Ecrire sur The Unfinished Swan, c'est un peu comme y jouer. Face au blanc à perte de vue, on répand de l'encre noire par petites touches pour dessiner des contours, révéler des formes, rendre ce qui nous entoure intelligible et on l'espère, progresser. Au début, c'est à tâtons que l'on avance, pas vraiment convaincu de la pertinence de ce que l'on est train de faire, et puis à l'orée de la conclusion, on ressent quelques fugaces frissons. En sera-t-il vraiment ainsi avec ce texte ? A vous de me lire.
Dans The Unfinished Swan, le lapin blanc se fait donc cygne. C'est cet oiseau peint par la mère du jeune Monroe, pas en retard mais inachevé, que va suivre le petit garçon orphelin dans un songe où il va découvrir un royaume et surtout, un roi. Difficile d'écrire sur ce jeu sans en dévoiler l'histoire, celle-ci se racontant au fur à mesure des quatre chapitres que l'on boucle en environ trois petites heures, trois grosses si l'on veut récupérer tous les ballons de baudruche cachés dans ce monde et obtenir quelques bonus comme des illustrations ou, plus surprenant, un accès immédiat à l'intégralité des chapitres du jeu. Mais comme le plaisir réside vraiment dans la découverte de ce récit, narré comme dans un beau livre pour enfant, nous nous attarderons plutôt sur les mécaniques de jeu.
Cygne de X
Dans ce "FPS", si au début on aspergera exclusivement des billes d'encre pour dévoiler l'environnement monochrome dans lequel on évolue, bien vite le liquide sera de l'eau. Elle servirat à activer un petit moulinet afin de déployer un pont par exemple, mais surtout sera utile pour faire pousser des plantes sur lesquelles on pourra s'agripper. Pas vraiment d'énigmes dans The Unfinished Swan, juste un tout petit peu de jugeote pour trouver certains ballons peut-être, dans une aventure où le chemin est tout tracé et où, durant la première moitié du jeu, le joueur se sent plus spectateur qu'acteur. On asperge d'encre, sans relâche, on arrose non-stop pour que ça pousse et que ça grimpe, et pour ainsi suivre le chemin bien balisé de l'aventure. Dans la seconde moitié du jeu, le chemin est toujours tout tracé mais on s'amuse plus à le découvrir grâce à une utilisation plus astucieuse de notre pinceau magique. Il faudra pousser une sphère de lumière sur un cours d'eau pour avancer le long du rivage, la lueur de la petite boule rose étant la seule protection contre les vilaines araignées tapies dans le noir. Enfin, alors que la narration entre dans sa dernière phase et donne toute sa mesure, proposant au joueur de quoi être vraiment attentif, il sera possible de dresser des plateformes, en deux temps, de manière très aisée au PS Move comme à la manette. De loin les phases de jeu les plus amusantes du titre et dans lesquelles on se sent vraiment investi.
Il suffira d'un cygne
Malheureusement, celles-ci arrivent dans la dernière partie du jeu, très court, et pour lequel on reste un peu sur notre faim. Seulement trois manières d'utiliser le liquide sont finalement proposées : on éclabousse (et on en a vite marre), on pousse (difficile de faire plus basique) et on génère des plateformes, la seule véritable idée de jeu originale finalement. Car aujourd'hui, avec des moteurs physiques capables de prouesses, les joueurs sont plutôt habitués à jouer de manière beaucoup plus ingénieuse avec les fluides. Ici, une idée, un chapitre et si ce n'est à la toute fin, pas une mécanique de jeu n'étonne alors qu'on attendait de ce titre de la malice, plein de petites idées amusantes, les premières vidéos ambitieuses et mystérieuses laissant espérer une certaine dose d'ambition. Au lieu de ça, et même si l'aboutissement du récit procure une certaine dose d'émotion pour peu qu'on ait été séduit par cette narration façon conte de livre pour enfant (ce qui est aisé, direction artistique et mise en scène étant réussies), on se retrouve face à une montée en puissance narrative que l'on pourrait presque considérer désormais comme établie en tant que genre dans le jeu indé, et qui commence presque à devenir un sacré cliché. C'est à dire, partir d'une histoire que l'on croit légère, anodine, pour, au final, dévoiler toute la puissance symbolique du titre, façon "ce jeu n'est pas celui que vous croyez". Alors déjà, depuis Braid, Flower et compagnie, cette manière de faire est un peu éculée. Mais, surtout, elle exaspère quand avec une durée de jeu si minimale, il aura fallu attendre la toute fin pour avoir l'impression de faire autre chose que d'éclairer un chemin déjà tout tracé et sans surprises en le tachant. Bref, son ambition, du moins dans une première moitié de jeu, sonne peut-être un peu creux.
Elle est facile mais comment passer à côté : The Unfinished Swan est un jeu bien nommé, au goût d'inachevé. Doté d'une direction artistique séduisante, proposant une progression douce, affirmant que le FPS peut être autre chose que du pan-pan boum-boum décérébré, The Unfinished Swan se cache derrière son aspect d'originalité pour au final ne pas en proposer vraiment. Trop vite plié, trop peu surprenant, ce nouveau jeu indé pour PS3, s'il n'a rien de rebutant, ne parvient pas à se démarquer, en tout cas à marquer autant que ses pairs ou qu'on s'y attendait. Il propose pourtant un récit plaisant à suivre, même s'il reproduit une sorte de montée en puissance devenue aujourd'hui un tantinet cliché. Les trois heures nécessaires à vivre l'aventure de ce jeu vous seront surement agréables, mais il ne vous en restera peut-être rien. Pour 13 euros, c'est à vous de voir.