et ont tenu à proposer une expérience équivalente à celle des consoles de salon sur la PS Vita, c'est quelque part une réussite malgré plusieurs égarements, parfois vraiment rageants. Pour autant l'aventure demeure savoureuse, peut-être moins que sur PS3 ou Xbox 360, c'est un fait, mais les amoureux de la saga possédant une PlayStation Vita seraient bien mal avisés de passer à côté de cet opus destiné à leur console et qui vaut tout de même son pesant de fragments d'Eden. Il faudra néanmoins passer outre plusieurs défauts à la fois techniques, de mise en scène ou de gameplay mais quoiqu'il en soit AC III : Liberation a bien sa place dans la saga Assassin's Creed !